La méritocratie

Message par Sinoue » 22 Fév 2012, 14:40

mardi 21 février 2012 à 12:47

(iana @ dimanche 19 février 2012 à 16:09)
a écrit :
Je fais partie des classes populaires autant par ma mère que mon père et pourtant je ne me suis jamais dit que parce j'étais née dans et avec cette classe sociale, je ne pouvais pas faire d'etudes. Aujourd'hui je suis en bac+4, nous sommes 30 dans notre master et y'en a très peu qui sont issus des classes supérieures notamment "grâce" à la bourse. Je ne dis pas que ce système méritocratique est normal, loin de moi cette idée, mais malheureusement et paradoxalement je suis bien contente d'y avoir droit et je suis fière d'etre fille de travailleur et de faire des études supérieures. C'est pour ca que je ne comprends pas en quoi je devrais faire un choix, pour moi études supérieurs et extreme gauche c'est pas incompatible.


C'est HS, mais ça repond a une citation de ce fil. Ca concerne l'idée de promotion sociale, si quelqu'un peut le rattacher a un autre fil y correspondant.

On retrouve certes des étudiants d'origine populaire dans les universités et même dans les grandes écoles, ceci depuis les années 60 avec l'élargissement de l'accès à l'enseignement secondaire. Il y en a même un certain pourcentage qui arrivent à obtenir les diplômes finaux. Mais cela n'assure en rien de trouver un emploi plus tard. Surtout lorsque l'on voit les coupes claires dans les budgets affiliés à la recherche ou à l'enseignement.

Et même si l'emploi est trouvé, il ne signifie en rien une promotion sociale. Il suffit de connaitre les conditions de travail des enseignants ou les contraintes subies par les chercheurs; c'est alors que l'on comprend pourquoi ces travailleurs s'engagent régulièrement dans des mouvements de protestation et de revendication.

Je te dis ça à toi Iana aussi parce-que tu as l'air de t'engager dans la filière "sociologie" qui n'offre guère d'autres débouchés que l'enseignement. Je pense que l'on finit très souvent par se faire rattrapper par son milieu d'origine. Les solutions alternatives sont d'arriver à se créer un milieu relationnel qui permet d'obtenir un piston pour obtenir la place recherchée.

La majorité des membres de notre génération a un diplome mieux gradé que ses parents, mais étant donné que les exigences de recrutement se sont durcis, je ne pense pas que les choses aient réellement avancé. Anciennement un bac suffisait pour trouver facilement un travail. Aujourd'hui avec Bac +4 ou 5 tu as interet a avoir un CV rempli de tout un tas de stages pour l'étoffer.

Le gouvernement avait organisé un projet qui facilitait l'accès aux classes prépa pour des jeunes issus de banlieues difficiles. Au moins plusieurs dizaines brillants lascars avaient été sélectionnés; au final une seule élève avait réussi à obtenir l'examen de sortie. Les barrages mis en place par la bourgeoisie sont bien plus vastes et variés que les simples diplomes. On a souvent tendance à dire que le monde marche par relation, c'est très vrai.

Je me souviens que quand j'étais à la fac, j'ai fait jusqu'a bac+4, l'écrémage social était progressif: La premiere année était très "colorée", puis plus je progressais, plus le niveau social s'homogénéisait vers le haut. Aussi, je me suis apperçu que je m'entendais mieux avec les élèves qui venaient des quartiers plus populaires. Ca m'est arrivé plusieurs fois d'avoir été invité à des diners, mais d'etre concrètement mis en marge de la discussion.
Sinoue
 
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Message par shadoko » 22 Fév 2012, 16:19

a écrit :
Ca m'est arrivé plusieurs fois d'avoir été invité à des diners, mais d'etre concrètement mis en marge de la discussion.

Ça, c'est parce qu'on ne parle pas la bouche pleine. :whistling_notes:
shadoko
 
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Message par Zelda » 22 Fév 2012, 17:20

Sur la reproduction sociale et linguistique :

J'ai des copains immigrés de 2 types qui me font bien réfléchir :

1) L'un est ingénieur, polyglotte (3 langues courantes que je lui connais, la sienne, l'anglais et le français). Il est marié et a 2 enfants. Ses 2 enfants parlent sans arrêt sa langue d'origine à la maison, et le français à l'école.

2) L'autre est employée, parle 2 langues courantes. Mais croyant protéger sa petite fille, elle ne lui parle jamais sa langue d'origine. Bilan des courses : sa petite fille parle un français bourré de fautes, comme sa maman... et pas du tout l'autre langue.
Zelda
 
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Message par yannalan » 22 Fév 2012, 20:18

In a remarqué ça dans les années d'avant-guerre en Bretagne quand le breton était encore largement parlé.Ceux qui parlaient breton chez eux et français à l'école parlaient mieux les deux langues que ceux qui mélangeaient tout.
Si on mélange on arrive à un gloubi boulga affreux. Ma compagne a enseigné en collège sur la côte du Pas de Calais, elle avait demandé un enseignement de picard pour que les gamins fassent une différence entre le dialecte local et le français. Evidemment on l'a envoyée paître.
yannalan
 
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Message par Oel » 22 Fév 2012, 22:27

Je suis né en Angleterre, j'ai acquis le langage tardivement (mais c'était des problèmes d'auditions). Effectivement on a conseillé de parler uniquement français à la maison. Sinon ca peut retarder ou nuire l'acquisition du langage.
Ceci dit j'ai déjà croisé une famille ou les questions-réponses étaient tantot en anglais tantot en français, ça semblait dépendre du hasard. Ma mère avait certifié une bilinguité de naissance : les enfants n'avaient aucun accent dans chaque langue.
Oel
 
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Message par quijote » 23 Fév 2012, 18:00

(iana @ mercredi 22 février 2012 à 16:20 a écrit : A ce sujet je vous conseille de lire Annie Ernaux, c'est une auteur que j'apprécie enormément. Son écriture se focalise sur son expérience propre mais c'est aussi du roman sociologique.
Elle explique "la honte" qu'elle a pu ressentir par rapport à sa classe sociale d'origine (ses parents étaient des petits commercants en normandie) en arrivant dans des milieux universtaires où la culture légitime est ominiprésente.
Je me reconnais assez dans ce qu'elle écrit.

Annie Ernaux n 'est pas ma tasse de thé ....elle a honte de ses origines ? la voila bien" l'intellectuelle" tourmentée . Je l 'ai connu personnellement en tant que militante syndicale et elle me toisait parce que je n 'adhérais pas aveuglement à sa boutique syndicale .. sur d 'autres plans je la trouve centrée sur elle même et je connais bien des gens qui , issus de milieux simples n 'en tirent ni honte ni gloire .. pourquoi, avoir honte au surplus , puisque la société fabrique les individus , qui sont ce qu'ils sont? bien souvent si on se donne la peine d'aller à leur rencontre , on trouve beaucoup de richesse humaine , indépendamment des "diplômes " ...
quijote
 
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