Jaurès, naissance d'un géant.

Message par Bertrand » 26 Avr 2005, 19:05

J'ai vu le téléfilm sur Jaurès ; on ne va pas bouder notre plaisir : très bien joué, historiquement juste, posant quelques problèmes essentiels et puis...
....entendre à la télé, à une heure de grande écoute, l'Internationale (même si le poing levé est un anachronisme) , des expressions comme "Internationalisme prolétarien", "révolution", "lutte de classes", "droit des femmes",... quelle bouffée d'air frais !
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Bertrand
 
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Message par pelon » 26 Avr 2005, 19:10

Pareil que Bertrand. A noter qu'il est bien montré dans le film le cheminement d'un Jaurès "républicain" à un Jaurès socialiste. Dire qu'en 2005 d'autres font le chemin inverse.
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Message par Ottokar » 26 Avr 2005, 22:19

Moi aussi j'ai vu le film en décalé, Torreton n'a pas le coffre de Bernard Fresson qui a joué un Jaurès plus convaincant dans un précédent téléfilm, mais comme c'est Jaurès jeune, on peut marcher. Et puis il y a effectivement de l'émotion, de belles paroles, des débats dont on n'a pas l'habitude... même si tout confirme ce qu'on disait sur ce fil plus haut, le fait que Jaurès venu du républicanisme, n'a jamais véritablement rompu avec celui-ci. Il n'a jamais fait ses classes dans le mouvement ouvrier, à une époque où la classe ouvrière attirait à elle des bourgeois humanistes au grand ceur comme lui, de grands intellectuels profondément honnêtes. Ce côté est bien rendu dans le film. Il n'est pas innocent de la part du réalisateur Kirsner, ex-PCI si je ne m'abuse, aujourd'hui sans doute socialo : le Jaurès auquel ils rendent hommage, c'est le républicain des combats démocratiques et laïques, partisan du compromis dans les conflits de classe... à quand un téléfilm aussi humain sur Blanqui ou Babeuf ?
Ottokar
 
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Message par pelon » 26 Avr 2005, 22:58

Pas vu le film de la même manière. Le Jaurès du film ne se réclame pas de la révolution mais malgré tout de la lutte de classe. Son évolution dans la grève de Carmaux lui fait perdre ses illusions dans "la république dans l'absolu". Il comprend que la vraie loi n'est pas celle de la République mais celle des riches, des bourgeois. La leçon, ce sont les mineurs de Carmaux qui la lui ont faite.
Il est écoeuré par les républicains au pouvoir, la corruption de ces gens là, les chèquards du scandale de Panama. Alors évidemment il ne devient pas un révolutionnaire prolétarien. Il veut une République socialiste.
Mais il est allé quand même plus loin que les humanistes dreyfusards, ses copains de la rue d'Ulm par exemple. Il fait, lui, avec ses limites, partie du mouvement ouvrier, ne serait-ce que par son rôle dans la fondation de la SFIO. Si quelqu'un peut retrouver le texte de Trotsky écrit 1 an après l'assassinat de Jaurès, on pourra y lire toute son admiration (et sa clairvoyance) sur Jean Jaurès.
pelon
 
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Message par Barikad » 26 Avr 2005, 23:39

Tu fais réference à celui là ?

http://www.trotsky-oeuvre.org/15/07/150717.html
Barikad
 
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Message par artza » 27 Avr 2005, 08:47

Et aussi svp l'article "Jean-Jaurès" de La lutte de classes ( Groupe communiste, IVème internationale) de l'été 1944.
Cet article publié sans signature fut écrit par Mathieu Buchholz peu de temps avant son assassinat par des staliniens.
artza
 
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Message par anchaing » 27 Avr 2005, 09:05

Voilà :

a écrit :
JEAN JAURES


Le 31 juillet, à l'occasion du 30ème anniversaire de l'assassinat de Jaurès par la bourgeoisie, les démagogues de Paris et d'Alger ont éprouvé  la nécessité commune d'exhumer le cadavre de leur victime, afin de tenter d'identifier leur politique sordide et criminelle à cette grande figure qui évoque le courage et le désintéressement.


Mais comme le moyen employé doit forcément correspondre au but qu'on se propose, ils n'ont pu utiliser la mémoire de Jaurès qu'en la salissant. En effet, sous prétexte qu'il n'était pas marxiste, on nous l'a présenté  comme un ennemi acharné du marxisme, comme un socialiste "national" et, selon qu'il s'agissait d'Alger ou de Paris, comme un socialiste d'union sacrée ou de "collaboration" : un Jouhaux ou un Henriot, voilà comme ils nous ont montré Jaurès !


Mais la classe ouvrière sait faire la différence entre le bureaucrate parvenu et traître à sa classe, ou le démagogue grassement payé par la bourgeoisie, et le grand tribun socialiste au caractère noble et généreux.


Par ses origines sociales, par son éducation, par sa formation intellectuelle et morale, Jaurès  était un intellectuel bourgeois. Mais sa probité intellectuelle ainsi que des connaissances historiques et philosophiques étendues et un sincère dévouement au bien de l'humanité, l'amenèrent à se ranger aux côtés de la classe ouvrière dans sa lutte pour le socialisme : car il avait compris que l'émancipation du prolétariat sera celle de l'humanité toute entière. En raison du caractère politique de son époque (lutte parlementaire pour des réformes), il n'avait pas saisi la nécessité  du marxisme comme arme théorique indispensable dans la lutte pour le socialisme ; il croyait que la marche de l'humanité vers le socialisme pourrait se réaliser progressivement et pacifiquement par la lutte des classes sur le terrain du parlementarisme démocratique.


Pourtant il connaissait et avait assimilé d'importants aspects du marxisme : son œuvre historique a beaucoup contribué et contribuera encore à l'éducation du prolétariat révolutionnaire. De plus, son courage et sa fermeté de caractère le portèrent toujours à  prendre, en toutes circonstances, la défense des socialistes marxistes contre la bourgeoisie : les divergences d'opinion dans le camp ouvrier ne lui servirent jamais de prétexte pour soutenir le camp bourgeois.


De tout son être et par toute son œuvre politique il appartenait à la classe ouvrière, et ce, bien plus que certains "marxistes orthodoxes" qui ne soutinrent la lutte révolutionnaire de classe qu'aussi longtemps que celle-ci se présentât comme une perspective lointaine et qui, au moment de la crise décisive de juillet-août 1914, désertèrent le marxisme et le prolétariat et préférèrent prendre place dans les fauteuils ministériels plutôt que de payer de leur personne leur attachement à la cause socialiste.


Jaurès au contraire entendit, en juillet 1914, rester fidèle "au traité qui le liait à la race humaine" et décida de "continuer sa campagne contre la guerre " en dépit des menaces de mort.


Dans les conditions politiques du parlementarisme d'avant 1914, la classe ouvrière française, avec ses qualités et ses défauts, ne pouvait trouver de meilleur représentant de sa mentalité et de ses aspirations que Jaurès. De tous les chefs socialistes, il était le seul pour qui le socialisme fût autre chose que des phrases, et qui n'entendait pas le trahir : c'est pourquoi il fut assassiné.


Et si la bourgeoisie essaie aujourd'hui, trente ans après l'avoir tué, d'utiliser sa mémoire en l'avilissant, cela ne doit pas nous étonner : n'ayant à  son service que "les loups, les cochons et les sales chiens de la vieille société" (Marx), elle est bien obligée, quand elle veut cacher sa bestialité derrière une figure humaine et désintéressée, de la prendre dans le camp du prolétariat !

par M.Bucholz, cf. LDC n° 67 du 18.09.46
anchaing
 
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