(ianovka @ samedi 15 février 2003 à 23:56 a écrit :Un lien vers leur site
Je les ai vus la 1ere fois à la fête de Presles quand il commençaient à peine à percer, maintenant ils ont une certaine notoriété (pas médiatisée) et leurs concerts sont très sympas et chaleureux. De quoi donner la pêche pour longtemps !
a écrit :Delicate cat Power.
Autour de son quatrième album, rencontre avec la chanteuse rock américaine
Par Elisabeth LEBOVICI
mardi 18 février 2003
«Je fais de la musique, mais ne pense pas que ces chansons soient les choses les plus importantes au monde.» Chan Marshall Cat Power
CD : «You are Free» (Matador/Beggars Banquet).
Elle fait antirockeuse. Au point qu'on pourrait passer à côté d'elle et remarquer la joliesse de son apparence y compris lorsque celle-ci va se fourrer dans une paire de bottes éculées et des ongles coupés ras, mais peints en vermillon vif sans rien y repérer d'une «pose», censée faire la césure avec le commun des mortelles. Chan Marshall, 32 ans, trois albums sous le nom de Cat Power (avant celui du jour) depuis 1996, dont un de reprises (Rolling Stones, Lou Reed, Bob Dylan...), n'a pris aucune des attitudes que la ville exige après la scène. «Ne t'amourache pas d'un autographe», dit-elle dans son dernier CD, You are Free. Injonction que ce nouvel ouvrage file d'une voix calme, sans affect, ni vibrato d'aucune sorte, et dont la simple écoute vous visse jusqu'à nouer plus d'une fois la gorge.
Et ce, dès le premier morceau, à tomber (I Don't Blame You) : «La dernière fois que je t'ai vu, t'étais sur scène, les cheveux fous, les yeux rouges, en rage [...] parce qu'ils voulaient entendre ce son que tu n'avais pas envie de jouer. [...] Quel prix cruel à payer, tout ça pour cette merde sur scène.» Ces paroles assassines sont énoncées tranquillement, en gros plan sur fond d'arrangements subtils, fantomatiques.
Le dernier album de Cat Power donne à rêver ce que pourrait être la chanson en américain, hors des catégories préfabriquées, ici contextualisée par quelques accords de guitares, notes de piano, un bruissement de batterie, l'écho d'une autre voix, féminine ou masculine (Evolution, magnifique). Car cette chansonnette, qu'elle ne «pousse» jamais, amène à dénicher l'expressivité d'une langue, qui ne fléchit pas, même lorsque ses paroles se fêlent sur quelques profondes blessures infantiles (Names, Baby Doll).
Votre album s'intitule «Vous êtes libre». Qui ça, «vous» ?
«Vous», en anglais, s'entend à la fois comme you et U, la première lettre d'«univers». C'est donc un «vous» universel.
Comment avez-vous enregistré ?
Dans une demi-douzaine de studios, sur à peu près un an. Deux jours ici, trois là. Avec, à ma disposition, divers instruments, installations sonores, micros. Ce contexte a été déterminant : à chaque fois, le nombre de morceaux augmentait. Je crois d'ailleurs qu'il n'y en a pas un de fini. Sauf le dernier, peut-être, Epilogue.
Vous trimballer de ville en ville aurait donc contrarié la finition ?
J'avais 40 morceaux à ma disposition et, pendant le mixage, je pensais sans cesse à ajouter, changer, réenregistrer. Mais j'avais déjà un an de retard et il me fallait bien livrer le produit, décider quelles chansons vraiment finir. Aussi absurde que pour un charpentier d'avoir toute la forêt à sa disposition...
Pour les albums précédents, les conditions étaient plus serrées. Là, mon ami avait accès à des studios pour rien et, dès qu'une occasion se présentait, il m'appelait : «Grouille-toi, j'ai un studio gratis pour deux jours à Los Angeles.» J'y allais et, deux mois plus tard, il y en avait un autre en Virginie, alors je faisais encore d'autres chansons. Puis ça recommençait à Seattle, en Italie...
