Prince des Nuées, par Gianni Riotta

[tovarich1917]

Argh ! J'allais oublier de vous parler de ce livre magnifique.

Dans Prince des Nuées nous suivons les tribulations du colonel Terzo, de l'armée italienne. Grand passionné d'histoire militaire, son but est d'écrire un traité général sur la stratégie et son utilisation dans la vie quotidienne. Mais il n'a jamais vu les combats, et ne les verra pas pendant la seconde guerre mondiale, car il est placé à la tête d'un "service de recherche stratégique".
La guerre finie, il se retrouve à la retraite, en Sicile, dans la propriété d'une noble Slave enfuie pendant la Révolution d'Octobre, qu'il a épousée. Drôle de Mata-Hari, élégante et fascinante, qui a eu d'obscurs rapports avec les services d'espionnage fascistes... Atteinte, par ailleurs, d'un grave cancer dont elle sait qu'il va la tuer à plus ou moins brève échéance.
Le colonel se retrouve également chargé de servir de précepteur en histoire militaire à un jeune fils de prolétaire, pas belliqueux pour deux sous - il est poète - mais que sa mère veut envoyer à l'école militaire afin d'en faire un officier. D'autre part, on le charge d'enseigner le latin à une jeune fille de la noblesse, auprès de laquelle il est sensé incarner - selon la mère de ladite fille, vieille réac - une figure d'ordre et d'autorité - pensez donc, un officier ! Or le colonel est plutôt un rêveur... Quant aux deux adolescents, ils sont communistes, et s'aiment en secret. Le colonel, sur l'ordre de sa femme, couvre leurs rencontres amoureuses...
Or voici que les choses deviennent plus graves : les paysans de la région, opprimés par les grands propriétaires, se révoltent, et doivent faire face aux bandits engagés par leurs maîtres pour mater la révolte. Plus ou moins par hasard, voilà le bon colonel Terzo mis en mesure de mettre ses théories en pratique, en tant que chef des insurgés...

Si ce livre n'est pas à proprement parler communiste, il porte néanmoins un regard indéniablement affectueux et approbateur sur les militants communistes et sur les paysans insurgés, ce qui est déjà beaucoup. La dimension politique de l'ouvrage est fort plaisante ; on en apprend aussi beaucoup sur l'histoire, à travers les connaissances encyclopédiques du colonel Terzo. Mais plus que tout, ce qui m'a séduit dans ce livre, c'est le style d'écriture. On est loin du mauvais roman d'aventures, et peut-être mon résumé est-il trompeur sur ce point là. Le style est magnifiquement mélancolique, doux-amer ; l'auteur s'interdit toute mièvrerie, pourtant ses personnages, ainsi que les scènes décrites, sont bien souvent très émouvants, et le style très poétique. D'ailleurs le titre "Prince des Nuées" vient d'un poème...
Bref, je vous conseille vivement cet ouvrage que je n'hésite pas à qualifier de superbe. Il a été récemment édité en poche et devrait être facilement trouvable.