a écrit :"Justement, c'est quoi le phénomène Skyrock ?"
M. : "C'est pas méchant , c'est une radio. Il y a un bizness, il y a un marché…"
H : "Beaucoup de choses sont parties de là."
M. : "Oui, ça engrange du pognon, il faut un média national qui diffuse cette musique et Skyrock est la première sur les rangs. C'est tout, stop ! Là où maintenant ça devient embêtant, c'est lorsqu'on se penche sur ce qu'ils font à l'intérieur de ce truc là; cela devient alors moins réjouissant… le problème vient de tout ce qu'il y a autour, c'est qu'aujourd'hui, comme le rap pèse un certain poids économique et que c'est le seul réseau national qui se soit investi là-dedans, ils ont un quasi-monopole. Cela veut dire que ce sont eux qui décident selon leurs velléités artistiques quelle chanson sera single. Les maisons de disques ne parient plus vraiment sur des titres; ils vont faire écouter l'album à Skyrock en leur disant qu'ils ont pressenti tel ou tel morceau et alors, les décideurs de Skyrock interviennent en disant qu'ils ne sentent pas tel ou tel morceau… et les groupes calquent leur politique artistique sur les desiderata du marché car ça en fait partie. Voilà ! c'est ça le problème.
Parfois, quand j'allume Skyrock et qu'il font le coup du "appelez moi au 06 ou 08 36 69 rejoins moi, je suis là on va s'amuser", il faut savoir que c'est une radio teenage; ce n'est pas d'un point de vue moral que je dis ça, les mômes sont affranchis de certaines choses avant qu'on leur dise mais est-ce que c'est bien d'entretenir ça auprès d'un public teenage, ce genre de conneries avilissantes, même pour l'image de la femme, est-ce que c'est bien également de faire des choses dans le même genre comme des messageries homosexuelles ? je n'ai rien contre les homos mais est-ce que c'est bien de maintenir tout cela par le biais d'annonceurs sans scrupules qui savent qu'il y a un public jeune, qu'il y a du monde et que ça pianote sur le Minitel, les ordis et Internet, que ça aime bien faire des canulars téléphoniques entre copains… mais pendant ce temps le 08, ça douille. Mêler le rap, qui est une musique qui a une histoire, même si ce qui passe sur Skyrock ce n'est pas toujours du rap pour moi, même si ça en à l'air… mêler le rap à ça, voilà pour moi le problème. Nous, nous n'avons pas de problème avec Skyrock car on existe avant qu'ils soient là, on a jamais existé grâce à eux, ils nous ont jamais rentré un titre en Play list, donc on continue à être là, on espère qu'on arrivera à tenir le coup. De toute façon, Skyrock ou pas, on continuera à faire ce qu'on a à faire et voilà; mais nous, c'est pas Skyrock qui va nous dire ce qu'il faut qu'on fasse comme single. Bref, le phénomène Skyrock c'est ça, c'est une radio qui se place sur un marché où il y a de l'argent à prendre, mais si ça n'avait pas été eux, cela en aurait été d'autres de toute façon. Parce que c'est ça le débat ! C'est un peu un débat puéril dans le mouvement hip-hop, "ils viennent gratter, ça marche", "c'est des imposteurs". on s'en fout de ça, c'est des trucs pour adolescent."
H : "Quel message voudrais-tu faire passer avec Assassin Production?"
M. : "Notre conception de la musique, notre façon d'avancer dans ce milieu qui est somme toute différente de beaucoup de gens, surtout là-dedans où pendant longtemps on est apparu comme étant des dingues. On a toujours été à part dans ce milieu sans que je comprenne vraiment pourquoi, surtout par rapport à notre histoire.. enfin, on est un peu dans un truc qui n'est pas conforme avec la majorité ambiante. Voilà, c'est plus là-dessus, quels rapports on a avec tous les stéréotypes qui peuvent circuler autour du rap et qui sont véhiculés par des gens de là-dedans… à propos des stéréotypes, le hip-hop ou le rap-buisness à tendance à s'associer, et à être le relais de certaines valeurs qui idéologiquement sont largement liées au système qui pourrit la vie de millions de gens… la promotion du système libéral, ce culte de l'entreprise individuelle, d'être le premier… ça a un peu un côté déshumanisant, c'est un truc un peu à l'américaine dont je ne vois pas l'intérêt; le culte de l'ultra-matérialisme… mais c'est peut-être aussi lié aux gens plus modestes, l'ignorance, la désinformation, comme le côté par exemple bêtement homophobe, sans être celui qui est pour, celui qui dit oui, c'est bien d'être homo, sans aller jusque là mais bon, de là à être homophobe, il faut essayer de se maintenir dans un juste milieu".
