Grâce à ce sujet, je m'étais préparé à acheter à la fête la biographie de cet auteur de romans pas mal tombé dans l'oubli, Jean Malaquais. Je n'ai pas regretté.
Il est évoqué par Trotsky dans Littérature et révolution sous le titre élogieux "un auteur français est né" pour son premier roman, "les Javanais".
Les Javanais est un roman à moitié autobiographique sur une mine du midi qui va fermer, et regroupe des déracinés des quatre coins du monde, parlant un charabia compréhensible seulement d'eux-mêmes, d'où le titre (les gens disent "c'est du javanais"). Des drames humains sous-jacents mais sans jamais perdre espoir dans l'espèce humaine, une révolte et un humour qui rappellent Traven, c'est un beau livre, qui a eu le Prix Renaudot en 1939
Malaquais a décrit ensuite son expérience de déraciné fuyant l'Europe nazie en 42-43, coincé à Marseille et tentant de passer au Mexique ou aux USA.
Originaire de Pologne, tôt révolté, il comprend assez vite la réalité du stalinisme et sympathise avec les trotskystes, puis se sent plus proche des "capitalistes d'Etat" ou des "ultra-gauche". Il arrêtera la politique dans les années 50 et arrêtera quasiment d'écrire. Ami de Gide, il se liera ensuite à Norman Mailer dont il assurera la traduction des "Nus et des Morts". Au passage, j'ai retrouvé un de ses pamphlets réédité avec succès dans l'après 68, celui où il critique durement Aragon, le Aragon triomphant de la Libération et des années 50, sous le titre évocateur "Le Patriote professionnel".
Il meurt dans les années 90 sans jamais avoir renié ses idées, ses combats, sans perdre ce sentiment de révolte contre le monde capitaliste.
L'auteur, Geneviève Nakach est une de nos amies, qui est venue faire un exposé sur lui à la dernière fête (c'est là que je me suis fait dédicacer l'ouvrage). Cette bio est issue d'un travail de thèse et cela s'en ressent encore au nombre de références, notes en bas de page qui ne m'apportent ps grand chose (à moi) mais sont indispensables dans ce genre de travail. L'ouvrage étant lu aussi par des universitaires, il y a quelques analyse de style, mais cela reste compréhensible pour le béotien que je suis.
Là où j'ai été un peu déçu, c'est par le fait qu'après les années 50, Malaquais cesse quasiment d'écrire, de produire, d'agir, mais cela, Geneviève Nakach n'y peut rien. Cette dernière partie est bien plus courte, les 30 dernières années n'ont pas le tiers des 10 précédentes ! Mais Geneviève Nakach montre que Malaquais a su garder jusqu'à son dernier souffle sa révolte intacte, ses idées, sa faculté d'indignation contre ce monde de fous.
Et cela nous touche particulièrement.
Geneviève Nakach est devenue une spécialiste de Malaquais et il y a une société des amis de Malaquais qui diffuse des textes, a organisé un colloque et des rencontres, pour ceux qui veulent aller plus loin : Société Jean Malaquais
http://www.malaquais.org/liens