Malaquais rebelle

Message par Jacquemart » 21 Jan 2012, 23:11

Un autre forumeur, connaissant l'auteure, avait eu le privilège d'avoir ce livre en avant-première. Pour ma part, j'ai sagement attendu sa sortie en librairie, et je voulais en dire quelques mots.

Jean Malaquais, de son vrai nom Jan Malacki, juif et émigré polonais, vécut de mile et un travaux avant que son talent d'écrivain ne se révèle, en particulier dans deux oeuvres majeures : Les javanais (dont Trotsky fit une critique élogieuse et pénétrante) et qui valut à son auteur le prix Renaudot et, plus tard, Planète sans visa. Politiquement, Malaquais fut un compagnon de route du courant communiste, en particulier dans sa version dite "gauchiste" ; il était l'ami de Marc Chirik, un militant qui dirigea en France un groupe se réclamant de cette filiation politique.

Geneviève Nakach s'est intéressée depuis longtemps déjà à cet écrivain, puisqu'elle lui a consacré une thèse à l'Université, et préside depuis des années la fondation qui lui est consacrée.

A ma grande honte, je n'ai jamais lu les romans de Malaquais ; je n'ai donc pas pu apprécier à leur juste valeur les passages de la biographie qui traitaient des aspects proprement littéraires. Mais même sans cela, j'ai découvert un homme, un parcours et un univers, le tout écrit sans aucun jargon inutile, et par une biographe dont on perçoit la proximité globale d'idées avec son sujet d'étude.

Bref, un livre hautement recommandable, qui se lit facilement, et que ceux qui connaissent mieux que moi les ouvrages de Malaquais devraient apprécier, et avoir envie de faire apprécier, avec de meilleurs arguments !

Et ici, une critique brève mais très positive dans Télérama.


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Message par Ottokar » 22 Jan 2012, 08:08

j'avais lu il y a quelques années les Javanais et je l'avais beaucoup aimé. La télé avait fait une adaptation sympa de Planète sans visa il y a peut-être 10 ans. Le personnage de Malaquais est attachant, et si sa biographie (que je n'ai pas encore lue) montre ses engagements cela ne doit pas être mal. Car juste à travers ses livres, on sent sa sincérité, sa fidélité à ses idéaux, au camp des pauvres, des exclus, des prolétaires du monde entier, une fidélité qu'il a gardée, d'après la critique.
Tant mieux, ce n'est pas si fréquent.
Ottokar
 
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Message par pelon » 22 Jan 2012, 11:16

Oui, "Les javanais" est vraiment un bon bouquin. Quant à la biographie je ne l'ai pas encore lue mais cela ne saurait tarder car j'ai envie de mieux connaître le personnage compte tenu de ce que j'en sais déjà.
pelon
 
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Message par artza » 23 Jan 2012, 08:56

Oui, il faut (re)lire Les Javanais et aussi Planète sans visa que j'ai préféré.

La personne de Malaquais ne peut que susciter la sympathie de tous les révolutionnaires, de tout individu emplit d'humanité sans oublier les accrocs à la bonne littérature.

Un petit bémol, lisant ses Carnets de guerre (1939) j'ai été étonné que parmi tous les individus peu reluisant qu'il croise aucun ne mérite un tant soit peu son estime, un brin de sympathie.

Je n'ai jamais connu une telle situation.
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Message par Harpo » 23 Jan 2012, 12:03

Le propos de Malaquais dans son Journal de guerre est entre autre de montrer à quel point l'armée surtout dans une guerre est une machine à décérébrer et que très peu y résistent, qu'elle est le lieu d'épanouissement idéal de toutes les bassesses.

Il n'y a pourtant pas de condamnation de Malaquais pour ses camarades, ce qui l'exaspère, c'est "l'humanité en troupeau" :

a écrit : J'en viens à me dire que l'humanité m'exaspère; l'humanité en troupeau, j'entends. Ce qui ne veut pas dire que je n'aime pas l'homme...


