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Message Publié : 13 Juin 2003, 17:49
par Louis
Hamé, 27 ans, est le plus jeune membre du groupe de rap La Rumeur, qui en compte six. Les ancêtres de ces quatre rappeurs et de ces deux DJ habitaient dans toutes les parties de l'ancien empire colonial français. Leur manager, partie prenante du groupe, est breton. Ils viennent de sortir leur premier CD, après avoir produit, en indépendants, trois chansons en 1997. Leurs textes sont poétiques et politiques. L'un de ceux d'Hamé lui vaut un procès du ministère de l'Intérieur pour diffamation publique envers la police nationale. Il a accordé un long entretien à un militant du réseau Résistons ensemble et nous a volontiers autorisé à en reproduire des extraits.

- Le ministère de l'Intérieur t'intente un procès pour diffamation. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Hamé - L'article mis en accusation a paru dans un magazine promotionnel édité par notre maison de disque. Ça s'est passé juste avant la présidentielle. L'idéologie sécuritaire, ce déferlement hystérique repris par les médias et par tous les élus, est trop répandue. Le climat est à la criminalisation des quartiers populaires, de franges bien précises de la jeunesse, avec tout ce que cela représente. C'est en réaction à cela que j'ai écrit cet article intitulé "Insécurité sous la plume d'un barbare" pour, d'une certaine façon, démasquer cette pensée qui ne date pas d'hier. Au XIXe siècle, les idéologues bourgeois annonçaient "classe laborieuse, classe dangereuse", aujourd'hui ils parlent de "quartiers dangereux".
Quartier dangereux ou quartier en danger ? C'est la question qui a amorcé cet article. L'insécurité la plus dévastatrice, de mon point de vue, c'est l'insécurité sociale, économique liée à des conditions de vie précaires : discriminati-on à l'embauche, instruction bâclée, une entreprise peut mettre 1 000 personnes sur la paille avec la bénédiction des autorités. Cet aspect-là était totalement absent des débats, pas par naïveté ou méconnaissance du problème, mais dans un réel but politique. J'essaye, avec un peu d'ironie, de sarcasmes, de renverser la vapeur, de renverser les termes de l'insécurité. Les premiers à la vivre sont justement les quartiers populaires, fragilisés socialement et économiquement, dans la mesure où ils font partie des catégories de la population les plus opprimées, exploitées.

- Quel est ton sentiment suite à cette accusation ?
Hamé - En France, le racisme et la fascisation des esprits n'ont pas besoin de l'extrême droite pour être effectifs. Ils sont aujourd'hui institutionnalisés...
Pour ce qui est des rapports avec les forces de l'ordre, malheureusement très souvent sanglants - à notre détriment -, il est interdit de dire que la police tue, de dire que sur des décennies l'histoire des quartiers est ensanglantée par des morts par balle du fait de la police. Elle fait sontravail honorablement, protège les citoyens honnêtes, les biens, et n'outrepasse pas ses droits. Elle ne sort jamais de la légalité. Aujourd'hui, il faudrait s'en tenir là !

- Quelles sont les évolutions depuis la publication du texte ?
Hamé - Sarkozy, parfait démagogue et populiste, prétend venir en aide aux pauvres alors que c'est le pire des flics. Il se contente... de poursuivre un dispositif policier qui existait déjà sous les gouvernements de gauche et de droite, en y ajoutant sa touche personnelle. Le climat est favorable à une intensification de ce processus, tous les prétextes sont bons : insécurité routière, terrorisme religieux. Durant la campagne il y a eu des manifestations de keufs, qui réclamaient de nouveaux droits, et la montée du FN, le 21 avril... Il y a vingt ans, on aurait assisté à une levée de boucliers, à une dénonciation du liberticide. Maintenant la France semble avoir besoin de sécurité. Le commerce de la peur, cette espèce de fantasmagorie de la psychose, est lucratif et porteur dans un contexte de précarisation et de licenciements. Depuis six mois, l'agressivité, l'arrogance et le mépris des patrons sont effrayants. Un nombre croissant de familles ouvrières modestes sont plongées dans l'insécurité, avec comme pendant à cette politique, le répressif. Une coïncidence ?
Ils précarisent, ils appauvrissent tout en intensifiant leurs possibilités d'intervenir sur d'éventuelles poussées de colère. Depuis longtemps je n'attends plus rien des institutions, si ce n'est des balles, des coups de bâtons et des lettres de licenciements. Aujourd'hui je ne crois plus qu'aux mobilisations populaires. Les positions que j'exprime sont partagées par La Rumeur. Nous sommes nombreux à avoir chanté ou écrit sur le sujet, pas seulement dans le rap. Mais dans le rapport de forces social, nous ne pesons pas encore assez. Les crimes policiers, les morts par balles sont aussi l'expression du paroxysme d'une oppression plus globale...
Puisque cette question nous tombe sur la gueule, un procès du ministère de l'Intérieur pour diffamation politique en vers la police nationale, puisque nous avons l'opportunité de remuer le caca et de contribuer à braquer les projecteurs sur le sujet, fonçons dans le lard. Nous voulons médiatiser l'affaire, ce qui envenimera les choses. Nous sommes prêts à tout. Il va y avoir la volonté de faire un exemple... Le moral est bon chez La Rumeur, nous n'avons jamais été aussi sereins, avec la conscience d'avoir touché à un truc... Ça fait partie des défits que le rap doit relever. Il a malheureusement abandonné ces combats depuis trop longtemps. Les majors l'ont pour beaucoup acheté, avec le consentement de la grosse majorité de la scène rap.

- Comment organiser la solidarité ?
Hamé - Le procès doit avoir lieu à l'automne. Nous espérons le faire reculer en 2004. Nous organiserons une série de trois-quatre concerts avec des débats et des conférences sur cette question qui, au-delà du soutien à La Rumeur, est primordiale et nous tue au quotidien.
Nous envisageons de produire une charte contenant certaines revendications. Si un soutien est possible, nous aimerions qu'il le soit en rapport à cette base, qui pourrait être collective, Rési-stons ensemble, le MIB et peut-être Bouge qui Bouge pourraient s'y joindre.
Créer des réseaux de solidarité éparpillés et des cellules regroupées. Il y aura toujours des petites divergences. Peu importe, la question est de se mettre d'accord sur certains points, nous n'avons pas le choix. Créons une charte de convergence, par rapport aux questions des brutalités policières, des sans-papiers, de la fascisation dans ce pays. Ayons la perspective de devenir une force d'action et de lutte. Il ne faut pas de petits combats à soi dans son coin. Tous ceux qui dans ce pays ont des raisons d'être en colère, de se révolter, devraient s'organiser, c'est ce vers quoi j'aspire. Nous ne concevons pas notre musique en dehors de cette aspiration.

Propos recueillis par Yvan.

Rouge 2021 12/06/2003

Message Publié : 13 Juin 2003, 18:09
par Louis
sinon, y'a quelque chose sur le procès contre hamé, dans LO ???