Les Girondins

Message par Doctor No » 08 Juin 2011, 06:59

J'avais lu ce truc là cela fait au moins 35 ans dans une vieille éditions franc-maçonnique de mon beau père et à l'époque j'avais été fort impressionné, mais à 35 ans cela devenait un peu vague...

Je l'ai donc acheté (pour un prix défiant toute concurrence) et je suis en train de le lire.

Malgré toutes les absurdités de l'auteur et les passages larmoyantes sur le destin des rois il est incroyablement bon pour se faire une idée de c'est que c'est qu'une grande révolution (peut-être la plus grande qui aie jamais eu lieu).

C'est une véritable école de tactique et une cure anti-gauchisme de première classe.

Parce que tout est dans les détails, tout est comment il montre, non pas "l'histoire", mais le développement pas à pas quoique contradictoire, les énormes forces et les complots contre lesquels ce sont débattus les révolutionnaires; mais surtout comment ce sont les masses qui déterminent le cours de cette révolution. Quand la situation est mûre. Ni avant ni après.

Et cela, non pas en l'affirmant, mais tout simplement (et peut-être même à son insu) en racontant pas à pas les détail significatifs (et signifiants) de cette épopée.

Il ressort de toute cette somme, non pas des thèses politiques (quoique on peut en tirer surement!) mais la marche naturelle d'un phénomène qui, pour les acteurs de l'époque pendant ses premiers 3 années semblait n'être qu'une suite des complots de la cour, des trahisons des dirigeants (il y en a eu un paquet) et d'impuissance des véritables révolutionnaires devant des forces "énormes" qui voulaient la contrer.

Mais toujours, quand cela a été mûr et surtout quand les gens étaient acculés par la menace de la réaction, le peuple a su trouver la force (et quelle force!) pour remettre les choses en place. Il n'y avait pas intérêt à trahir ou à être ci-devant quand le peuple se mettait en colère...

Bref, on peut tirer de ce bouquin des bons éléments pour la situation d'aujourd'hui.

Voila ce que je demande à un livre, pas qu'ils m'amuse...
Doctor No
 
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Message par Ottokar » 08 Juin 2011, 07:36

On peut demander bien des choses à un livre et de gens différents peuvent demander des choses différentes... on en a déjà parlé n'y revenons pas.

Je n'ai pas lu l'ouvrage en question et je serai curieux de le lire, car les auteurs se projettent en général sur leurs oeuvres. On peut apprendre toujours des évènements, même s'ils étaient mal racontés ou mal interprétés. Mais Lamartine est un bien mauvais professeur en politique. Pas seulement à cause de son style grandiloquent, de son pathos romantique à la noix, mais à cause de son rôle politique durant la révolution de 48. Et il n'est pas étonnant qu'il s'attache aux Girondins, c'est-à-dire l'aile faible de la révolution, celle que la bourgeoisie du XIXème a réhabilité contre les montagnards et particulièrement les jacobins. Il y a une grande statue de Danton à Paris, il n'y a pas de statue de Robespierre, il y a une station et une rue La Fayette, mais la station Robespierre est dans une banlieue ex-PC, etc.

Hugo a une vision tout aussi romantique (et fausse) de 93, quant à Anatole France ("les Dieux ont soif") ses révolutionnaires ne sont guère sympathiques. Je signale que les éditions proches du PC avaient réédité il y a 20 ans un excellent ouvrage d'Ilya Ehrenburg sur Babeuf. Une merveille. L'ouvrage a été écrit en 1928, 1929 ou 30 et la société qu'il décrit, après la chute de Robespierre a bien des résonances avec la société stalinienne de cette bureaucratie alliée aux anciennes classes bourgeoises en train de s'affermir en URSS. Impossible qu'Ehrenburg n'y ait pas songé. Mais ensuite prudemment, il a fermé sa grande bouche, accumulant les prix Lénine, Staline, présidant l'Union des écrivains, chantant les odes à Staline... beurk.
Ottokar
 
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Message par Doctor No » 08 Juin 2011, 09:25

C'est sur que c'est un Orléaniste, mais la valeur de son livre ne réside pas dans ses opinions ni dans la présentation qu'il faut des évennements. Bien qu'il est forcé de voir les réalités ce qui donne des contradictions permanentes avec son propre point de vue tout le long de son récit.

