l'Amérique bâillonnée

[Valiere]

« L’Amérique bâillonnée »
de Lewis Lapham
éditions (Saint)-Simon
mai 2004
prix : 15 €
175 pages

DE L’UNITE NATIONALE POUR SERVIR « L’OLIGARCHIE »
AU SILENCE CONTROLE


Après avoir lu les différents ouvrages de Michael Moore que j’ai d’ailleurs appréciés, je voulais changer d’auteur et essayer de comprendre comment un peuple avait pu se faire berner de la sorte….
Mais quel livre acheter ? De quel auteur…Le choix est difficile d’autant plus que les livres qui traitent de la politique de Bush avant et après le 11 septembre commencent à faire légion… ou presque….
J’ai donc choisi ce livre qui est annoncé comme étant d’une remarquable lucidité et d’un humour décapant…
La lucidité est réelle et frappante.
L’auteur journaliste américain, directeur de publication depuis 1971, connaît bien le milieu journalistique et les différents rouages d’un système qui s’est plus que détérioré depuis ces dernières décennies.
Le bâillon n’a pas été inventé par Bush et son administration, il a été plusieurs fois utilisé contre les journalistes et le peuple américain tout le long du vingtième siècle…On connaît bien la chasse aux sorcières durant la période du maccarthysme… Ce n’était pas une première : Le président Wilson a muselé la presse, menti sciemment lors du conflit hispano américain et pour que son pays entre en guerre en 1917 contre l’Allemagne….
Le candidat du parti socialiste américain Eugène Debs qui a obtenu un million de suffrages au cours de l’élection présidentielle de 1912 fut condamné en 1917 à 10 ans de prison pour avoir traité « l’espionage act » de loi anti constitutionnelle….
Le « Patriot Act » n’est qu’une copie actualisée de cette loi de circonstance concoctée par Wilson…
Lewis Lapham explique comment les grands groupes de presse se sont laissés muselés… D’ailleurs, auraient-ils pu faire autrement dans leur situation de dépendance par rapport aux grandes puissances financières ?!
Une administration qui ment délibérément pour entraîner le pays dans la guerre, une presse aux ordres, une législation anti démocratique, une opinion publique conditionnée, une opposition officielle inexistante…Voici la situation décrite par l’auteur qui n’hésite pas à témoigner, décortiquer.
C’est un réquisitoire implacable que nous livre ce journaliste…Il nous présente aussi les mesures d’accompagnement de cette politique bushiste, notamment l’a-culturation de masse….
Faut-il que les américains votent « démocrates » en novembre prochain ?
L’auteur n’apporte pas explicitement de réponse, il rappelle d’ailleurs que « depuis vingt ans, les mots « libéraux » et « conservateurs » sont employés à tort et à travers et ils nous en apprennent pas plus sur l’individu qui s’en sert comme insultes que sur celui qui les reçoit sur la tête comme des pierres »…

La politique du gouvernement des Etats Unis vise à enrichir encore plus quelques-uns, alors que des millions d’américains vivent dans la précarité, voire la misère…Les Etats Unis « gendarmes du monde » soutiennent systématiquement les dictatures les plus sanglantes qui sont abandonnées quand elles ne servent plus …
C’est un diagnostic sévère que nous établit l’auteur de ce livre, mais l’histoire n’a pas de fin inscrite dans le marbre de la maison blanche :

« Jefferson pensait que l’arbre de la liberté doit être régulièrement arrosé du sang de la révolution. J’ignore si l’heure est à nouveau venue d’envahir le palais et de conquérir la station de radio, mais le gouvernement actuellement en place à Washington ne correspond nullement à ce que prévoyait la Déclaration d’indépendance. Ses signataires affirmèrent, sur leur vie, leur fortune et leur honneur sacré, que si la corruption du gouvernement devient oppressante le peuple a non seulement le droit mais aussi le devoir de se révolter. C’est ce que l’on disait et croyait à Philadelphie en 1776 ; c’est ce que l’on peut dire et croire presque partout aux Etats Unis en 2003 »… et en 2004.