« Les secrets de l’école d’autrefois »
savoir lire, écrire, compter
de Michel Jeury
éditions Robert Laffont
202 pages
septembre 2005
18 €
Nos « ancêtres » les instits d’hier... laisser la nostalgie et comprendre
Un siècle après la constitution de la fédération nationale des syndicats d’instituteurs, alors que beaucoup se gaussent ou vantent les mérites de l’école d’autrefois, ce livre nous rappelle à la réalité avec beaucoup d’humour.
Les hussards noirs de la République enseignaient dans des conditions difficiles, certains connaissaient la misère et beaucoup subissaient les pressions des potentats locaux, et devaient affronter l’offensive cléricale.
Il ne faut pas oublier non plus la répression administrative et la direction d’école de l’époque :
« D’ailleurs les adjoints révoltés ont joué un rôle important dans la naissance des syndicats d’instituteurs, d’abords interdits, et du mouvement de l’Ecole émancipée »
Ils ont tenu contre vents et marées, ils ont rempli leurs missions et lutté pour l’instruction, étant parfois obligés d’aller rechercher eux mêmes leurs élèves.
Naturellement l’auteur entre aussi dans le vif du sujet, dans la comparaison entre l’école de mos grands pères ( et grands mères) et celle d’aujourd’hui,
« Aujourd’hui, un élève qui n’a pas acquis les connaissances de base en français et, dans une moindre mesure en calcul, à l’issue du cours moyen, soit vers l’âge de onze ans, a bien peu de chances de se rattraper au cours de ses études prétendues secondaires. Il devra, dès la sixième, ânonner Homère et Molière sans en comprendre un mot. L’essentiel lui manquera jusqu’à la fin de ses jours »
L’auteur nous convie à une retour vers le passé et à une étude analytique, certes mais plaisantes des manuels scolaires...
La question de l’apprentissage de la lecture n’est pas survolée et si l’auteur critique la méthode dite globale qui aujourd’hui cause des dégâts, c’est à partir d’un argumentaire construit et illustré d’exemples...
Qui ne partagerait pas ce jugement qui termine le volet du chapitre « écrire » :
« Compte tenu des circonstances souvent défavorables ( absentéisme économique des écoles rurales, élèves patoisants, temps soustraits à la classe par le catéchisme), l’école d’autrefois se faisait un point d’honneur de maintenir une exigence minimale. Et notamment l’exigence d’une expression écrite aisée et précise.
Demander moins, c’était, d’emblée, renoncer. »
Le livre se termine avec les mathématiques, le travail méthodique, les bases inculquées et aussi le passage obligé des problèmes du « certif » ou de l’entrée en sixième...
Dans la conclusion de cet ouvrage, passionnant, l’auteur égratigne, non les enseignants d’aujourd’hui qui ne font qu’appliquer les instructions officielles, mais les « généraux », les Gamelin
« Pour l’école primaire, jeter de quasi-illettrés dans le second cycle du secondaire est une maladresse, un contre-sens. Tout le monde en convient. Fournir des contingents d’élèves défaillants en mathématiques, ou au mieux médiocres, c’est –à-dire à moitié impotents, n’est pas, non plus une peccadille sur laquelle on peut passer l’éponge par charité »
Lucide ou trop sombre, ce constat partagé par beaucoup d’enseignants ne peut que nous inviter à nous battre contre la politique libérale et son corollaire, la remise en cause de fait du droit à l’instruction pour tous les enfants.