Joyeux Noël, Merry Christmas !

Message par jerome.k.jerome » 23 Nov 2005, 22:21

On peut toujours vouloir étudier l'Histoire à travers quelques petites histoires... Et là, effectivement, on verra qu'une mutinerie se déclenche presque toujours sans cadre politique pré-définit, que l'origine vissible de la révolte est une vexation, un officier trop arrogant ou sanguinaire... Mais là, avec cette méthode, on ne comprend rien. Pourquoi, y-a t'il eu autant de mutineroie en 17/18 et très peu en 39/45? Les officiciers étaient t-ils moins sanguinaires ? Je ne crois pas. Par contre, le contexte politique internationale donne un sens à toutes ces mutineries prises isolément, il explique la bravoure des ouvriers... On est dans le cadre d'une vague internationale de lutte. ce n'est pas qu'en Russie, mais dans tous les pays que la classe ouvrière se tourne vers l'élan révolutionnaire.

Le camarade gerard_wegan doute de l'aspect massif et politique des mutinerie de 14/18 ? Voilà quelques éléments :

a écrit :En revanche, il importe de signaler que ce n’est pas seulement dans ce pays qu’en cette année 1917 les prolétaires en uniforme se révoltent contre la barbarie guerrière. C’est peu après la révolution de février que se développent dans plusieurs armées du front des mouvements massifs de mutineries. C’est ainsi que les trois autres principaux pays de l’Entente, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, connaissent d’importantes mutineries qui conduisent les gouvernements à exercer une répression sanglante. En France, environ 40 000 soldats désobéissent collectivement aux ordres, une partie d’entre eux tentant même de marcher sur Paris où se déroulent au même moment des grèves ouvrières dans les usines d’armements. Cette convergence entre les luttes de classe à l’arrière et la révolte des soldats est probablement une des raisons qui explique la modération avec laquelle la bourgeoisie française exerce sa répression : sur les 554 condamnés à mort par les cours martiales, il n’y aura qu’une cinquantaine de fusillés. Cette «modération» ne sera pas de mise du côté anglais et italien où il y aura respectivement 306 et 750 exécutions.

Cet extrait est tiré d'un article de 3, 4 pages sur la vague révolutionnaire et internationale de 17 (il y a entre autre, un passage savoureux sur Jospin chantant la chanson des mutin de craone): http://fr.internationalism.org/rinte96/1918.htm#_ftnref5

N'est-ce pas hautement politique ?
jerome.k.jerome
 
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Message par gerard_wegan » 24 Nov 2005, 01:31

Il faut s'entendre sur les mots : je ne doute pas du caractère "politique" -- terme aimablement fourre-tout -- des mutineries, là où elles ont eu lieu ; je suis par contre effectivement dubitatif quant à leur caractère véritablement"massif".

Je ne veux pas être désagréable avec les rédacteurs du site internationalism.org, que je ne connais pas, mais j'aimerais bien connaître leurs sources sur les "40 000 soldats [qui] désobéissent collectivement aux ordres, une partie d’entre eux tentant même de marcher sur Paris où se déroulent au même moment des grèves ouvrières dans les usines d’armements" (Combien, au juste, parmi ces prétendus 40 000 ? Que recouvre réellement l'idée de tentative de marcher sur Paris ? -- tout est trop vague pour pouvoir sérieusement discuter).

Quoi qu'il en soit, il s'agit ici, d'après le passage cité, d'après février 1917. Or c'est sur l'ensemble de la guerre de 14-18 qu'il était question plus haut de "grande fraternisation du prolétariat" et de "soldats, [qui] par milliers, par régiments entiers ont refusé de se battre, de s'entre-tuer".

