Le Concert, film de Radu MIHAILEANU

Message par artza » 16 Nov 2009, 16:47

Un bon film tout public, drôle qui vise juste et très humain.

On sourit souvent, on est ému par les bons sntiments et l'invicibilité de ceux qui refusent de baisser les bras.

On apperçoit la curieuse "bourgeoisie" russe et les apparatchiks recyclés dans les combines maffieuses minables et l'affairisme culturel occidental.

Pour comprendre un peu sans effort et avec plaisir l'évolution/régression de l'URSS à la Russie de Poutine on peut (re)voir trois films, Délit de fuite, Un nouveau russe et Le concert :-P
artza
 
Message(s) : 2407
Inscription : 22 Sep 2003, 08:22

Message par gerard_wegan » 06 Jan 2010, 15:08

Le concert, film de Radu Mihaileanu

Le film débute durant une répétition de l'orchestre du Bolchoï, dans le Moscou d'aujourd'hui. Sous Brejnev, Andreï Filipov en avait été le chef réputé mais, pour s'être opposé au régime, il fut congédié avec l'ensemble de l'orchestre. Trente ans plus tard, les musiciens sont devenus ambulancier, déménageur, commerçant ou tenancier de sexshop ; Andreï, lui, travaille toujours au Bolchoï... mais comme homme de ménage, réduit à écouter les répétitions en cachette et, pour arrondir ses fins de mois, à être figurant dans des mariages d'oligarques rivalisant par le nombre de leurs invités. Mais lorsque tombe une invitation adressée à l'orchestre du Bolchoï par le théatre du Chatelet, Andreï voit renaître son rêve de toujours : diriger, à Paris, le concerto pour violon et orchestre de Tchaïkovski. Subtilisant l'invitation, le voilà donc parti pour remonter un orchestre, le faire passer pour celui du Bolchoï et inviter comme soliste une jeune française, Anne-Marie Jacquet, dont on ignore alors pourquoi il a suivi avec tant d'attention la carrière.

Tout cela tient évidemment de la fable, et nul n'est supposé croire à sa vraisemblance. Mais qu'importe, il existe dans cette veine de très beaux films, aussi différents que La vie est belle de Benigni, Good Bye, Lenin ! ou Les choristes ; du côté des films russes, on pense à Fenêtre sur Paris (malheureusement distribué en France sous le titre ridicule de Salades russes). L'art réside alors dans l'envie donnée au spectateur de céder au charme et de se laisser porter jusqu'au bout de l'histoire. C'est d'ailleurs ce qu'avait brillamment réussi Radu Mihaileanu dans un précédent film, Train de vie ; mais avec Le concert, il rate complètement son effet. Faute d'avoir clairement choisi un registre, son film oscille en permanence entre la fable et la farce grotesque et pataude, abusant de caricatures frôlant parfois le mauvais goût !

C'est particulièrement rageant lorsqu'on voit ce dont est capable le réalisateur, notamment dans toute la scène finale (dont je ne raconterai évidemment pas les détails), celle du concert ou du concerto - c'est le même mot en russe. Surtout que le film est servi par de très bons acteurs dans les premiers rôles : Miou-miou, Mélanie Laurent tout en finesse en violoniste solo, Alekseï Guskov prodigieux en chef d'orchestre hanté par la musique et par son passé. De quoi quitter la séance à la fois ému et très en colère !

Reste la bande son. Evidemment, il vaut mieux aimer Tchaïkovski. Son concerto pour violon et son premier concerto pour piano étant pour moi, avec quelques pièces pour violon seul de Paganini, au sommet de tout ce qu'il m'a été donné d'entendre, je n'ai pas été déçu, même si j'ai entendu de meilleures interprétations de ce concerto pour violon : curieusement, les retours à mon goût trop appuyés des parties orchestrales après les envolées de la partition solo me font penser aux défauts mêmes du film ! Mais ce n'est qu'un détail : s'il n'y avait eu que cela, j'aurais applaudi à la fin...


Image
gerard_wegan
 
Message(s) : 2
Inscription : 31 Oct 2002, 08:32

Message par tridon » 07 Jan 2010, 01:00

A noter que pour ce même film un fil avait été déjà ouvert...le 16 novembre dernier, par artza.
Je suis beaucoup plus proche de la critique de Gerard_wegan : dans sa partie "politique" le film frise la caricature...anticommuniste (figurants appointés pour les meetings du PCUS actuel, ou du PCF !).
La peinture des russes, ne manque pas non plus de lourdeurs et de clichés.
La structure du film est très (trop) conventionnelle.
Reste bien sûr de la "belle musique" et beaucoup d'émotion, même si les ficelles qui activent nos glandes lacrymales sont très voyantes.
tridon
 
Message(s) : 0
Inscription : 11 Déc 2008, 01:09

Message par gerard_wegan » 07 Jan 2010, 04:54

Désolé, je n'avais pas vu le fil ouvert par artza : c'est ici.