Votre «ami», c'est Adam Kasper, votre producteur ?
Je ne cherchais pas un type qui me dise : «Vous comprenez vraiment qu'en faisant ci, le son va être comme ça ?» Je ne veux pas d'adversaire en studio. Une fois qu'Adam Kasper a eu compris que je ne voulais pas être «produite», il m'a foutu la paix. Il apportait des trucs et c'était oui ou non. J'ai joué tous les instruments, guitare, piano... Pour trois morceaux, un copain a tenu la batterie, un autre la basse. On me poussait à faire ce disque et je ne voulais pas.
Comment ça ?
J'aime bien fabriquer de la musique, mais faire un disque... Trop de gens à affronter, les compagnies de disques, les agents, le public, les amis, journalistes, musiciens... Et, étant une femme, je les sens plus inquisiteurs, plus critiques. En rentrant de Taiwan, le premier pays où est sorti You are Free, j'ai demandé qu'on me traduise les idéogrammes sur l'album. Ça donnait : «Cat woman magic power», toujours les mêmes associations de la femme, du félin, du pouvoir et de la magie. Alors que Cat Power n'a rien à voir ! C'est un nom que j'ai trouvé lorsque, avec des potes, on voulait monter un groupe dont, comme par hasard, j'étais la chanteuse. Le type le plus pressant portait une casquette Cat Diesel, une société de transports... Alors, j'ai trouvé «Cat Power» pour qu'il puisse fantasmer sur le groupe, comme sur les camions.
Pourquoi avoir gardé ce nom ?
Je fais de la musique, mais ne pense pas que ces chansons soient les choses les plus importantes au monde. Dans ces conditions, pourquoi dépenser de l'énergie à chercher un autre nom ?
Votre musique n'est pas une affaire personnelle ?
Si, bien sûr. Je sais que les chansons sont à la première personne et qu'elles portent mon empreinte sonore. Mais, vous aussi, vous pourriez...
Non, non, je suis trop vieille.
Pas du tout, ça ne va pas ? ! J'essaie d'enregistrer ma grand-mère à chaque fois qu'elle chante. Elle-même m'enregistre depuis que je suis toute petite et je lui concocte des bandes à écouter en mon absence. Le plaisir de chanter appartient à tout le monde. En ce qui me concerne, ça a commencé à l'époque où j'allais à l'épicerie avec ma mère et que je m'emmerdais au dernier degré. J'avais la chance d'avoir un père et un beau-père musiciens. Si l'on ne m'avait pas donné une guitare à 18 ans, mais une machine à écrire ou une raquette de ping-pong, j'aurais fait avec.
Comment composez-vous ?
Quand il n'y a personne. Je commence par le son. Comme un battement de coeur. La vibration de l'instrument, la guitare, le piano, résonnent en moi. De telle façon que des images peuvent naître dans ma tête. Parfois, je ne les aime pas. Ça va vite. Je fais vite.
«Liberté», n'est-ce pas un mot qui sonne très «70's» ?
Je me rappelle mes parents hippies, qui prenaient des drogues, qui avaient un style de vie plutôt marginal, et moi, qui changeais d'école. La liberté, c'est la mienne, celle que je m'offre à travers la musique. Je suis Verseau, de Géorgie. Je n'ai pas fait d'études supérieures, comme ma mère. Ma grand-mère n'est jamais allée au collège et mon arrière-grand-mère n'a pas connu l'école. Je porte dans mes gènes cette origine familiale, sudiste, pauvre. Plus le fait d'être une fille et de savoir ce que les femmes de ma famille ont subi. Du coup, je suis très têtue. De surcroît, j'ai été éduquée dans des écoles où l'on dit sa prière chaque matin. Dans le Sud, il y a cette invocation permanente à Dieu, Jésus et aux anges, mais qui ne résolvent jamais ces questions toutes simples : pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi les dinosaures ? Dans ma région, on dit (tout d'un coup, elle prend l'accent de Scarlett O'Hara) : «Oh non ! Tu n'as qu'à lire la Bible.» Or la matière de nos rêves n'y figure pas.
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