"Quai de Ouistreham" de Florence Aubenas

Message par ianovka » 11 Fév 2010, 14:05

La journaliste Florence Aubenas, que tout le monde connait depuis sa prise d'otage, va sortir un livre.

Elle a passé plusieurs mois à chercher du boulot afin de livrer ce témoignage.

Je ne l'ai bien sûr pas encore lu mais on en trouve de longs extraits sur le site du Nouvel Observateur, et ça a l'air d'être vraiment une fidèle et terrible description de la galère que représente la recherche d'un emploi dans cette société, la galère de l'intérim, des CDD payés au lance pierre, des petits chefs qui font miroiter un CDI hypothétique pour te faire bosser plus qu'on ne devrait, des boulots aux conditions dégueulasses, de l'inutilité et des tracasseries de Pôle Emploi, de la galère des transports qui coûtent plus cher que ce qu'on va gagner à aller bosser une heure.

C'est sûr, je le lirai.
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par Jacquemart » 11 Fév 2010, 14:27

Oui, à en juger par les extraits du Nouvel Obs, ça a l'air d'être un témoignage vraiment très bien, qu'on pourra lire et faire lire.
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Message par jamesbataille » 23 Fév 2010, 06:24

Dans le même genre y avait déjà "l'Amérique pauvre" de Barbara Ehrenreich qui avait tenté le même genre d'expérience aux USA au début des années 2000.

a écrit :"...une amie de la véritable Barbara Bush m'accompagne dans la chambre à coucher principale pour m'expliquer les problèmes qu'elle a avec sa cabine de douche. On dirait que le marbre a "saigné" sur la robinetterie en cuivre jaune. Est-ce que je peux frotter vraiment fort pour enlever ça ? Ce n'est pas votre marbre qui a saigné, ai-je envie de lui dire, c'est la classe ouvrière du monde entier - les gens qui ont taillé le marbre, ceux qui ont tissé vos tapis persans jusqu'à en devenir aveugles, ceux qui ont récolté les pommes qui ornent votre centre de table si joliment automnal, ceux qui ont fondu le métal pour les clous, conduit les camions, construit cet immeuble, ceux qui à présent se penchent, s'accroupissent et transpirent pour le nettoyer."
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Message par Jacquemart » 16 Mars 2010, 11:31

Je remonte le sujet parce que je viens de terminer le bouquin et que je tiens à le recommander chaudement.

Bien sûr, il n'apprendra sans doute pas grand chose à celles et ceux qui vivent cette vie de petits boulots, d'heures grappillées à droite à gauche et, peut-être le pire, d'humiliations permanentes. Mais bien des gens connaissent mal, ou pas du tout, ce que peut être cette vie, les idées et les sentiments de ceux qui y sont contraints. Et au passage, la galerie de portraits de patrons, petits ou moyens, croqués par Aubenas est féroce de vérité.

Pas une fois, on n'a le sentiment d'être au zoo, ou même qu'une certaine distance sociale sépare l'auteur des petites gens qu'elle décrit. Il n'y a pas un mot de commisération ou de condescendance ; Aubenas raconte ce qu'elle a vécu, sans cacher que pour elle, la situation était provisoire alors que pour ses collègues, c'est la seule vie à laquelle ils ont accès.

C'est un témoignage à la fois sobre et terriblement féroce de la guerre de classe silencieuse que mène la bourgeoisie, des ravages moraux et matériels qu'elle provoque, des absurdités tragi-comique (la scène du téléphone à Pôle emploi) et des vies qu'elle brise chaque jour.

J'ajouterai que les quelques passages où les protagonistes du livre évoquent la manière dont ils perçoivent l'action syndicale et politique sont eux aussi très justes, et peuvent aider à comprendre bien des choses dans la situation.

Je n'aurai que deux reproches, qui ne doivent surtout pas empêcher de lire ce texte. Le premier est une petite tendance, sans doute davantage par les sous-entendus que par ce qui est développé explicitement, à appuyer un peu trop sur le sentiment que ce qui sépare les camps en présence, c'est le CDI, et que finalement, ce CDI est devenu un fossé infranchissable qui traverse les rangs du monde du travail (un peu comme d'autres font de même avec la sécurité de l'emploi). L'autre critique tient au prix : 19 euros pour un petit livre comme cela (car c'est 260 pages écrites bien gros), c'est quand même une bonne affaire commerciale.

Empruntez-le ou achetez-le, mais lisez-le et faites-le lire.


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Message par morise » 16 Mars 2010, 17:19

Ce livre est sûrement très bien. Je voulais juste faire la réflection qu'il plaît beaucoup au médias qui en font une pub d'enfer. Quand Arlette avait sorti un livre de témoignages similaires, avec l'intérêt de la diversité de branches et de métiers, c'était sûrement de leur point de vue de la propagande...
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Message par Ottokar » 10 Avr 2010, 11:40

je viens de lire le livre et il est très bien. On peut l'acheter, malgré ses 19 euros écrits gros, et le faire tourner autour de nous.

Elle oppose effectivement les CDI et les autres précaires, mais c'est ce qu'elle vit et lorsqu'elle trouve un CDI, elle arrête. Il y a une situation où les gens n'ont plus un métier, un emploi, ils "font des heures". Et il faut voir comme ! quand une boîte vous téléphone, vous n'avez pas intérêt à ne pas être libre sinon on vous sussure "vous avez mieux à faire ?"... et on ne vous rappelle plus. Ce sont deux heures de ménage mais cela coûte 2 heures de route pour aller les faire à des heures impossibles. Le boulot est calculé pour deux heures, mais on le fait en trois, et pas la pene de songer à réclamer des heures up, on se fait engueler de ne pas y être arrivés en une heure 30... et tout est à l'avenant.

Les élections, les syndicats, tout cela se passe dans un autre mondce et Jacquemart a raison, quand on connait un peu, on retrouve bien ces réactions.

Une dernière note, pour rire. Je l'achète à un kiosque de gare, il était dans le présentoir des best-sellers et histoire d'être aimable je dis à la vendeuse "peut-être que vous 'lavez lu" ?
Elle répond : "Non, les riches qui jouent aux pauvres, ça ne m'intéresse pas"...
J'essaie de me rattraper et je lui dit que j'ai entendu dire que c'était sympa, qu'elle ne méprisait pas les gens... elle me répond
"Ben, manquerait plus que ça, en plus".

Allons, faut pas désespérer de l'espèce humaine, le sens de classe n'a pas totalement disparu.
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Message par Sterd » 10 Avr 2010, 11:56

J'ai acheté mais pas encore lu.

Dans le même registre je conseille le "Et pourtant je me suis levée tôt" d'Elsa Fayner qui date de 2007 et qui m'avait bien plu.

A se demander à quel point d'ailleurs Aubenas a piqué l'idée
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Message par Kane » 14 Mai 2010, 10:37

Ca ne me dérange pas qu'ils se piquent l'idée du moment que le résultat est là, réussi et qu'il puisse toucher plus de lecteurs.
Kane
 
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Message par Sterd » 14 Mai 2010, 19:50

Après lecture, je dirais que ça m'a irrité. Comme la dame du kiosque d'Ottokar
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Message par Jacquemart » 14 Mai 2010, 19:57

Oui mais toi, tout t'irrite, alors... :spamafote:
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