Juste une remarque à propos de ce qu'écrit artza : n'ayant pas vu Délit de fuite, je n'en parlerai évidemment pas ; difficile par contre de comparer Un nouveau Russe de Pavel Lounguine avec Le Concert de Radu Mihaileanu [*]. Le premier est un film résolument réaliste comme ceux, très noirs, dans lesquels on avait pu découvrir Pavel Lounguine comme réalisateur : Taxi Blues et Luna Park. Au passage, l'un des mérites de cet excellent film qu'est Un nouveau Russe est de retracer l'évolution, à partir du milieu des années 80, d'une certaine jeunesse (de brillants étudiants, dans le film) issue des cercles de l'ancienne buraucratie mais sans y être aussi liée que les générations précédentes qui devaient toute une carrière à la fidélité au régime ; on la voit s'engouffrer dans toutes les brèches ouvertes sous Gorbatchev puis Eltsine pour devenir une quinzaine d'années plus tard ces plutôt jeunes oligarques qu'on découvre au début du film (ces oligarques n'étant pas, loin de là, représentatifs de ce qu'est aujourd'hui la bourgeoisie des pays issus de l'ex-URSS... mais c'est un autre débat). Le concert, lui, nous en apprend peu sur la Russie d'aujourd'hui, ce qui n 'est pas un reproche, le propos du film étant ailleurs : on y assiste certes aux débordements grotesques de riches parvenus qu'il faut flatter pour obtenir des subsides... mais les relations pour le même résultat auprès des potentats de l'ex-bureaucratie (aux débordements également légendaires) devaient être assez semblables, la différence étant que pour distribuer des faveurs, les bureaucrates tapaient, eux, dans une caisse sur laquelle ils n'avaient formellement aucun droit de propriété.

[*] Pour éviter les faux débats, je précise ne pas prétendre que artza les compare !
gerard_wegan
 
Message(s) : 2
Inscription : 31 Oct 2002, 08:32

Message par gerard_wegan » 08 Jan 2010, 01:50

Depuis la Suisse, un autre regard sur le film et son auteur...

( Le Temps % 7 janvier 2010 a écrit :
Radu Mihaileanu, en mode mélo
Par Marc Semo, Paris

Trente ans après avoir fui la Roumanie, le réalisateur du film «Le Concert» est enfin apaisé. Portrait de l’artisan d’un des grands succès populaires français sur grand écran

Un tournage est toujours une aventure, avec ses moments exaltants, cocasses ou ennuyeux mais, dans celui du Concert, il y en a un que Radu Mihaileanu savoure particulièrement. La scène se passe à l’aube. La petite troupe du faux-vrai Orchestre du Bolchoï en partance pour Paris bat la semelle sur la place Rouge dans l’attente d’un improbable bus. Il a fallu six mois de tourments bureaucratiques pour obtenir l’autorisation de déployer là ses caméras. «Nous sommes au pied du Kremlin, le cœur du pouvoir russe, et pour moi c’est comme une revanche, même si je ne l’ai compris qu’après», s’esclaffe l’ancien réfugié ayant fui la Securitate de Ceausescu, le juif roumain devenu cinéaste français à succès.

«Witz» et rire désillusionné

En France, son dernier film cartonne avec déjà près de 2 millions d’entrées, grâce au bouche-à-oreille. En Suisse, où le film est sorti bien après, les chiffres sont moins spectaculaires pour ce mélo absolu sur fond de Tchaï­kov­ski (critique: lire LT du 23.12.2009). Le public rit et pleure. «La comédie n’a de sens que sur fond de tragédie, comme dans la vie», explique Mihaileanu resté depuis son enfance un inconditionnel de Charlot, «le perdant malin imparfait et sublime». Tignasse bouclée et barbiche courte, un zeste de «r» roulés, il assume son identité composite avec toujours à la bouche le «witz» et l’autodérision des êtres sans illusions ballottés par l’histoire.

Depuis plus de vingt ans, Radu Mihaileanu habite Paris, quartier de la République dont il aime le mélange ethnique et social. Gosse en Roumanie, il allait jouer avec les petits Tziganes voisins. Dans tous ses films apparaissent ses potes les Gitans, transgresseurs de frontières et d’ordres établis. La rue Saint-Maur, c’est la patrie de l’exilé. Il y côtoie cette différence, cet entre-deux, qu’au début il chercha à gommer en lui. Il n’a jamais oublié son arrivée à l’Idhec, l’école de cinéma, en petit réfugié roumain. «Ma mère avait vendu son alliance pour m’acheter à Bucarest un beau costume. J’étais là engoncé alors que les autres étaient en jeans.» Ses copains contestaient les profs. «Moi, je voulais apprendre», se souvient Radu, qui longtemps s’est senti «un animal bizarre».