H : "Le rap c'est quand même devenu plus ou moins un truc de meufs puisque les B-Boys ne pensent en fait qu'à la sape (rires)."
M. : "Ouais, mais ça c'est pas pareil. Comme dans tous les mouvements, t'as des uniformes, comme dans le punk rock… un Perfecto, ça coûte pas 200 francs même s'il est d'occase ; une paire de Doc Marteens ça coûte pas 150 francs. C'est peut-être un peu décuplé dans le rap parce qu'on est dans une ère surcapitalisée, dans une époque de fous, ce n'est pas la même chose. Et puis il y avait un côté un peu nihiliste chez les punks, mais malgré tout il y avait un uniforme. Le rocker c'était pareil… c'est des codes. C'est propre à tous les mouvements. Skinhead, qui est un mouvement Working class à l'origine, il y a un uniforme aussi, idem pour les Beatniks. Le vêtement est en réalité un langage. C'est lié à cette surexposition de marques; aussi, lorsque tu fais partie du milieu populaire, en voyant tout autour cette incitation à la surconsommation, t'as l'impression que pour être quelqu'un dans cette société, il faut consommer, il faut être celui qui a du pouvoir d'achat. Afficher des marques, c'est un truc vieux comme le monde chez les pauvres. Afficher sa classe."
H : "Quels sont vos pères ? Qui vous a formé au niveau du mental ? Qui vous reconnaissez vous au niveau littéraire et musical ? Est-ce qu'il y a une école Assassin ?"
M. : "C'est très vaste, les influences sont multiples. Tu as la richesse énorme d'un patrimoine culturel qui s'étend sur des millénaires… je pourrais te citer plein de noms. C'est le patrimoine culturel de l'humanité qui nous influence; la musique en fait partie mais on ne se construit pas qu'autour de la musique. On s'est aussi construit avec les fables de La Fontaine, Victor Hugo, les mathématiques, nos cultures d'origines, les philosophes grecs, quelques écrits théologiques puisqu'on est tous imprégné, que l'on croie ou pas, d'un minimum de culture religieuse. Bref, il y a des choses à prendre partout ! La lutte des peuples, ça influence, la Commune de Paris, la lutte du peuple palestinien.
Quant à savoir s'il y a une école Assassin… c'est vrai que Assassin a une histoire particulière dans ce milieu, une importance dans l'histoire de ce milieu. C'est pour ça qu'on peut peut-être dire qu'il y a un truc où ça suit un peu, mais bon après il faut demander ça à d'autres gens.
H : "Est-ce que l'explosion sociale viendra des cités ?"
M. : "Je ne sais pas si elle viendra exclusivement des cités mais en tout cas c'est sûr que le sous-prolétariat, dans un mouvement "révolutionnaire", en général y prend part; ça viendra des banlieues mais aussi d'ailleurs, de la classe ouvrière en grève… mais le système dans lequel on est aujourd'hui a des armes, des armes insidieuses très puissantes pour contrecarrer, pour brouiller les pistes, pour maintenir les gens dans la confusion. Sinon, je pense que les conditions peuvent très vite êtres réunies pour que ça arrive. Mais il y a une condition ultime qui est l'unité des travailleurs, avec les lycéens, les étudiants, les non-travailleurs, les précaires… l'unité des masses, c'est ça le maître mot. Mais en tout cas, les conditions sociales et politiques sont réunies pour qu'il puisse se passer quelque chose. Je ne dis pas qu'il va se passer quelque chose mais simplement que les conditions sont réunies pour qu'il puisse se passer quelque chose. C'est sûr. Tu as de plus en plus de gens de plus en plus pauvres, il y en a de plus en plus."
(Léandre @ jeudi 27 février 2003 à 16:04 a écrit :Pour ceux qui aiment Les ogres de barback (qui soit dit en passant étaient pas plus en train de percer au moment de la fete qu'avant, simplement, peut etre qu'ianovka les remarque plus depuis) :
a écrit :Les hurlements de Léo (ils ont fait un album commun avec les Ogres)
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