a écrit :La journée de la jupe" : Clichés racistes sur grand écran ?
Dans le concert de louanges accompagnant le (énième) come-back d'Adjani au cinéma, dans un film qu'on jurerait écrit par Alain Finkielkraut ou Eric Zemmour, la journaliste Mona Chollet donne une analyse à contre-courant :
Cette fois, la « grande cause » consiste à parachever, en toute bonne conscience, la diabolisation déjà bien avancée du « jeune de banlieue ». Le scénariste et réalisateur du film, Jean-Paul Lilienfeld, déclare, dans un entretien à Primo-Europe (un site obsédé par le péril islamique, et dont il est l’invité après Ivan Rioufol, Pierre-André Taguieff, Eric Marty et la moitié de l’équipe de Charlie Hebdo) : « Je pense que ces ados sont victimes d’une double discrimination : sociale et raciale. Et tout ce qui peut être fait d’efficace pour supprimer le racisme et la pauvreté aura mon approbation. Mais être une victime n’empêche pas d’être un bourreau. » Sauf que, à l’évidence, comme beaucoup de ses concitoyens, le côté « bourreau » le passionne nettement plus que le côté « victime », qui représente pourtant une réalité incomparablement plus massive – à moins de prétendre que chaque adolescent noir ou arabe de banlieue se balade avec les images d’un viol sur son téléphone portable et un flingue dans son sac ; ce que l’opinion hystérique, à ce stade, n’est sans doute pas très loin de croire, certes.
Quand, dans La Journée de la jupe, le côté « victime » est évoqué, c’est toujours pour le décrédibiliser, pour le montrer comme une escroquerie. Ainsi, lorsque, dans l’attroupement qui s’est formé devant le collège à l’annonce de la prise d’otages, une mère arabe se plaint du racisme aux journalistes (« les gens y sont racistes »), un commerçant asiatique intervient aussitôt pour clamer, dans son sabir pittoresque, que c’est son fils à elle qui est raciste : « C’est eux pas vouloir de nous ! Moi j’ai pris le café-tabac… Trois fois tout cassé ! Son fils dans la bande ! (…) Pas nous racistes ! Eux faire partir tous les autres ! Eux rien faire et jaloux de nous. Mais moi travailler ! » Eh, oui : les Arabes sont des feignants et des délinquants. Et ce n’est pas du racisme : c’est ce brave Jaune qui l’affirme !
Le machisme, l’islam, l’antisémitisme, les tournantes… Fidèle adaptation au cinéma des Territoires perdus de la République [1], La Journée de la jupe aligne avec soin tous les clichés que la féroce propagande de ces dernières années a installés dans les têtes comme autant d’évidences. Les personnages n’ont aucune épaisseur propre, aucune individualité ; ils sont là pour incarner des stéréotypes. Ainsi, quand le jeune Karim (celui qui a saccagé le café-tabac de l’Asiatique) s’assied sur une chaise qui se brise soudain en deux, cet incident n’a lieu que pour permettre de lui faire dire : « C’est quoi, cette chaise de feuj ! » Et pour permettre à Sonia Bergerac de lui ordonner élégamment, en le braquant avec son arme : « Répète après moi, pelle à merde ! “En France, l’injure raciste est punie par la loi.” » Le garçon finit par s’exécuter. Orgasme collectif dans la salle de cinéma.
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http://blog.mondediplo.net/2009-04-12-Ils-...nt-que-la-force