Lacan pense topologiquement les rapports du savoir à la vérité sous la forme de la bande de Moebius où ils s’interpénétreraient indiscernablement. La vérité parle au travers de la théorie, mais la théorie ne dit pas la vérité. À l’image lacanienne, Althusser, lorsqu’il échappe à ses nostalgies scientistes, préfère celles des profondeurs : « la vérité de l’histoire ne se lit pas dans son discours manifeste, parce que le texte de l’histoire n’est pas un texte où parlerait une voix (le Logo), mais l’inaudible et illisible notation des effets d’une structure de structures ». Mais à l’enchevêtrement lacanien de la vérité et du savoir, il manque une dimension sans laquelle la théorie ne serait qu’une redondance de la vérité qui n’a pas besoin d’être théorisée pour être puissante. Cette troisième dimension est celle de l’idéologie. Et si la vérité parle dans le savoir, elle parle, hélas, aussi dans l’idéologie. Sur la bande de Moebius, où, pour reprendre l’image, se mêlent idéologie et vérité, la théorie marque le pointillé qui esquisse leur partage. De même que l’organisation était la mesure d’un écart entre le statut théorique du prolétariat et sa réalité empirique, de même la théorie est la formulation consciente et la mesure de l’écart entre une vérité dont on surprend la voix et une idéologie qui la rend inaudible.
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