Gé-dé-Em trouvait les extraits que j'avais mis ici «palpitant». Dans un bouquin, ce récit est qualifié de «haletant». C'est dans un livre : "Les épidémies dans l'histoire de l'homme". Il y a un hommage appuyé au bouquin de l'auteur de Robinson Crusoé. Bon, allez, message privé pour yannalan : ABBYY FineReader, go! et voici le résultat :
"Les épidémies dans l'histoire de l'homme". J. Ruffié, J.-C. Sournia. Flamamrion collection Champs, 1995. 302 pages.
« Une histoire plus brève mérité d’être rappelée,-celle de la grande peste de Londres de 1665-1666. La maladie n’y était pas une inconnue puisque les décès par peste devaient faire l’objet de relevés hebdomadaires obligatoires. Aussi, nous savons que de 1601 à 1680 la peste y a sévi pendant soixante-quinze ans, avec des mortalités très diverses. Mais alors qu’on note neuf morts par peste dans tout Londres en 1663 (sur quinze mille trois cents décès), six en 1664, les relevés dénombrent soixante-huit mille morts en 1665 répartis sur quelques mois, mille en 1666, trente-cinq en 1671, zéro en 1670.
« Londres avait présenté une forme d'épidémie meurtrière ; aussi, en quelques semaines, ce fut l'épouvante. Le jeune Daniel Defoe n’avait que cinq ans en 1665 ; mais il publia, en 1722, son Journal de l’année de la peste qui connut un succès considérable. Defoe avait plus de talent littéraire que Samuel Pepys [un chroniqueur ayant vécu la peste de 1665] décrivant dans son Journal les événements qui se déroulaient sous ses yeux ; surtout, en journaliste consciencieux, Defoe compulsa tous les relevés paroissiaux et tous les récits publiés après la peste, si bien que son livre utilise des documents que Samuel Pepys ne pouvait pas connaître.
« Les deux ouvrages ne sont pas comparables, et Defoe a laissé un livre haletant, parfois un peu prolixe et répétitif, qui montre bien ce qu’était l’épidémie dans les grandes villes : des récits semblables auraient pu être écrits sur les épidémies du même siècle à Venise, à Naples ou ailleurs.
« Plus intéressantes sont les réflexions auxquelles se livre Defoe sur les évolutions de la peste. Pourquoi a-t-elle pris brutalement cette extension ? Pourquoi connut-elle ces flux et ces reflux ? Autant de questions que nous avons déjà posées et auxquelles nous n’avons pas plus de réponses que lui. Il soulève aussi le problème de "1’incubation" sans en prononcer le mot : car ces gens qui avaient fui la capitale avec leurs domestiques et leurs bagages avant d’être malades, et qui se sont brutalement effondrés dans leur nouvelle résidence pourtant non contaminée, ces passants joviaux avec qui l’on bavardait hier et dont on apprend le décès le lendemain, ces sujets-là devaient bien porter la maladie en eux, même s’ils n’en avaient aucun symptôme. Mais combien de temps durait cette phase occulte ? Encore un mystère pour Defoe.
« Sont plus proches de nous les longues considérations auxquelles il se livre sur le rôle des pouvoirs publics, et les décisions qu’ils ont prises ou auraient dû prendre. A plusieurs reprises, peut-être par flagornerie, il rend hommage aux autorités de la ville qui ont constamment maintenu l’ordre et assuré le ravitaillement de la population en évitant l’augmentation des tarifs ; et, très discrètement, il oppose les échevins, qui sont restés à leur poste, à la-Cour qui est partie en province dès la première alerte. Il approuve aussi l’isolement précoce des malades dans les hôpitaux ; mais ceux-ci se trouvant encombrés, il ne fait pas grief à la municipalité de leur exiguïté, car personne n'aurait pu prévoir l'ampleur de la catastrophe. »