Et c'est en tout cas là que ça coince. Encore une fois, refuser de se battre est une chose ; fraterniser (et pas seulement le temps d'une trêve de Noël) en est une tout autre -- ce n'est évidemment pas un jugement de valeur, je veux juste souligner que ça ne répond pas forcément aux mêmes ressorts. Au passage : quelques centaines de condamnations (pour les événements de 1917 & en reprenant sans vérification les chiffres cités par l'article) dans les troupes françaises, anglaises ou italiennes et une cinquantaine de fusillés côté français, ne représentent (malheureusement) pas quelque chose de massif à l'échelle des millions de morts de la première guerre mondiale. Pour en rester aux chiffres, il y a d'ailleurs eu plus de "fusillés pour l'exemple" en France au printemps 1915 qu'en 1917, et pour des refus d'avancer au moment où apparaît que la guerre s'éternise, pas pour des actes de fraternisation (sans compter les nombreuses exécutions extrajudiciaires dont les archives militaires commencent à donner une idée, au moins en France, c'est-à-dire les exécutions par des officiers, directement au front et sans passer par les cours martiales -- exécutions qui, par leur nature même, n'offrent pas de statistiques précises). Ca ne veut pas dire que ça n'a aucune signification politique, loin de là : mais, à défaut d'avoir pu empêcher le déclenchement de la guerre, il est malheureusement évident qu'il fallait sans doute en passer par une phase où les soldats seraient écoeurés par sa prolongation pour avoir la moindre chance qu'une politique de défaitisme révolutionnaire soit entendue... ce qui est encore autre chose que la seule fraternisation.

Ceci dit, il ne s'agit évidemment ni de passer sous silence ces épisodes là où ils ont eu lieu, ni de dénigrer leur caractère limité. Et si un film comme Joyeux Noël -- toujours pas vu :hmpf: -- peut servir de piqure de rappel contre la gangrène nationaliste, patriotarde et militariste, tant mieux ! Si de plus, comme le suggèrent différents posts, cela a pu un tant soit peu emmerder la hiérarchie militaire française, deux fois tant mieux !
gerard_wegan
 
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Message par pedro » 26 Nov 2005, 18:20

Ben moi, j'ai bien aimé ce film, qui, comme le dit Ottokar, ci-dessus, n'est pas le film du siècle, mais montre des choses. Je ne veux pas raconter la fin, évidemment, mais, par exemple, l'eglise en prend pour son grade, lorsque le prélat arrive pour signifier au curé écossais son retour au pays, et, dans un discours édifiant, à une assemblée de soldats, dit bonnement à ceux-ci qu'il faut tuer les Allemands, jeunes ou vieux, hommes, femmes, enfants, que les Germains représentent le mal, etc. Ce que le film montre aussi, c'est combien la censure à pu peser; lorsque l'on voit, lors d'une scène, un groupe de militaires ouvrant les lettres écrites par les soldats, pour en gommer les aspects injurieux envers les hauts gradés, ou pouvant révéler à l'arrière ce qu'est cette guerre, ce qu'est l'état d'esprit des soldats.
De l'humour aussi, avec ce chat qui transporte un message rédigé par les Allemands, destiné aux Français, et qui se fait capturer et emprisonner pour haute-trahison... Pour avoir fait mon service militaire, et vu combien ce ramassis de dégénérés pouvaient être débiles (et je pèse mes mots), je crois les dirigeants militaires tout à fait capables d'avoir pris cette décision.
Je trouve donc certains commentaires ci-dessus assez gauchistes, et je me demande à quoi s'attendaient leurs auteurs? Pour autant que je sache, il ne s'est pas constitué des soviets d'ouvriers et de paysans, dans les tranchées françaises et allemandes, en décembre 14. Même les mutineries de 1917 au chemin des dames, n'étaient pas le début d'une révolution, autant que je sache, mais pouvaient déboucher sur une telle situation. pétain ne s'y est pas trompé, qui à fait fusiller quarante neuf mutins. Qu'est ce que les camarades voulaient? Un film qui joue avec la réalité de l'époque, montre des soldats qui se retournent contre leurs chefs, les fusillent, fraternisent avec l'ennemi, constituent, comme je disais plus haut, des soviets? Et pendant qu'on y est, il se mettent à réclamer le socialisme, à marcher contre les banquiers et les capitalistes, etc?
Je ne sais pas quelle est la sensibilité politique de Carion, mais je pense en tout cas qu'il a fait un film assez juste, ou les acteurs jouent bien. Evidemment, le film à des défauts, mais le réalisateur en est à son second film.
pedro
 
