a écrit :En tout cas, les féministes, y compris bourgeoises, ont permis de faire avancer la cause des femmes. Elles furent décisives dans le combat qui permit de légaliser l'avortement, n'en déplaise à Vérié.
A débattre non ? J'avais retenu que ce qui avait été décisif c'est plutôt le mouvement de masse organisé notamment par le MLAC, qui était plutôt impulsé par la gauche et l'extrême-gauche. Il s'agirait pas de croire que c'est juste Simone de Beauvoir qui s'est mis d'accord avec Simone Veil, ça serait pas sympa pour tous-tes les militant-es de l'époque....
http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article75
a écrit :Le MLAC et la lutte pour le droit à l’avortement
par Maud Gelly, médecin hospitalier.
(...)
Inauguré par le manifeste des 343 femmes, puis prolongé par celui des 331 médecins, ce mouvement de désobéissance civile a véritablement changé d’échelle avec la création du MLAC en avril 1973. Il rassemble entre autres des féministes, le GIS, le Mouvement Français pour le Planning Familial, l’Alliance Marxiste Révolutionnaire, la Ligue Communiste (qui ne s’appelait pas encore Ligue Communiste Révolutionnaire), Révolution, Lutte Ouvrière, le Parti Socialiste Unifié, la CFDT, mais aussi des individu-e-s « non organisé-e-s ». L’originalité de ce qui n’allait pas tarder à devenir un véritable mouvement de masse tient dans cette diversité, dans sa mixité et surtout dans sa pratique revendiquée de deux types d’actes illégaux : des avortements sur place par la méthode Karman et des départs collectifs pour avorter à l’étranger. Ces voyages sont considérés comme des actes militants et publics. Ce lien permanent entre pratique concrète subversive et pratique politique fait du MLAC un mouvement assez inédit.
Lors de l’été 1974, le Tour de France du MLAC illustre bien l’insertion du MLAC dans les luttes sociales : la caravane fait halte à Romans pour soutenir une grève de femmes dans une usine de chaussures, puis à Besançon en soutien aux salarié-e-s de Lip, et termine son tour sur le plateau du Larzac un an après la campagne anti-militariste qui s’y est déroulée. De par ses 300 à 400 comités, ses 15 000 adhérentes recensées et de par sa composition alliant féministes, syndicalistes et militant-e-s politiques, le MLAC a pu lier sa lutte pour le droit à l’avortement à d’autres luttes.
Les groupes militants du MLAC sont organisés en réseaux locaux, relativement autonomes dans leurs pratiques à condition qu’ils respectent la Charte du MLAC. Par exemple, les groupes de Rouen, Bagneux et Gennevilliers revendiquent la pratique d’avortements sans intervention médicale. L’implantation des comités MLAC est assez irrégulière. C’est dans les grandes villes et les villes moyennes qu’ils sont les plus nombreux. Certaines régions de forte tradition catholique comptent moins de comités. Certains comités sont fondés dans des hôpitaux parisiens par des professionnels (médicaux et infirmiers) qui pratiquent ouvertement des avortements, comme à Broussais ou Saint-Louis. D’autres comités, dans les entreprises, sont issus de sections syndicales, souvent très féminisées, comme aux chèques postaux ou dans les banques. Des comités sont créés dans des universités et même des lycées.
Les comités tiennent des permanences pour organiser les avortements sur place ou les départs à l’étranger. A Paris, chaque samedi après-midi, le MLAC donne rendez-vous à des dizaines de femmes sur les marches du Muséum d’histoire naturelle. Chaque semaine, 200 femmes partent de Paris pour avorter en Hollande ou en Angleterre. La loi est donc ouvertement bafouée. Après les manifestations qui ont suivi l’inculpation d’Annie Ferrey-Martin, médecin à Grenoble, pour avoir pratiqué un avortement, le Planning familial grenoblois ouvre publiquement en avril 1974 un centre où il pratiquera des avortements. Le film de Marielle Issartel et Charles Belmont, Histoire d’A, qui filme un avortement et des débats du MLAC, est interdit en novembre 1973 au motif de troubles à l’ordre public. Mais les réseaux militants vont permettre sa large diffusion. Pendant un an, le film est projeté illégalement dans les locaux du MLAC ou de syndicats, et dans des usines en grève.
Cet illégalisme de masse pratiqué au grand jour par une association légalement déclarée n’est pas sans poser question aux militant-e-s. En novembre 1973, lors des Assises du MLAC à Grenoble, les militant-e-s débattent de l’objectif prioritaire du mouvement, partagé entre aide sociale et lutte politique, de la place des non-médecins dans la pratique des avortements et s’interrogent sur la nécessité d’une loi. Alors que l’association Choisir présidée par Gisèle Halimi revendique une loi légalisant l’avortement, le MLAC redoute en effet l’encadrement par les pouvoirs publics qu’impliquera effectivement la loi.
Quoi qu’il en soit, le pouvoir ne tolère plus ces transgressions ouvertes et répétées de la loi, et Valéry Giscard d’Estaing, lorsqu’il est élu président en 1974, confie le dossier de l’avortement à Simone Veil, ministre de la Santé, dans l’objectif premier de rétablir l’ordre. La suite est plus connue : Simone Veil a défendu son projet de loi devant une Assemblée Nationale déchaînée, essuyant même des propos antisémites, et la loi promulguée en 1975 légalise l’avortement sans le reconnaître comme un droit, loin de là. Elle ne prévoit pas de remboursement de l’avortement par la Sécurité Sociale, remboursement auquel Simone Veil a fermement affirmé son opposition. La loi impose un entretien social avant un avortement et limite le recours à l’avortement à dix semaines de grossesse, et conditionne l’avortement à une autorisation parentale pour les mineures et à des critères de séjour pour les étrangères. La loi est votée pour une durée limitée, comme s’il fallait que les femmes apportent la preuve qu’elles ne feraient pas n’importe quoi, et il faudra attendre 1979 pour que cette loi soit rendue définitive, après une manifestation non-mixte qui a réuni 30 000 femmes le 6 octobre 1979 et une manifestation de 50 000 personnes le 24 novembre 1979 à l’appel des partis politiques et des syndicats.