Nombre de ses copains de promo – Arnaud Depleschin, Eric Rochant, etc. – se sont rapidement affirmés comme les symboles d’un renouveau du cinéma français d’auteur. Lui se sentait un peu largué et à la recherche de lui-même. Son premier long-métrage, Trahir, sur la compromission et le flicage au quotidien par la Securitate, était un film roumain parlé en français. Puis il y eut Train de vie, où il inventait le conte d’un village juif d’Europe orientale qui organise sa fausse déportation pour se faufiler entre les lignes et échapper à l’extermination. Malgré un Prix du scénario, aucun producteur n’osa d’abord s’y lancer. Jamais jusque-là aucun film n’avait mélangé le rire et les larmes sur la Shoah. Il lui faudra plus de trois ans pour le tourner. Plus de dix ans plus tard, autre triomphe avec Va, vis et deviens, merveilleuse histoire d’un gosse éthiopien qui se fait passer pour juif afin d’être adopté en Israël. On y retrouve ce qu’il appelle «l’imposture positive».

Deux histoires rebrodées

«Je suis un cinéaste de gauche aimé par la presse grand public parce que je parle de valeurs simples comme l’amitié, la solidarité, la tendresse, la dignité humaine», explique le cinéaste, convaincu d’avoir tourné avec Le Concert son film «à la fois le plus personnel et le plus français». A l’origine du scénario, il y a deux histoires vraies. Celle du chef d’orchestre du Bolchoï Evgueni Svetlanov, chassé pour s’être opposé au licenciement des musiciens juifs, décidé par Brejnev. Et celle d’un faux orchestre du Bolchoï qui se rendait à Hongkong, finalement découvert. Radu mêle les deux, extrapole.

Les tragédies du communisme furent celles de sa famille. Son père échappe aux camps nazis, change son patronyme Buchman pour celui très roumain de Mihaileanu et rejoint la résistance communiste. Mais, une fois le PC au pouvoir, sa carrière stagne car, bien que journaliste et traducteur reconnu, il reste suspect de par ses origines. Quand ses parents apprennent au petit Radu sa judaïté, il en parle naïvement à ses copains d’école… et se fait tabasser.

«C’est très roumain et très juif à la fois que de rire dans les larmes», dit Radu, dont le départ de Roumanie fut la quintessence du genre: «Officiellement, je partais pour un voyage de 15 jours en Israël et il fallait afficher devant la police de l’aéroport un sourire de bonheur alors que ma famille et moi savions que j’allais me réfugier et que nous risquions de ne jamais nous revoir.» Une fois arrivé, deuxième mise en scène. Il appelle la famille – le téléphone est sur écoute – pour lui annoncer son désir de rester à Paris et, selon le scénario convenu, elle le maudit tout en exultant intérieurement. Il reste un exilé, n’a jamais demandé l’asile.

Traqué de l’intérieur

«Je me sentais traqué partout et d’abord à l’intérieur de moi, jamais je ne donnais mon adresse: cela a duré quasi jusqu’au renversement des Ceausescu… Dans un pays communiste, il n’y avait que l’amitié, l’amour et le sexe. Les relations personnelles étaient le plus important, alors qu’en Occident les gens s’abritent derrière une carapace, et moi je voulais tout trop vite», raconte le cinéaste, qui peu à peu trouve ses marques. Il se marie avec une Séfarade française, ils ont deux garçons.

Désormais, il est reconnu et apaisé: «J’ai arrêté de courir derrière l’identité des autres et je m’accepte comme je suis.» Métèque revendiqué et fier de l’être. Son père insiste pour qu’il abandonne «ce nom à coucher dehors de Mihaileanu» pour reprendre celui de Buchman, littéralement l’«homme du livre». Radu s’y est toujours refusé pour ne pas effacer ce chapitre de l’histoire familiale. Et malgré sa passion pour les livres. «Je voudrais qu’il y en ait sur tous les murs jusqu’au plafond», soupire le cinéaste, dont «le rêve secret» serait de devenir écrivain, de se mesurer avec cette langue française devenue la sienne mais qui l’impressionne encore tellement. Il pense à d’autres Roumains qui se coulèrent dans ce même moule, Ionesco ou Cioran. Cela le paralyse et cela le tente.
source
gerard_wegan
 
Message(s) : 2
Inscription : 31 Oct 2002, 08:32

Message par Zelda » 28 Mars 2010, 09:41

Je viens de le voir en DVD.
Beaucoup aimé la première heure, très drôle, sans prétention. Du comique intelligent.

Ensuite, ça sombre dans une histoire mélo dans laquelle je n'ai pas marché.

Bref, un petit film inégal pour moi. Politiquement, j'ai trouvé la seconde partie douteuse.

edit : j'ai écrit mon avis avant de lire les copains sur ce fil... C'est drôle, autant de personnes, autant d'avis différents.

edit encore : un des trucs qui m'a fait le plus rire, c'est le russe dont les potes disent "Il va nous être utile, il parle super bien français"... et après on l'entend parler au téléphone dans son français appris dans les bouquins du 19ème siècle "s'il vous sied" et son accent à couper au couteau. C'est savoureux. J'en ris encore.
Zelda
 
Message(s) : 0
Inscription : 31 Jan 2010, 14:08


Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 19 invité(s)