Histoire des philosophie matérialistes

Message par Barnabé » 01 Juin 2007, 13:59

J'ai acheté le gros bouquin de Charbonnat (qui a fait une conférence à la fête sur le matérialisme en bio au 18ème siècle).
Je n'ai pas terminé de le lire mais j'ai pour l'instant une très bonne impression. Ca reprend l'histoire du matérialisme depuis l'antiquité. Et un gros effort est fait pour développer le passage du matérialisme du 18ème à la dualité à partir du 19ème entre ce que l'auteur appelle le matérialisme évolutionniste (Vogt, Büchner ...) et le marxisme. Il y a de longs développement sur l'histoire du matérialisme dialectique, d'un point de vue qui est finalement très proche de ce qu'on peut en dire (le refus de séparer la philosophie de marx de ses perspectives politiques, l'influence de la révolution russe comprise comme première prise du pouvoir par le prolétariat, avec la discussion sur la dégénérescence philosophique produite par le "thermidor stalinien" (sic) etc.).
Encore une fois je n'ai pas encore lu tout le détail, mais sur la perspective général, ça m'a l'air vraiment bien. Il n'y a qu'à voir les dernières phrases de la conclusion:

"Comme toute conception, le matérialisme reflète un certain état du monde. Il n'est pas une pensée située après ou avant la matière, mais il est la matière elle-même devenue consciente de sa liberté. Aussi, il sait désormais que son avenir philosophique pase par la réconciliation de l'inconscient et du conscient, c'est-à-dire par la mort du capitalisme"

Si tous les intellos (et même tous les défenseurs du matérialisme) pouvaient discuter comme ça...
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 01 Juin 2007, 14:08

Autre extrait significatif du point de vue général, sur le marxisme:

a écrit :
Les manifestations réelles de la dialectique matérialiste au 20ème siècle débutent avec la polémique de Lénine contre l'empiriocriticisme et s'achèvent avec le débat au sein du SWP trotskyste [juste avant il explicite la défense de la dialectique par Trotsky contre Burnham]. Entre les deux, et après, les différents partis de la révision ont imposé un traitement mortel à la philosophie de Marx et d'Engels. Ils l'ont privé de son seul substrat indispensable: la sève révolutionnaire. Réduit à l'état de dogme, ou de support académique, ce matérialisme n'a pu que disparaître, s'éteindre à la manière de l'épicurisme. Mais comme ce dernier l'a montré, il est susceptible d'être exhumé, comme le poème de Lucrèce, à la faveur d'une époque de renaissance lorsque l'humanité s'interrogera à nouveau sur la fin de la société marchande.


Cela fait quand même du bien d'autant plus que la collection chez Syllepse qui publie le livre nous avait habitué à des ouvrages certes salutataires de défense du matérialisme (les trucs de Lecointre, Silberstein, Bricmont and co.), mais qui prenaient quand même bien souvent le problème de manière an-historique (la raison contre l'obscurantisme) et finalement d'un certain point de vue, idéaliste (sans réflechire aux bases matérielles et sociales sous-tendant l'opposition entre matérialisme et idéalisme).
Barnabé
 
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Message par gerard_wegan » 01 Juin 2007, 14:08

(Barnabé @ vendredi 1 juin 2007 à 14:59 a écrit :[...] le "thermidore stalinien" (sic) [...]

Le sic, c'est pour le "e" à "Thermidor" ? :hinhin:
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Message par Barnabé » 01 Juin 2007, 14:10

(gerard_wegan @ vendredi 1 juin 2007 à 15:08 a écrit :
(Barnabé @ vendredi  1 juin 2007 à 14:59 a écrit :[...] le "thermidore stalinien" (sic) [...]

Le sic, c'est pour le "e" à "Thermidor" ? :-P ). C'est parce que l'expression est assez rare dans des bouquins tant soit peu académiques, et qu''il écrit ça juste après avoir cité un passage de la révolution trahie...
Barnabé
 
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Message par Puig Antich » 01 Juin 2007, 14:14

a écrit :Encore une fois je n'ai pas encore lu tout le détail, mais sur la perspective général, ça m'a l'air vraiment bien. Il n'y a qu'à voir les dernières phrases de la conclusion:


C'est pas bien de lire la conclusion avant le reste ! :-P
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Message par novi » 01 Juin 2007, 14:17

"Comme toute conception, le matérialisme reflète un certain état du monde. Il n'est pas une pensée située après ou avant la matière, mais il est la matière elle-même devenue consciente de sa liberté. Aussi, il sait désormais que son avenir philosophique pase par la réconciliation de l'inconscient et du conscient, c'est-à-dire par la mort du capitalisme"

