a écrit :Notes de lecture :
Que pense Allah de l’Europe ?
de Chahdortt Djavann (éd. Gallimard, 5,5 €)
Q
ue pense Allah de l’Europe ? poursuit le combat de Bas les voiles ! contre l’oppression des femmes et le poids de la religion sur la société. Pour tous ceux qui luttent pour l’émancipation des opprimés contre l’embrigadement religieux dans lequel s’inscrit entre autres l’islamisme politique, ce pamphlet de Chahdortt Djavann est riche d’arguments et de raisonnements pour comprendre la stratégie des islamistes qui cherchent à accroître leur influence sur les populations issues de l’immigration en Europe.
Le « mythe de la patrie islamiste » : une politique pour gagner de l’influence
Islam des jeunes, des banlieues, des pauvres, de France, européen, modéré, féministe, culturel, traditionnel… une des tactiques des islamistes consiste tout d’abord à mettre systématiquement en avant l’islam comme « référence unique, le repère » pour essayer de regrouper le plus largement autour d’eux.
« On parle parfois du danger ‘communautariste’, écrit l’auteur. Il y a peut-être là une imprécision de langage… Il s’agit, pour reprendre un vieux mot, de confessionnalisme. … une conception prosélyte, totalitaire et impérialiste de la religion. Le confessionnalisme islamiste ne se soucie pas plus particulièrement des communautés turques, algériennes ou autres… il entend unir les musulmans indépendamment de leurs origines nationales ».
De ce point de vue, l’Europe est pour eux un « laboratoire idéal », qui offre un cadre large où vivent des dizaines de nationalités différentes, parfois avec un sentiment de déracinement, auxquelles les islamistes essaient d’imposer une identité religieuse, comme substitut au sentiment national.
Expérimentée en Iran, cette stratégie a servi dans la guerre Iran-Irak (1980-1988) pour envoyer des centaines de milliers de jeunes à la boucherie (entre 1 et 3 millions de morts) : « La patrie n’était pas l’Iran, mais l’islam. C’est l’islam que défendaient les combattants iraniens ».
« Aujourd’hui, c’est dans les banlieues de l’Europe … que … les mollahs déturbanés, les missionnaires de l’islamisme essaient, au nom de l’islam sans frontières, de répandre le mythe de la patrie islamique.
La « nouvelle identité musulmane » est l’expression qui révèle leur but. Et les politiques communautaristes comme celle avancée par Sarkozy pour diviser les opprimés, favorisent ce but en accordant aux dignitaires religieux des pouvoirs de représentation auprès de l’Etat ou des pouvoirs locaux, sous prétexte de diminuer l’influence de « l’islam des caves ».
Les islamistes cherchent par tous les moyens à créer, renforcer, développer un sentiment identitaire pour soumettre la vie politique et sociale à la religion. Bien sûr, ils ne feront pas de l’Europe un nouvel Iran, mais cette stratégie leur permet, dès maintenant, de gagner de l’influence et du pouvoir et de négocier des places auprès de l’Etat, en monnaie d’échange du contrôle qu’ils prétendent assurer sur les populations d’origines immigrées.
Le voile « emblème du système islamiste »
Et c’est là que le voile joue un rôle fondamental pour eux, car il est la marque incontournable de ce contrôle.
Chahdortt Djavann reprend l’analyse développée dans Bas les voiles ! expliquant que « le voile a depuis toujours été le symbole de l’infériorité des femmes dans les trois religions monothéistes », l’instrument qui réduit l’identité de la femme à un objet sexuel. Contrainte elle-même à porter le voile en Iran pendant dix ans (voir son roman autobiographique Je viens d’ailleurs), elle raconte comment ce simple petit mot, passé à sa voisine de classe, lui valut d’être renvoyée du lycée : « la chose est évidente : nous avons quatorze ans, notre destin est écrit, ‘mektub’, notre voile est notre identité et notre identité est notre voile ».
Son explication est en rupture avec toutes les divagations d’ordre vestimentaire, traditionnel, identitaire… qui ne disent pas clairement que le voile est avant tout un instrument d’oppression. Elle ridiculise les prétentions sociologiques voire psychologiques qui traitent cette question au « cas par cas », discutant des motivations « individuelles » des jeunes filles qui portent le voile. Ces motivations ou justifications individuelles ne changent en rien la signification du voile ou le contenu de la bataille politique de ceux qui veulent l’imposer (si possible avec le consentement des victimes).
Le voile est une des clés du prosélytisme islamique. Il lui permet de s’afficher, de montrer physiquement sa progression, d’exercer une pression sur celles et ceux qui veulent résister à l’oppression. Il délimite la « communauté ». « Avec le voile, les femmes acquièrent une valeur marchande, deviennent des objets de valeur, des objets d’échange entre les hommes, entre les pères, les frères et les futurs maris … Pour accéder à ce marché, il faut être ou devenir musulman ».