Si tu veux trouver un brin de sympathie, relis la page 97 à propos de Jordi le catalan.
Harpo
 
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Message par artza » 24 Jan 2012, 09:18

Louis Aragon le patriote professionnel.

Un pamphlet au vitriol de Malaquais du chantre de Staline et de la patrie française.
Publié après la seconde guerre mondiale chez Spartacus.
Trop méconnu. :(

A lire avec le déshonneur des poètes de Benjamin Péret.

Je vais suivre le conseil d'Harpo ci-dessus.
artza
 
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Message par luc marchauciel » 24 Jan 2012, 12:38

Vous m'avez donné envie, je me suis commandé "Les javanais " et bien sûr le pamphlet anti-Aragon (je hais Aragon, je pense que je vais me régaler)
luc marchauciel
 
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Message par Ottokar » 08 Juil 2012, 08:12

Grâce à ce sujet, je m'étais préparé à acheter à la fête la biographie de cet auteur de romans pas mal tombé dans l'oubli, Jean Malaquais. Je n'ai pas regretté.

Il est évoqué par Trotsky dans Littérature et révolution sous le titre élogieux "un auteur français est né" pour son premier roman, "les Javanais".

Les Javanais est un roman à moitié autobiographique sur une mine du midi qui va fermer, et regroupe des déracinés des quatre coins du monde, parlant un charabia compréhensible seulement d'eux-mêmes, d'où le titre (les gens disent "c'est du javanais"). Des drames humains sous-jacents mais sans jamais perdre espoir dans l'espèce humaine, une révolte et un humour qui rappellent Traven, c'est un beau livre, qui a eu le Prix Renaudot en 1939

Malaquais a décrit ensuite son expérience de déraciné fuyant l'Europe nazie en 42-43, coincé à Marseille et tentant de passer au Mexique ou aux USA.

Originaire de Pologne, tôt révolté, il comprend assez vite la réalité du stalinisme et sympathise avec les trotskystes, puis se sent plus proche des "capitalistes d'Etat" ou des "ultra-gauche". Il arrêtera la politique dans les années 50 et arrêtera quasiment d'écrire. Ami de Gide, il se liera ensuite à Norman Mailer dont il assurera la traduction des "Nus et des Morts". Au passage, j'ai retrouvé un de ses pamphlets réédité avec succès dans l'après 68, celui où il critique durement Aragon, le Aragon triomphant de la Libération et des années 50, sous le titre évocateur "Le Patriote professionnel".

Il meurt dans les années 90 sans jamais avoir renié ses idées, ses combats, sans perdre ce sentiment de révolte contre le monde capitaliste.

L'auteur, Geneviève Nakach est une de nos amies, qui est venue faire un exposé sur lui à la dernière fête (c'est là que je me suis fait dédicacer l'ouvrage). Cette bio est issue d'un travail de thèse et cela s'en ressent encore au nombre de références, notes en bas de page qui ne m'apportent ps grand chose (à moi) mais sont indispensables dans ce genre de travail. L'ouvrage étant lu aussi par des universitaires, il y a quelques analyse de style, mais cela reste compréhensible pour le béotien que je suis.

Là où j'ai été un peu déçu, c'est par le fait qu'après les années 50, Malaquais cesse quasiment d'écrire, de produire, d'agir, mais cela, Geneviève Nakach n'y peut rien. Cette dernière partie est bien plus courte, les 30 dernières années n'ont pas le tiers des 10 précédentes ! Mais Geneviève Nakach montre que Malaquais a su garder jusqu'à son dernier souffle sa révolte intacte, ses idées, sa faculté d'indignation contre ce monde de fous.

Et cela nous touche particulièrement.

Geneviève Nakach est devenue une spécialiste de Malaquais et il y a une société des amis de Malaquais qui diffuse des textes, a organisé un colloque et des rencontres, pour ceux qui veulent aller plus loin : Société Jean Malaquais http://www.malaquais.org/liens
Ottokar
 
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