Je remonte le sujet parce que je viens de terminer le bouquin et que je tiens à le recommander chaudement.
Bien sûr, il n'apprendra sans doute pas grand chose à celles et ceux qui vivent cette vie de petits boulots, d'heures grappillées à droite à gauche et, peut-être le pire, d'humiliations permanentes. Mais bien des gens connaissent mal, ou pas du tout, ce que peut être cette vie, les idées et les sentiments de ceux qui y sont contraints. Et au passage, la galerie de portraits de patrons, petits ou moyens, croqués par Aubenas est féroce de vérité.
Pas une fois, on n'a le sentiment d'être au zoo, ou même qu'une certaine distance sociale sépare l'auteur des petites gens qu'elle décrit. Il n'y a pas un mot de commisération ou de condescendance ; Aubenas raconte ce qu'elle a vécu, sans cacher que pour elle, la situation était provisoire alors que pour ses collègues, c'est la seule vie à laquelle ils ont accès.
C'est un témoignage à la fois sobre et terriblement féroce de la guerre de classe silencieuse que mène la bourgeoisie, des ravages moraux et matériels qu'elle provoque, des absurdités tragi-comique (la scène du téléphone à Pôle emploi) et des vies qu'elle brise chaque jour.
J'ajouterai que les quelques passages où les protagonistes du livre évoquent la manière dont ils perçoivent l'action syndicale et politique sont eux aussi très justes, et peuvent aider à comprendre bien des choses dans la situation.
Je n'aurai que deux reproches, qui ne doivent surtout pas empêcher de lire ce texte. Le premier est une petite tendance, sans doute davantage par les sous-entendus que par ce qui est développé explicitement, à appuyer un peu trop sur le sentiment que ce qui sépare les camps en présence, c'est le CDI, et que finalement, ce CDI est devenu un fossé infranchissable qui traverse les rangs du monde du travail (un peu comme d'autres font de même avec la sécurité de l'emploi). L'autre critique tient au prix : 19 euros pour un petit livre comme cela (car c'est 260 pages écrites bien gros), c'est quand même une bonne affaire commerciale.
Empruntez-le ou achetez-le, mais lisez-le et faites-le lire.