C'est dans la quantité des détail (et des discours, il reproduit nombre des interventions de plus éminents personnages) qui montrent très clairement comment une révolution se déroule qu'on peut apprendre la marche contradictoire d'une grande révolution.

En fait, le titre est trompeur. Il s'agit d'une histoire de la révolution à partir de la mort de Mirabeau jusqu'à la chute de Robespierre. C'est à dire la période entre 1791 et 1794 où la plupart des événements décisifs se sont passés (manque une bonne histoire de la période avant la prise de la Bastille et de la prise elle même ou je ne la connais pas)

Les textes de Guérin, Kropotkine, etc. analysent bien les enjeux et les classes sociales en lutte, mais celle ci, tout en proposant des explications, quelques unes assez justes, d'autres complètement à coté, est plus le récit des évennements avec force détail et des interventions des protagonistes. Il disculpe toujours la réaction, il se lamente et honni le peuple en colère, mais à la fin il se voit bien obligé de montrer la nécessité de la révolution et de l'action plus que décidée du peuple de Paris. Bref, la révolution le tord la main.

En plus, le rythme de la révolution est assez bien peint ce qui est très important de comprendre. Aussi ses difficultés, le désarroi de ses leaders. Enfin, c'est, il me semble une bonne école pour ce qui pourrait, un jour, arriver de nouveau. Et j'espère avec le même brillant succès qu'il a eu cette révolutions qui, sans l'intervention totalement décisive des masses aurait été étouffée dans le sang par la réaction.

Lamartine était ce qu'il était, mais comme historien il n'est pas mal. Il n'a pas le front de se poser en "impartial" et il est de la veine d'un Guizot, un autre politicien-historien orléaniste. Peut-être un peu plus "sentimental" que le fin politicien Guizot. En tout cas des bourgeois d'un autre calibre que ceux que l'on voit, sur le devant de la scène, aujourd'hui.
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Message par Ottokar » 08 Juin 2011, 09:50

Merci de ces précisions. Tant qu'on y est avec du "pas impartial", Michelet reste pour moi la référence incontournable. Les pages sur les évènements sont incomparables. Il a travaillé avec les PV des sections parisiennes (assemblées locales, sortes de soviets de quartiers) et interviewé les derniers survivants dans les années 1830. Il a ses partis pris, déteste Marat, le décrit comme répugnant, déteste Robespierre même si à chaque étape on constate que c'est lui qui indique la voie de l'approfondissement de la révolution... et Michelet aime la révolution, la République, le peuple. Seul défaut, plus de 1000 pages sur papier bible !
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Message par Doctor No » 08 Juin 2011, 10:08

Bien sur, le Michelet est supérieur et il faut le lire (et plus qu'une fois) pour connaitre cette grande révolution, mais Les Girondins ce n'est pas mal non plus.

C'était des historiens qui écrivaient juste sortis d'une période de déformation complète des évennements. C'est comme aujourd'hui essayer d'écrire sur la Révolution Culturelle ou sur un tas d'autres phénomènes qui sont très récents encore et où les haines partisanes brouillent la vision.
Qui parle en Russie de Trotski et de son apport à la révolution par exemple? Et pourtant cela fait presque 100 ans...Michelet et Lamartine écrivent à un intervalle de temps bien plus rapproché.

Déjà le récit détaillé des événements et des discours des protagonistes est une source importante. Et à leur époque, rien que cela, a dû être une sacré contribution au rétablissement des faits et réalités pour une grande partie des gens.

Leurs opinions? Cela on peut toujours se faire son propre point de vue, mais sans connaitre en détail ce qui s'est passé, comment faire?

En tout cas, cette révolution a été si grande qu'elle s'impose à ces écrivains malgré leur conception idéologique. Ils ne peuvent que finir par acquiescer sa logique terrible et salutaire.
Doctor No
 
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