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Message par pedro » 26 Nov 2005, 19:03

(maurizio @ mardi 22 novembre 2005 à 14:11 a écrit : Pendant tout le film j’ai du me farcir des air d’opéra…faut croire que c’est plus acceptable pour la classe dominante que les chants des mutinés….ça gêne aux entournures…comme cette chanson des mutins de Craonne

a écrit :Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes,
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne sur le plateau,
Q’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Ceux qu’ont le pognon, ceux là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève
Ce sera votre tour, Messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau


Auteur anonyme qui fait échos à ce couplet de l’Internationale, systématiquement censuré par ceux qui la chante en toute occasion et jusqu’à plus soif :hinhin: , pour le récupérer et une fois de plus dénaturer la mémoire de la classe ouvrière

a écrit :S’ils s’obstinent ces cannibales,
A faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux

C'est quoi ton problème avec les airs d'opéra? C'est petit-bourgeois, peut-être? Tu m'excuseras, je ne suis sans doute qu'un révolutionnaire d'opérette ( :D ), mais j'adore les airs d'opéra. Les prolétaires ne doivent sans doute avoir, pour toute culture musicale, que les chants révolutionnaires...
J'avoue, cependant, que le jeu de Diane Krugger est sans doute le point le plus faible du film, et qu'on n'y croit pas trop, quand elle fait semblant de chanter.
Rappelle moi à quelle époque les soldats ont commencé à chanter des chansons de mutins, celle des Mutins de Craonne, par exemple? Sûrement pas en décembre 1914, à priori, à l'époque de premières et brèves fraternisations, telles celles montrées par le film. Sans doute aurait tu préféré que l'auteur du film, pour satisfaire tes désirs (mais que n'a tu demandé à participer à la rédaction du scénario :33: ) se livre à un grossier anachronisme?
pedro
 
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Message par pedro » 26 Nov 2005, 19:17

trouvé sur internet :

a écrit :La chanson de Craonne
1917 Anonyme
En 1917, après le massacre du Chemin des Dames [1], où plus de 147000 poilus [2] ont étés tués et plus de 100000 blessés en deux semaines, les soldats se mutinent dans plus de 60 des 100 divisions de l'armée française. Ces révoltes furent très sévèrement réprimées, en particulier par Pétain [3] : il y eu plus de 500 condamnés à mort.
Cette chanson était interdite, et un million de francs-or plus la démobilisation immédiate furent promises à qui dénoncerait son auteur. Elle est restée anonyme.


Comment des soldats pouvaient ils chanter en 1914 une chanson qui date de 1917 et du chemin des dames? :33:
pedro
 
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Message par corto maltese 89 » 26 Nov 2005, 23:04

je suis allé faire un tour sur "courant Communiste international"... consternant!
corto maltese 89
 
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Message par Bertrand » 22 Déc 2005, 17:49

(Zdanko @ jeudi 22 décembre 2005 à 17:30 a écrit :
(Zelda @ jeudi 22 décembre 2005 à 16:33 a écrit :
(Zdanko a écrit : j'ai même emmené mes élèves.


Ils ont quel âge ? Ils ont aimé ?

Ce sont des élèves de CM2, 10 à 11 ans donc. 14-18 est au programme. On en a causé ensuite, bien sûr ils n'avaient pas tout pigé, mais je leur ai expliqué des trucs. Ensuite il y en a qui ont aimé, d'autres ont dit que c'était un peu long. Ils ont été choqués par le passage du début qui montre un assaut. C'est un peu ce que je voulais, leur montrer que la guerre c'est pas "marrant". Evidemment les plus cons ont ricané au moment de la scène d'amour.

Et il y en a une qui a vachement retenu le prêche du prêtre à la fin "qu'ils soient jeunes ou vieux, tuez-les tous". ça l'a super choqué.
T'es si vieux que ça Zdanko pour avoir oublié tes 10 ans ? :x
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