par Valiere » 25 Déc 2004, 11:44
A propos de judéophobie, ce qu'en pense l'auteur?
Mais cette nouvelle judéophobie contient en elle les racines de l'antisémitisme.
Elle s'inscrit évidemment dans une histoire longue dont les origines remontent aux attitudes judéophobes de l'Antiquité (grecque, romaine, égyptienne), repérables avant même l'apparition de l'antijudaïsme chrétien. On peut identifier trois grands mythes antijuifs fondateurs. Dès l'Antiquité, le Juif est considéré comme l'ennemi du genre humain, un être « insociable » éprouvant une « haine implacable » à l'endroit des autres peuples », stéréotype transmis indéfiniment des Pères de l'Eglise aux racistes antijuifs du XXe siècle, et réactivé aujourd'hui par la propagande islamiste. Le deuxième mythe, inventé puis bricolé du XIIe au XVe siècle, est celui du meurtre rituel qui symbolise la cruauté attribuée au peuple juif(1) et renforce son image de peuple déicide. Cette rumeur de cruauté se retrouve aujourd'hui véhiculée par les médias, autour d'un thème récurrent : l'armée israélienne, Tsahal, est stigmatisée comme une armée tueuse d'enfants, en ce que ses soldats jouiraient de tuer de jeunes enfants palestiniens. Enfin, troisième volet de cet imaginaire transhistorique, le mythe du complot ou de la conspiration, qui naît lui aussi entre le XIIe et le XVe siècles, mais qui se transforme en « complot juif international » au cours du XIXe siècle, pour atteindre sa première apogée avec la parution du plus célèbre faux de l'histoire occidentale, Les Protocoles des Sages de Sion(2), confectionnés à Paris en 1900 -1901. C'est à partir de ces trois mythes d'accusation que s'est développée en Europe ce qu'on peut appeler stricto sensu l'« antisémitisme », forme spécifique d'idéologie raciste, ou plutôt racialiste, qui a régné de la fin des années 1870 à l'effondrement du IIIe Reich. Cet antisémitisme au sens strict était fondé sur la théorie des races élaborée pour l'essentiel au XIXe siècle, incluant le postulat de l'inégalité entre des groupes humains nommés « races », supposés invariables parce que définis par des traits différentiels héréditaires, et voués à une lutte pour l'existence et l'expansion (« guerre des races »). C'est dans ce cadre conceptuel que s'est élaboré l'antisémitisme, application de l'idéologie racialiste à la « question juive », passée au politique à l'occasion de la montée des passions nationalistes et xénophobes des vingt dernières années du XIXe siècle. L'antisémitisme se définit donc comme le racisme antijuif, illustrant la forme dominante de la judéophobie du dernier tiers du XIXe siècle au milieu du XXe. On y rencontre l'assimilation du Juif ou du Sémite à une « race » distincte, inférieure et nuisible, ennemie par nature de la « race aryenne » (« l'Aryen »). Ce type de discours antijuif, explicitement raciste, n'a certes pas disparu, mais il ne fait que persister sous la figure de survivances, dans les marges de l'espace politique (néo-nazis, skinheads, etc.). La nouvelle judéophobie planétaire, que j'analyse précisément dans mon livre, ne se fonde pas sur une théorie raciste, elle consiste au contraire à retourner contre les Juifs l'accusation de « racisme ». Elle se donne donc pour une position « antiraciste ».
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(1). Selon cette légende, chaque année les Juifs sacrifiaient un enfant (non juif), pour faire avec son sang le gâteau rituel de Pâques, la matza.