Re: Jack London
Publié : 14 Juin 2020, 22:41
On s'éloigne de Jack London. On y reviendra.
Dans le même genre que Gaston Couté, oui et non, y'a les poésies de Jehan Rictus qui n'écrivait pas en patoisant mais abrégeait des mots avec des apostrophes (des apocopes). Jehan Rictus s'en explique dans une lettre à Léon Bloy qui qualifiait «d'épouvantable» la langue utilisée par le poète dans ses vers :
«Tout ce qu'on pourrait me reprocher, c'est d'avoir apocopé les vers et écrits certains mots avec la prononciation lasse et fatiguée des pauvres et des avachis.»
J'aime bien la fin de sa lettre :
Dans le même genre que Gaston Couté, oui et non, y'a les poésies de Jehan Rictus qui n'écrivait pas en patoisant mais abrégeait des mots avec des apostrophes (des apocopes). Jehan Rictus s'en explique dans une lettre à Léon Bloy qui qualifiait «d'épouvantable» la langue utilisée par le poète dans ses vers :
«Tout ce qu'on pourrait me reprocher, c'est d'avoir apocopé les vers et écrits certains mots avec la prononciation lasse et fatiguée des pauvres et des avachis.»
J'aime bien la fin de sa lettre :
Réponse à Léon Bloy
[…]
Comment! jamais l’avilissement de l’Homme, de mon frère Esclave, n’a atteint un tel degré, même et surtout dans l’Antiquité, et je n’aurais pas le droit ni la force amoureuse de le démontrer ? Et d’opposer aux thrènes triomphaux des Bourgeois qui hurlent la gloire du Progrès, du Travail, etc., cette simple peinture qui dit : « Le voilà, votre progrès! Le voilà, votre travailleur! Vous en avez fait une brute, un être comme aucune civilisation n’en a jamais créé. Alors les principes de 89 s’effondrent. […]»
Et vous ne voudriez pas que je dise cela aux populos aussi ? Mais c’est impossible, et la tâche est si belle, si enivrante, que j’aimerais mieux y laisser ma peau que d’y renoncer.
Soyez assuré qu’un jour j’aurai dans les mains, avec des moyens d’action, une force populaire terrible, et que si jamais cela m’arrive je m’arrangerai de façon à ne pas laisser debout un seul pan de l’édifice bourgeois. Tout vaut mieux, même le retour à la barbarie, à la caverne primitive, qu’une pareille organisation sociale. Si jamais je peux, je leur en foutrai, moi, aux Bourgeois, du Progrès, du Labeur, de la Justice, de l’Égalité, de la Liberté, comme ils l’entendent.
Je leur apprendrai à laisser crever de faim les artistes sincères, à exploiter les ouvrières de façon à les précipiter au trottoir. Je leur en donnerai de l’alcoolisme, de la faim, de la folie, de la phtisie, des accidents de chemin de fer, des coups de grisou, des fusillades de mineurs, des tueries qui créent leur richesse! Parole d’honneur, on devrait me couper le cou tout de suite, tant je compte détruire dans les cervelles populaires le très abrutissant mythe du Travail. Être un danger, un jour! Quelle joie! Aurai-je la force et la patience ?...
Jehan Rictus, 4 octobre 1900.
Collection "Poètes d'Aujourd'hui", éditions Pierre Seghers.