Les forçats de la route. (Tour de France tour de souffrance)

[artza]

Une série d'articles d'Albert Londres sur le tour de France 1924 pour le quotidien "Le Petit Parisien" proposés par la Petite biblio Payot classiques (6 euros).

L'engouement populaire pour le tour n'est plus se qu'il était encore dans les années 50.
L'essentiel demeure une grande pompe à fric et la souffrance des hommes, exploités, dopés et méprisés. Malheur aux perdants!

Un brin désuet dans le style et les anecdotes mais toujours bien actuel.
On garde un goût de cendre dans la bouche et du dégoût pour ce monde où il y a peu de pain pour le plus grand nombre et des jeux frelatés.

[pouchtaxi]

Plus distrayant mais bien ficelé :

Mort contre la montre de Jorge Zepeda Patterson, journaliste mexicain.

Un polar dans le milieu du tour de France du point de vue d'un soutier , coéquipier dont la fonction est d'épauler le leader d'équipe quitte à sacrifier ses propres possibilités de victoire.

Le roman en profite pour décrire les différents enjeux du cyclisme professionnel, tant en ce qui concerne les vanités individuelles que ceux d'une industrie parfaitement soucieuse de sa priorité : maximiser le profit .

Très loin de l'amicale émulation entre gens de bonne compagnie !

[Zorglub]

Aux antipodes, en Allemagne, en 1893, les social-démocrates fondèrent l'Union gymnique des ouvriers :

Les « cyclistes ouvriers solidarité » avaient pour slogan « être disponible et se soutenir mutuellement ». Ils rechignaient aux courses et les seules compétitions étaient des concours de lenteur, où était gagnant celui qui mettait le plus de temps à franchir 100 m à vélo, montrant d'abord ainsi sa maîtrise de l'engin ! Ils organisaient des excursions et des défilés cyclistes où ils jetaient des tracts aux spectateurs, à une époque où les organisations ouvrières n'avaient pas encore conquis tous les droits d'expression. Leur coopérative possédait une chaîne de boutiques, une usine de vélos, et un journal bi-hebdomadaire.

in CLT n°120, Sport, capitalisme et nationalismes

[Jacquemart]

Je ne sais pas si le Tour de France suscite moins d'engouement populaire qu'avant ; dans les milieux ouvriers de France, qui ont bien changé depuis 70 ans, c'est sans doute vrai. Mais à l'échelle du monde, il a gagné un impact qu'il n'avait absolument pas à l'époque. C'est le troisième événement sportif le plus regardé au monde, et c'est aussi pour cela que les villes ont prêtes à débourser des sommes très importantes pour servir d'arrivée d'étape.

[Sinoue]

Toujours est-il que la victoire spectaculaire de Vingegaard lors du Tour 2023 suscite beaucoup d'interrogations ^^

[Gayraud de Mazars]

Salut camarades,

Toujours est-il que depuis l'après-guerre, pour quelles raisons, je n'en sais rien, la CGT est invitée sur le Tour de France, à la (grande) surprise (parfois) des spectateurs en bord de route. L’occasion pour la CGT d’assurer sa visibilité de façon festive, de prendre le pouls social du pays.

Cela renforce sans doute le caractère populaire du Tour de France !

Fraternellement,
GdM

[Cyrano]

Sur quoi se fonder pour dire que le Tour est moins populaire que dans les années 50 ?

En tout cas, pas sur le dernier Tour ? Qui a vu les images étonnantes de la célébration de Benoit Cosnefroy et Aurélien Paret-Peintre, deux coureurs du Tour de passage chez eux durant la 14e étape ? Qui a vu l'enthousiasme surréaliste pour Thibaut Pinot avec les supporters regroupés dans ce qui est référencé maintenant dans google-maps comme le "Virage Pinot" ?

Si je feuillette mes anciennes revues – oui, anciennes, on ne pouffe pas! – je ne vois pas les regroupements tel qu'aujourd'hui dans le haut des cols. Il y même plus de monde que dans les années 50, les années Louison Bobet (vainqueur en 1953, 1954, 1955). Je ne crois pas que l'engouement populaire ait diminué, certes non, et d'autres couches sociales n'ont pas dédaigné se passionner à leur tour pour le Tour.

Et évidemment, ça serait même encore plus fort si y'avait un coureur français pouvant prétendre au maillot jaune à l'arrivée. Pour célébrer la deuxième victoire de Jonas Vingegaard au Danemark, il y avait 20.000 personnes présentes dans son patelin de 1.400 habitants.
Jacquemart souligne justement l'internationalisation du prestige du Tour de France possible avec la télévision. Cette télé qui fait que les paysans aiment à arranger les bottes de pailles pour valoriser leurs productions.

