moi jevais le voir ce soir, commentaires à venir.
moi aussi ça me gave tous ces gens qui avain*ent un avis sur le film avant de l'avoir vu.
Une fois n'est pas coutume, j'applaudis la une de Charlie hebdo qui résume tout!
a écrit :* Sinon, comme le dit si justement Pascal, il n'y a pas eu de virus spécifiquement allemand juifophobe, et les salauds ici ou là ont massacré du Juif (mais aussi du Tsigane, de l'homosexuel, du marginal, du communiste.......), ont violé des femmes et brûlé des villages et bombardé des villes. Les Allemands n'ont aucunement l'exclusivité de l'horreur, à grande ou petite échelle.
("Rouge" a écrit :
Au sujet de « La Chute »
Quel héritage de ce temps ?
« La Chute », d’Oliver Hirschbiegel, met en scène un Adolf Hitler humanisé, laissant peu de place au contexte historique dans lequel se déroule l’action.
Le cinéma allemand de la fin des années 1970-1980 fut un outil de dissection du passé allemand, tentant de faire sauter le verrou de l’amnésie collective. Loin de ce travail, un film comme La Chute ne tente aucune véritable réflexion sur ce passé et saute de plain-pied dans le film de genre. Certes, quelques dialogues y évoquent la Solution finale, les tentatives de négociation avec Eisenhower, la haine du bolchevisme. En réalité, ces répliques deviennent vite « point de détail » noyé dans un film de guerre à gros budget, dont la vedette joue Hitler dans une intrigue de forteresse assiégée. Ni ces phrases d’illustration historique, ni le catalogue funèbre du générique de fin ne donnent au spectateur le moindre outil de compréhension de ce que fut le système nazi, des actes qu’il accomplit et des effets qu’il produisit. La Chute raconte l’aventure d’une secrétaire (Traudl Junge) embauchée par Hitler pour travailler dans son bunker et témoin de ses derniers jours. Cette fiction de deux heures trente est suivie d’une caution « documentaire » d’une minute où, dans un entretien, la vraie Traudl, vieillie, fait son mea culpa. La fleur de canons pétarade fort dans La Chute et l’artillerie russe s’habille d’effets de lumière très tape-à-l’œil. Si, dans la rue, s’agitent les derniers suppôts du régime occupés à chasser les traîtres et à les pendre, pour le vrai cinéma, il faudra (re)voir Rossellini. Dans Paisa, les combats de rue avaient un sens. La foule n’y était pas constituée de figurants cautions d’ornement, mais existait pour de bon dans une lutte où s’affrontaient fascistes et résistants. Dans Allemagne année zéro, il ne restait plus pour Edmond, l’enfant acculé à tous les trafics et les marchandages dans Berlin en ruines, qu’à faire face au vide et à y sauter quand l’émergence de sa conscience le poussait à regarder l’histoire en face. C’était autre chose que le happy end confondant de niaiserie de La Chute, où l’enfant, ange gardien blond, sauve in extremis Traud et la guide en vélo, heureuse, sourire aux lèvres, sur une route pleine de soleil. Alfred Hitchcock, dans La Mémoire des camps1, en 1945, montre dans son prologue le véritable Hitler brailler devant une foule en délire, l’acclame. Ce vacarme terrible précède un monumental témoignage sans aucune bande-son sur la plus grande réalisation du national-socialisme : les camps de la mort. Seules « parlent » dans ce film des cartes géographiques qui situent avec précision les territoires conquis par le IIIe Reich et la situation des camps. Ce documentaire, très peu connu dans la filmographie du plus grand artiste de fiction criminelle, montre Bergen-Belsen aux premiers jours de sa libération, puis d’autres camps, dont un réservé aux handicapés physiques et mentaux, soumis à l’expérimentation « scientifique » et « médicale ». Alfred Hitchcock, par son prologue, a lié Hitler d’une part à la foule qui l’a élu, d’autre part au système politique nazi responsable de la destruction de millions de vies. Aujourd’hui, les marchands de films nous vendent, dans La Chute, un Hitler pour lequel le public peut éprouver de la compassion. Quoi, Hitler, ce petit homme si attentionné avec les femmes, à la main tordue par la maladie, criant ses colères et son mal-être, n’est-il pas un homme ordinaire et pathétique ? Non. Vouloir humaniser Hitler conduit à le dissocier du nazisme. Le fascisme ou le nazisme sont dangers toujours latents pour l’humanité. Dès qu’il s’agit de Hitler, comment restituer la vérité du nazisme qui s’y attache, son horreur incommensurable ? Et, dans la représentation qu’on en donne, comment faire pour que surgisse dans le public une conscience active qui engage ce même public à rendre impossible le renouvellement d’un tel fait historique ? Comment agir pour révéler une histoire au présent, riche de ses traces de passé ? Dans le cinéma, seul celui qui interroge l’« héritage de ce temps »2 peut y répondre.
Laura Laufer
1. La Mémoire des camps, film supervisé par Alfred Hitchcock, en 1945, ne figure généralement pas dans la filmographie du cinéaste ; rarement projeté, on l’a vu cependant lors de la dernière intégrale de l’œuvre d’Hitchcock à la Cinémathèque française. 2. Lire Héritage de ce temps, E. Bloch, Payot.
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