??? :huh: ça veut dire quoi? et c'est quoi la réconcilition du conscient et de l'inconscient? (désolée d'jouer le boulet mais c'est assé obscur)
novi
 
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Message par Barnabé » 01 Juin 2007, 14:26

Bon évidemment c'est de la philo, donc pas toujours simple à piger (surtout sur des extraits courts), mais on trouve des phrases comme ça chez Marx.
En gros l'idée c'est que le matérialisme conscient c'est le matérialisme qui ne se pose pas comme une pensée extérieure au monde et à la société (la Raison qui lutte contre l'obscurantisme), mais comme elle-même produite par ce monde par ses rapports sociaux matériels. En d'autre terme c'est une conception qui étend la compréhension matérialiste au matérialisme lui-même. L'"inconscient" là dedans c'est le fait que la production des idées, y compris matérialistes, se donne justement d'abord dans l'extériorité au monde. La société (en l'occurence la société capitaliste) ne produit pas, dans son histoire, la pensée matérialiste comme expression explicite des rapports sociaux et de la matérialité du monde, mais justement comme des idées séparées. Et Charbonnat précise que cette dissociation reflète l'aliénation constitutive des rapports marchands (ce que Marx appelle ailleurs le fétichisme de la marchandise), elle même produite par la dissociation bien réelle entre la production et la propriété des marchandises. En cela la production intellectuelle reflète la séparation qui est au coeur de la production économique. La réconciliation, en ce sens, c'est la transformation de la société, la résolution de l'aliénation c'est à dire de la pensée comprise comme extérieure aux rapports sociaux qui la produisent. Une telle réconciliation signifie la réappropriation de la connaissance du monde par la société qui la produit. Et ce que rajoute l'auteur c'est qu'une telle réappropriation n'est possible que par la destruction du capitalisme et des rapports marchand (c'est-à-dire qu'elle correspond à la réappropriation de la production par la force sociale qui produit).
Barnabé
 
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Message par Puig Antich » 01 Juin 2007, 14:28

C'est un peu comme quand Marx dit "le communisme, début de l'histoire consciente de l'humanité".

Ceci dit c'est vrai que dit comme ça ça peut paraître obscur. Le communisme ne sera pas la fin des phènomènes psychiques inconscients, mais le conscient humain dominera la nature de façon claire et planifiée ; contrairement à la société capitaliste où le capital domine la nature de façon désordonnée, insconsciente et où y compris la classe capitaliste, divisée en individus et groupes concurrents, n'a aucune prise sur les résultats de sa domination.
Puig Antich
 
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Message par Puig Antich » 01 Juin 2007, 14:29

( Je répondais à novi avant que Barnabé publie )
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Message par gerard_wegan » 01 Juin 2007, 15:00

(Barnabé @ vendredi 1 juin 2007 à 15:26 a écrit : Bon évidemment c'est de la philo, donc pas toujours simple à piger (surtout sur des extraits courts), mais on trouve des phrases comme ça chez Marx.
En gros l'idée c'est que le matérialisme conscient c'est le matérialisme qui ne se pose pas comme une pensée extérieure au monde et à la société (la Raison qui lutte contre l'obscurantisme), mais comme elle-même produite par ce monde par ses rapports sociaux matériels. En d'autre terme c'est une conception qui étend la compréhension matérialiste au matérialisme lui-même. L'"inconscient" là dedans c'est le fait que la production des idées, y compris matérialistes, se donne justement d'abord dans l'extériorité au monde. La société (en l'occurence la société capitaliste) ne produit pas, dans son histoire, la pensée matérialiste comme expression explicite des rapports sociaux et de la matérialité du monde, mais justement comme des idées séparées. Et Charbonnat précise que cette dissociation reflète l'aliénation constitutive des rapports marchands (ce que Marx appelle ailleurs le fétichisme de la marchandise), elle même produite par la dissociation bien réelle entre la production et la propriété des marchandises. En cela la production intellectuelle reflète la séparation qui est au coeur de la production économique. La réconciliation, en ce sens, c'est la transformation de la société, la résolution de l'aliénation c'est à dire de la pensée comprise comme extérieure aux rapports sociaux qui la produisent. Une telle réconciliation signifie la réappropriation de la connaissance du monde par la société qui la produit. Et ce que rajoute l'auteur c'est qu'une telle réappropriation n'est possible que par la destruction du capitalisme et des rapports marchand (c'est-à-dire qu'elle correspond à la réappropriation de la production par la force sociale qui produit).
C'est sûr que, comme ça, c'est tout de suite beaucoup plus clair ! :hinhin:
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