Et je regarde le Tour, ou la Flèche Wallonne, etc. sans avoir un sale goût dans la bouche : car alors, il me faudrait avoir envie de movir en tapant sur le clavier de mon bel ordi, en envoyant des photos via SMS à mon petit-fils, bref, si je pensais à l'exploitation forcenée que tout ça a permis, à tous ces rapaces qui ont cherché à maximiser leurs profits avec les produits que j'achète.

PS, obligé, le PS: croire que la présence de la CGT sur le Tour renforce le caractère populaire de l'épreuve, c'est y aller un peu fort.

[yannalan]

Bonjour Cyrano

je pense qu'il est plus facile aujourd'hui que dans les années 50 d'aller sur place suivre le Tour. Il y a beaucoup plus de gens motorisés que dans ces années-là, les vacances sont plus longues...

[artza]

Que le Tour et le cyclisme, on disait le vélo aient beaucoup reculé comme spectacle et comme sport de compétition au cours du dernier demi-siècle me semble l'évidence.

Le foot a tout bouffé et de très loin. C'est vrai aussi pour quelques pays voisins, Italie, Espagne, Belgique, Suisse...
Ce qu'il en est en Chine en Inde ou au Nigeria je n'en sais rien.

Que la CGT suive le Tour je ne lui reprocherai pas.
Au fait qu'est-ce qu'elle y raconte ?

Pour mémoire la première caravane de LO n'a-t-elle pas suivi le Tour.

[Cyrano]

C'est vrai qu'il s'est rajouté d'autres spectacles sportifs. Si le vélo a reculé comme spectacle, c'est surtout avec la fin du vélo sur piste ou on pouvait voir de grands champions – les célèbres Six-Jours faisaient les grands titres des journaux. Et on n'a plus vraiment les fameux critériums d'après-Tour, en août: les cyclistes n'ont plus besoin de courir le cacheton comme dans les années 60 ou 70.
Le vélo reste un spectacle très fréquenté avec les courses en ligne, un peu partout. Il n'y en a peut-être plus qu'avant d'ailleurs. En France, en 2023, il y a plus de 300 grandes épreuves organisées (dont 40 courses professionnelles et 160 courses Elite du monde amateur). Il faut aussi ajouter maintenant les filles avec de plus en plus d'épreuves. Et bien sûr, l'arrivée de nouvelles utilisations du vélo: les cyclosportives, les épreuves VTT, le Freestyle, etc.

Le foot n'a pas tout bouffé: la fréquentation des stades de foot n'a pas vidé la fréquentation des autres sports. Gayraud dirait que le rugby se porte très, très bien (et je suppose qu'il attend avec impatience le 8 septembre avec un match très particulier). La télévision avec la multiplication des chaînes nous permet même de voir le bucheronnage sportif – certains feront la fine bouche puisque c'est organisé et sponsorisé par une grande marque de matériel de bucheronnage.
Tu écris que le foot a tout bouffé en citant la Belgique: il y a toujours en Belgique une très grande fréquentation des épreuves cyclistes. Le départ d'une étape du Tour de la ville d'Ypres, voici quelques années, était surréaliste. Toute course passant par le mont Kemmel ou autre draine les foules. Les Diables Rouges (l'équipe nationale de Belgique) n'ont pas tout bouffé (et leur défaite devant la France par 1-0 en juillet 2018 a mis du temps à être digérée).

Si je repense à la fin des années 60, les disciplines sportives n'étaient pas si nombreuses à la télé: l'athlétisme était très diffusé – tout le monde connaissait Michel Jazy. Et encore avant - après la libération et avant guerre - la boxe avait une couverture médiatique importante dans la presse papier: même aujourd'hui, les p'tits vieux et p'tites vieilles du forum connaissent le nom de Marcel Cerdan. Les exploits du merveilleux boxeur Sugar Ray Robinson étaient rapportés en gros titres. Dans les actus du cinéma, on pouvait voir l'élégance de la foulée de Ladoumègue (avant la télé, c'était le seul endroit où on pouvait admirer les athlètes). Dans la presse papier, l'Humanité donnait une grande importance à ces évènements très populaires.

Et le fric, le profit? Oui, c'est un sujet, oui… Mais dans ce minable monde capitaliste, c'est un sujet permanent qui se niche partout – c'est fini le sport amateur (qui ne l'était pas vraiment). C'est l'été, au diable Soukhanov, et le paléolithique supérieur, et la Revolution permanente, et les interrayons. On peut alors parler des vrais sujets…