L’islamophobie, « machine de guerre idéologique »… inventée par les islamistes
La bataille pour le voile joue un autre rôle important pour les islamistes, car elle leur permet de trouver un appui auprès de certains « intellectuels » des pays européens, en prenant la posture des victimes de l’islamophobie.
Chahdortt Djavann explique que « le terme ‘islamophobie’ fut inventé –on ne le dit jamais– par des mollahs iraniens juste après la révolution islamique. L’islamophobie fut l’anathème jeté sur les quelques centaines de milliers d’opposants que le régime islamiste a exécutés… L’islamophobie résume l’idéal totalitaire d’un régime islamiste pour qui toute opposition est considérée comme une atteinte à l’islam et à ce titre justiciable de la peine de mort. Parler d’islamophobie, à propos de ceux qui critiquent les dogmes de l’islam, c’est évidemment entrer dans le jeu des islamistes. On peut s’étonner qu’un certain nombre d’intellectuels et de politiques, et à leur tête le Mrap, aient entériné sans sourciller, l’usage d’un terme qui a tout d’une machine de guerre idéologique. »
Dans l’autre sens, les termes de liberté, de démocratie, de droit, de féminisme, sont repris par les islamistes, dans une entreprise méticuleuse de détournement du langage. « La liberté, c’est celle d’obéir aux dogmes ». Quant au « féminisme islamiste », il s’est développé lui aussi en Iran, après vingt ans d’oppression, d’assassinats, de diktats, de lapidations… pour expliquer que grâce aux lois islamiques, les femmes étaient émancipées et protégées de la décadence occidentale.
Chahdortt Djavann démonte un à un les pièges de l’argumentation de l’islam politique et pointe aussi une certaine condescendance, un « racisme subtil », existant en Europe, qui assigne automatiquement les personnes venant de l’immigration à une religion, en les enfermant dans l’horizon indépassable du communautarisme religieux.
* * *
Pour Chahdortt Djavann, il est clair que la progression des islamistes en Europe a des causes sociales, à commencer par la dégradation des conditions d’existence des populations, et politiques, mépris étatiques des populations d’origines immigrées et progression de l’extrême droite.
Si elle ne montre pas que cette régression est liée aussi au recul du mouvement ouvrier qui donnait un contenu social aux idées progressistes, son livre est un outil indispensable pour les révolutionnaires et les progressistes qui militent contre le racisme, pour l’unité des opprimés et veulent combattre pour la démocratie, c'est-à-dire la prise en main lucide et consciente de leur destin par les opprimés contre tous les obscurantismes religieux.
Franck Coleman
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Pour le monde du travail,
exercer ses droits de citoyens,
c’est s’organiser en parti,
revendiquer son droit à diriger la société
I
l est de mode aujourd’hui de repenser les rapports entre les citoyens et les partis politiques, de prétendre à « une refondation des pratiques sociales », etc. En un mot, bon nombre d’intellectuels, d’hommes politiques s’interrogent sur les moyens de réconcilier les citoyens avec des partis politiques dont il s’est avéré qu’ils étaient bien plus soucieux de leurs propres intérêts que de ceux de ces dits citoyens.
Le choc de l’élection présidentielle du 21 avril 2002 a révélé cette rupture entre les partis gouvernementaux, institutionnels et la grande majorité de l’opinion. Cette rupture loin de se résorber est un des éléments importants de la nouvelle donne politique.
Au sein du monde du travail, parmi la jeunesse, l’abstention devient un comportement de plus en plus répandu.
Elle peut déboucher sur une nouvelle conscience politique et sociale, contestatrice, subversive.
Faire de la politique est inscrit dans notre propre nature humaine. Aristote ne disait-il pas que l’homme est « un animal politique » ? Redonner à l’action politique sa dimension humaine et libératrice, faire de la politique autrement, c’est contester radicalement les fondements mêmes de l’ordre bourgeois, la propriété privée, comme l’idéologie et la morale qui la servent ou la corruption qu’elle nourrit.
Pour les classes défavorisées, pour l’ensemble des salariés, faire de la politique consciemment, en toute lucidité, pour défendre les intérêts de sa classe est la seule voie pour échapper à l’aliénation, cette dépossession de soi-même, conséquence des rapports d’exploitation.
Il s’agit bien plus que d’affirmer ses droits de citoyen. Ce langage désuet date d’une autre révolution, la révolution bourgeoise où il s’agissait alors pour la nouvelle classe dominante de conquérir le pouvoir en présentant ses propres intérêts de classe comme universels, intérêts de tous les citoyens. Pour combattre les privilèges de la noblesse et affirmer le droit aux nouveaux privilèges de la propriété bourgeoise, elle concédait à la population l’égalité formelle, politique, et encore le fit-elle toujours de manière purement restrictive. Elle jetait sur les rapports d’exploitation le voile de l’égalité formelle entre les citoyens.
Une nouvelle révolution affirmera le droit de tous les hommes à bénéficier pleinement de l’ensemble des progrès, des richesses tant matérielles que culturelles.
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