Je ne sais pas si Koestler était un anticommuniste "forcené". On peut en tout cas comprendre son pessimisme, comme celui de toute une génération, après que l'espoir incarné par la révolution russe ait produit l'atroce caricature stalinienne.
C'est certain, le récit de Fast évite ce genre d'écueils ; mais c'est parce qu'à sa manière, c'est un catéchisme apolitique. Les gentils sont d'un côté, les méchants de l'autre, et aucun choix ne se pose à la direction des révoltés. Qu'on se comprenne bien : ce bouquin m'avait enthousiasmé, et aujourd'hui encore, je le prête volontiers. Mais s'il dénonce avec vigueur les tares de la société esclavagiste, s'il fait souffler le vent de la révolte contre les injustices, il évacue tous les problèmes qui ont pu, ou qui peuvent, se poser dans de telles révoltes. En ce sens, le bouquin de Koestler, même s'il est beaucoup plus sombre, est pour moi largement plus profond.
Je ne sais pas si Spartacus a raison de faire crucifier les indisciplinés ; je ne me rappelle pas précisément l'épisode. Mais si ma mémoire est bonne, tout le récit montre un Spartacus perpétuellement coincé dans des situations où il ne peut que soit faire périr la révolte rapidement en laissant libre cours à certains comportements, soit risquer de la faire dégénérer en dictature personnelle en les réprimant. Comment les problèmes se sont-ils réellement posés à l'époque, personne n'en sait rien, en tout cas pas moi !
Mais ce qu'on peut discuter, et c'est ce Koestler avait en tête, c'est du parallèle avec les révolutions prolétariennes, passées ou futures. En particulier, du fait que les prolétaires, à la différence des esclaves du roman, pourront assumer un contrôle collectif de leur direction, et ne pas nécessairement devoir s'en remettre à un homme providentiel.
Quant à réprimer y compris des prolétaires pour indiscipline, fuite devant l'ennemi, marché noir ou autres, l'expérience a montré qu'un Etat ouvrier ne serait (malheureusement) pas à l'abri de devoir le faire...