la grève des sardinières de Douarnenez

[com_71]

L'Humanité a été aussi une maison d'édition. Ici une brochure très vivante de Lucie Colliard, une des animatrices de la grève des sardinières de Douarnenez en novembre 1924.
http://www.association-radar.org/IMG/pd ... -00024.pdf

[yannalan]

Elle a eu de petits problèmes au début avec les femmes locales:

"
Une revendication simple, comprise et acceptée par tous. Une organisation où place est laissée à l’initiative locale.

170À l’esprit local, plutôt. À l’Assemblée nationale, Jadé, député du Finistère, rapporte que « Mme Lucie Colliard s’étant laissée aller à faire de l’anticléricalisme au cours d’une réunion, une petite ouvrière sardinière lui dit : “Ne touchez pas à la religion, madame, parce que si je suis gréviste, je suis Enfant de Marie.” » Chacun rappelle cette presque image d’Épinal de la carte du syndicat marquant les pages du missel…

171« Il y avait un meeting aux halles, allez, on chantait : “C’est la lutte…” Il y avait quelque chose à l’église ? On allait toutes à l’église chanter : “Je suis chrétien, voilà ma gloire”… C’étaient les mêmes ! Toutes les femmes allaient à la messe. Toutes les femmes allaient aux meetings. C’est la vérité ! » (Martin, 1994.) Les « Parisiens » de passage ne remettent pas en cause ces particularismes locaux : « Les militants qui venaient de Paris se moquaient bien de leurs sections ou de leurs cellules à ce moment-là, ils prenaient l’air19. »

[artza]

La lecture de la brochure révéle que le curé refusa l'absolution à des femmes qui participaient au comité de grève ou qui avaient porté des bannières syndicales!

Je sais qu'il n'est guère de mode aujourd'hui d'évoquer le lourd passé réactionnaire ( c'est le moins qu'on puisse dire) de l'église catholique.

A travers ce que rapporte Yannalan des affirmations d'un député (dont j'ignore la couleur) à la Chambre on comprend qu'une sardinière grèviste pouvait se permettre d'interpeller une militante et affirmer son appartenance à une organisation catholique et à ce titre demander qu'une oratrice censure ses propos.

Quels propos d'abord?
Je doute que dans l'église de Douarnenez une sardinière pouvait se lever pour contester des propos du curé.

Lucie Colliard fut inst. laïque dans des villages de Savoie dans les années qui suivirent l'affaire Deyfus et la séparation de l'église et de l'état.
On devrait connaître la façon dont des municipalités réac et cléricales traitèrent les inst. et particulièrement les femmes, souvent privées de bois de chauffage et pas question de se réchauffer auprès d'un amant de passage
Bonne année à tous.

[Gayraud de Mazars]

Salut camarade Artza,

On sait que depuis l'encyclique Rerum novarum publiée le 15 mai 1891 par le pape Léon XIII, l'Eglise s'est prononcée et reste violemment hostile au « socialisme athée » !

Léon XIII condamne le socialisme, entendu comme théorie qui vise à l'abolition de la propriété privée. Il remarque dans un premier temps que le « socialisme » contribue au développement de la haine contre ceux qui possèdent en proposant, comme solution à la misère, l'abolition de la propriété privée. Or cette abolition a trois conséquences selon l'encyclique : elle fait du tort à l'ouvrier, vide les droits légitimes des propriétaires et bouleverse le rôle de l'État...

Pas étonnant que des prêtres refusent l'absolution des sardinières en lutte, l'Eglise a peur des grèves, du socialisme et des femmes...

Fraternellement,
GdM

[yannalan]

Les rapports entre religion et lutte des classes dans les ports de pêche sont curieux. J'ai connu le milieu à Boulogne/Mer et par ici. La réaction de l'ouvrière ne m’étonne pas du tout. Je pense que c'est lié quelque part aux dangers de la mer. La mère d'un copain est déléguée CGT de son usine et fervente catho, ce qui ne veut pas dire cléricale. A Boulogne, j'ai vu les obsèques du dirigeant CGT des pêcheurs à la cathédrale avec l'évêque et les drapeaux rouges à l'autel. Pareil pour le suivant...
Les rapports des travailleurs avec la religion sont souvent plus affectifs que rationnels et ça ne sert pas à grand-chose de rentrer dedans. En Albanie, ils avaient décrété l'athéisme de 67 à 91, ça n' a pas servi à grand-chose.

[pietro2]

ce qui ne doit pas nous dispenser de défendre publiquement nos idées matérialistes et communistes. Ne pas cacher son drapeau dans sa poche...

[yannalan]

Non, certes, mais faut quand même tenir compte des circonstances. Pour discuter, faut être deux et si tu claques la porte au nez de suite, ça le fait pas. Pour revenir à l'épisode faut voir que Lucie Colliard se retrouve face à un tas de jeunes (on bossait à 12 ans à l'époque dans les conserveries) qui apprécient très peu certaines de ses tirades. Elles faisaient grève pour un salaire et des conditions de travail meilleures , pas pour contester la virginité de Marie ou l'existence de dieu.

[artza]

Ah bon Lucie Colliard faisait des "tirades" sur la virginité de Marie et "l'existence de dieu"?

Qui raconte ça?

J'ai lu la brochure, il n'y a rien de tout ça.

Juste une dénonciation du curé qui refuse l'absolution. Je remarque que LC ne se livre à aucune remise en cause de ce sacrement et soutient en fait les grévistes qui souhaitent le recevoir.

Et plus haut une remarque qui évoquant la rude vie des sardinières affirme " l'inutilité d' inventer l'enfer dans l'au-delà..." certes ça peut choquer ceux qui croient à l'enfer dans l'au-delà et à son utilité pour punir les méchants. Entre nous ça fouette pas un évêque.

[yannalan]

Pour les tirades en question, je l'ai lu quelque part, ça fait un moment et j'arrive pas à retrouver où. A Douarnenez, c'est assez connu. Ca m'étonnerait que ça ait été sur le curé ou les refus de communion, ça ça aurait passé. Ca n'enlève rien au mérites de Lucie Colliard qui a été une grande militante ouvrière.

[Cyrano]

Les éditions Libertalia ont publié, en 2023 un petit livre sur cette grève. Il est signé par Anne Crignon, journaliste.
"Une belle grève de femmes"
Les Penn Sardin, Douarnenez, 1924
Editions Libertalia, 2023. 163 pages. et prix raisonnable ... 10 €
Le livre est agrémenté de 16 planches hors-texte avec illustrations en noir et un index de trois pages pour les personnes citées.

J'ai commencé la lecture. Les conditions de travail n'étaient pas aussi horrible qu'on pourrait croire : pas plus de... 72 heures (soixante-douze !!) de boulot dégueulasse par semaine pour un salaire en dessous de tout, payé au quart d'heure avec une distribution de jetons par la contremaître.