Les enfants du 209, rue St-Maur (Paris 10)

[artza]

Un immeuble parisien classique d'un quartier de Paris qui fut ouvrier entre gare de l'Est et République. Haute façade blanche et plate sur rue, criblée de fenêtres, porte cochère, une grande cour pavée rectangulaire arborée et fleurie , un escalier étroit de marches de bois ciré de chaque côté et toujours ces rangées superposées de fenêtres aveugles. Un silence paisible, une atmosphère tranquille.
ça c'est aujourd'hui.

Ce qui a intéressé Ruth Zylberman c'est les habitants de cet immeuble entre 1939-45. Une centaine de familles étaient juives, il y en avait beaucoup à l'époque ouvriers, artisans dans les quartiers populaires du Nord-Est parisien.
Elle en fit d'abord un bouquin que je n'ai pas lu, puis ce docu.

Quel bel et bon boulot, l'histoire d'une petite part des petites gens de Paris dans une époque pas rose, racontée par des survivants, des rescapés des rafles antisémites et de ceux qui les avertirent, les aidèrent ponctuellement, et pour une famille en cacha une autre pendant des mois. Beaucoup simplement se turent, ce qui après tout n'est pas si mal.
Une délatrice qui désignait des portes aux flics parisiens qui était muette!

C'est à voir.
Ce fut diffusé à la suite de Cours sans te retourner présenté plus haut par Com_71.



C'est plein d'empathie, souvent émouvant et témoigne du courage digne et obscur des humbles.

[com_71]

C'est à voir...
C'est plein d'empathie, souvent émouvant et témoigne du courage digne et obscur des humbles.

Dispo jusqu'au 15.01.2022.

Et ce qui vous saute aux tripes, comme souvent à ce sujet, c'est l'impréparation morale dramatique des masses, non seulement à des tâches révolutionnaires qui n'étaient pas d'une actualité immédiate, mais aussi à celles plus élémentaires concernant leur propre défense, voire survie !

L'existence d'un parti révolutionnaire aurait pu changer beaucoup de choses de ce point de vue.

On peut rappeler ce que Trotsky écrivait, déjà en décembre 1938 :

...C'est maintenant le tour de la France. La victoire du fascisme dans ce pays signifierait un grand renforcement de la réaction et une monstrueuse croissance d'un violent anti‑sémitisme dans le monde entier, surtout aux États‑Unis. Le nombre de pays qui expulsent les Juifs ne cesse de croître. Le nombre de pays capables de les accueillir diminue. En même temps la lutte ne fait que s'exacerber. Il est possible d'imaginer sans difficulté ce qui attend les Juifs dès le début de la future guerre mondiale. Mais, même sans guerre, le prochain développement de la réaction mondiale signifie presque avec certitude l'extermination physique des Juifs.

https://www.marxists.org/francais/trots ... 81222a.htm

[Byrrh]

Il y a eu aussi un livre, que j'ai bien envie de me procurer : https://www.convergencesrevolutionnaire ... ?navthem=1

[artza]

Il y a de grandes chances que le bouquin soit passionnant.

Qu'il soit aussi différent du docu pour les périodes les plus éloignées.

Interviewer des témoins ou des acteurs de la Commune est quand même difficile

De toutes façons un gros boulot et peut-être un don d'imagination.

[artza]

...l'impréparation morale dramatique des masses...concernant leur propre défense, voire survie!

Quelle actualité

N'est-ce pas une loi de l'histoire?

On a commémoré récemment le 18 juin.
Pas Watterloo mais l'appel passé inaperçu d'un général temporaire, s/secret. d'état d'une semaine.

En quoi les masses étaient préparées à quoi que ce soit à l'époque?
Et ceux qui s'en prétendaient les dirigeants, les guides, l'avant-garde, les élites...?

A ce propos ça me fait penser à trois bouquins de Rajsfus, j'en parlerais dans le fil qui lui est dédié.

[Byrrh]

Je viens de lire le livre de Ruth Zylbermann. En fait, il fait suite à la diffusion du documentaire sur Arte, puisque s'y trouve corrigée une hypothèse que la cinéaste avait exprimée dans le film (que je n'ai pas encore vu) ; s'y trouve aussi le récit de ce que la diffusion du film a rendu possible en termes de collecte d'informations complémentaires.

Ce livre est remarquable et émouvant, sensible et subtil, la méthode de l'enquête est précise et pleine d'humilité. L'auteure a voulu remonter le temps le plus loin possible, à l'époque des jardins du vieil hôpital Saint-Louis. Il est ensuite question du premier immeuble de rapport construit au milieu du XIXe siècle, de la Commune de 1871 et de sa répression, de la construction d'un nouvel immeuble - plus haut - en 1889, et de toutes les vagues de prolétaires et de petits artisans qui ont vécu dans cette construction à la façade élégante mais aux appartements minuscules et sans confort.

Parmi les habitants de l'immeuble du 209 rue Saint-Maur, il y eut bien des immigrés, notamment des familles juives, surtout originaires de Pologne. Parmi celles-ci, il y eut une cinquantaine de femmes, d'hommes et d'enfants qui périrent dans les camps d'extermination. L'essentiel de l'ouvrage concerne d'ailleurs la quête d'éléments biographiques sur 9 enfants et adolescents juifs assassinés, et sur leurs familles.

L'enjeu est de collecter, avant qu'elles ne disparaissent tout à fait, les quelques "particules" qui subsistent de ces vies : pas par un "devoir de mémoire" de bon ton, mais pour que ces noms cessent d'être désincarnés, pour montrer que ces gens ont vécu, aimé, espéré, éprouvé des joies et des peines. Qu'ils sont encore reliés à nous vivants. D'un certain point de vue, cette vision des choses m'a toujours semblé faire partie de notre engagement communiste : à nos côtés, il y a les ombres de millions de martyrs juifs, prolétaires pour la plupart.

Ce livre est émouvant aussi par ce qu'il révèle de la discrète solidarité qui peut exister dans un immeuble populaire, dans un contexte de terreur et de mort. De nombreuses personnes ont eu la vie sauve, dans cet immeuble, grâce à des héros et héroïnes anonymes, grâce au dévouement de quelques humbles pour d'autres humbles.

Le livre, ce n'est pas surprenant, est placé sous les auspices de Georges Perec, dont je ne saurais trop conseiller ces lectures concomitantes : W ou le souvenir d'enfance, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, ou encore La vie mode d'emploi. Il y a aussi du Modiano dans ce livre (Dora Bruder).