Le congrès du SNES vu par Emancipation

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Valiere » 14 Avr 2005, 23:19

Au Snes, on ne change pas une stratégie qui perd !

Le congrès national du SNES s’est déroulé du 4 au 8 avril au Mans en pleine période de lutte. L’offensive libérale se poursuit avec une force accrue. Après les retraites, la décentralisation, la protection sociale, les 35 heures, les licenciements massifs de précaires, c’est l’Ecole qui est attaquée de façon frontale avec la « réforme » Fillon.

Un premier vote très indicatif
Depuis le début des luttes de cette année scolaire, la « réaction » du SNES est à la hauteur de ce que ce syndicat a déjà fait au printemps 2003. D’abord, on chauffe les « masses » avec diverses grèves de 24 h. Et puis, quand la mayonnaise a pris, quand le moment est venu d’entamer l’épreuve de force avec le pouvoir, pfuit …, on organise la débâcle. Pas de grève au moment du vote de la loi mais une manifestation « décentralisée » un samedi après-midi (2 avril) après le vote de celle-ci. Et puis, grain de sable, les lycéens ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, cette « réforme » avec son pseudo « socle commun » et son école à deux vitesses n’est pas négociable. Ils le font savoir en multipliant, grèves, manifestations et occupations d’établissements ou de rectorats. La question était donc posée au SNES de se joindre à la journée lycéenne du 7 avril. La réponse a été à la hauteur du grand écart permanent entre une masse de collègues que l’on conforte dans son inaction et la fraction « radicale » du milieu. La motion votée brille par son « jésuitisme » : « le SNES appelle tous les personnels à rejoindre les lycéens dans l’action le 7 avril, partout où les conditions le permettent. » Traduction simultanée : « vous voulez bouger, on vous couvre, mais si vous ne faites rien, on vous couvre aussi. »
C’est déjà avec ce genre de stratégie que le SNES avait « oublié » de généraliser la grève reconductible en 2003 ou qu’il avait appelé à la grève des surveillances du baccalauréat tout en assurant que celui-ci se déroulerait normalement.

Un collège sans « sauvageons ».
Le rapport Thélot et la réforme Fillon enterrent définitivement l’idée d’un collège pour tous. Dans la période récente, le SNES s’est signalé en cautionnant la création de la « découverte professionnelle » en classe de troisième. Par ce procédé, on sélectionne précocement les jeunes des classes populaires en les envoyant auprès d’un patron dans des activités sans aucune valeur pédagogique. Isolée et interpellée sur son soutien de fait à la filiarisation voulue par Fillon, la direction du SNES persiste et signe. Pourtant, avec d’autres congressistes (et notamment le S3 de Créteil), nous avons mené la bataille contre la diversification des parcours en collège ou en lycée dont la principale finalité est de se débarrasser de jeunes dont on ne veut plus. Le SNES surfe ainsi sur le renoncement de certains enseignants qui, face aux difficultés, ne veulent plus d’une école pour tous et succombent aux sirènes du tri social et de la sélection. Au lycée, il propose d’en finir avec la seconde indifférenciée et de casser le bac S en plusieurs sections distinctes. Toute ressemblance avec l’école mythifiée d’autrefois où l’on pouvait enseigner « les humanités » à des élèves triés sur le volet ne peut être que fortuite. Émancipation a défendu une seule école laïque, polyvalente et polytechnique pour tous jusqu’à 18 ans.

Constitution européenne : l’arnaque.
Depuis le début du congrès, la direction du SNES était obsédée par la question du référendum. Comment faire pour ne pas appeler au vote alors que plusieurs académies (Lille, Créteil, la Corse, la Guadeloupe …) s’étaient prononcées pour l’appel à voter non ? On sait qu’Unité et Action n’a accepté l’idée du droit de tendance que du bout des lèvres et qu’il sert à la direction essentiellement pour resserrer les boulons en cas de désaccord. La réunion de tendance UA a servi à pondre un texte qui est le summum du jésuitisme. On y explique toutes les nocivités du projet de constitution. On termine par « le SNES condamne et rejette le projet de traité constitutionnel car il va à l’encontre de l’Europe que nous voulons construire ». Pas question d’aller plus loin, ça « choquerait » les syndiqués qui vont voter oui ou qui pensent qu’un syndicat n’a pas de consigne à donner (toujours le grand écart). Environ 40% des congressistes se sont prononcé pour l’appel à voter non et nous avons été quasiment seuls à refuser le texte jésuitique de compromis. Certains se sont mordus les doigts de l’avoir voté. L’agence spécialisée sur les questions d’éducation (l’AEF), après avoir interrogé Boisseau et Aschiéri en concluait … qu’aucun syndiqué ne pouvait se prévaloir de son appartenance au SNES s’il appelait à voter Non. Cela a mis en colère quelques secrétaires de S3 qui se sont aperçus un peu tard qu’ils s’étaient fait avoir et qu’ils avaient voté contre leurs propres mandats. Ils ont annoncé publiquement qu’ils passeraient outre à l’obligation de « retenue ». On se croirait au PS !

Précaires ou hors-classe ? Il faut choisir
Les défaites dans le domaine « corporatif » sont multiples ces dernières années : disparition en cours des MI/SE partiellement remplacés par des personnels au statut beaucoup plus fragile (les assistants d’éducation), licenciements par milliers des emplois jeunes, des contractuels et des vacataires, passage des TOS dans la fonction publique territoriale. Face à cela, la préoccupation du SNES reste hyper élitiste et inchangée : « élever le niveau de recrutement des enseignants » (à bac+6 pour certains), demander l’application de la loi Sapin (alors que le SNES reconnaît qu’elle a conduit à un chômage massif), maintenir la hiérarchie des salaires et des statuts et surtout « améliorer les fins de carrière » (la hors-classe). À la différence d’autres congrès, aucune académie ne s’est battue pour « atténuer » la situation tragique des précaires ne serait-ce que par une intégration en deuxième année d’IUFM après quelques années d’ancienneté. On a au contraire assisté à des empoignades sur « les listes complémentaires » au concours dont la première conséquence serait la régionalisation des concours et l’institutionnalisation de nouveaux précaires envoyés dans les classes sans aucune formation. Émancipation a été bien seule à défendre ce qui devrait être à la base de tout syndicalisme : la titularisation immédiate de tous les précaires, le corps unique, les augmentations uniformes.

S’adapter aux réformes libérales ou les combattre ?
La direction du SNES a l’art de la litote. Elle qualifie de « nouveau pilotage du système éducatif » ce qui ressemble de plus en plus à une démolition en règle du service public d’éducation. Les lois de décentralisation, la LOLF, modifient le cadre institutionnel, mais le SNES ne pratique jamais la chaise vide et il se prépare déjà à accepter la mise en place des « conseils pédagogiques ». Le congrès a rejeté des amendements liant la LOLF à des décisions libérales européennes prises à Lisbonne. Il a par contre décidé de ne pas s’opposer à la création de nouvelles classes d’apprentissage.
Sur la laïcité, le SNES n’a rien de nouveau à dire. Il a fait le minimum en protestant très sobrement contre les drapeaux en berne à l’occasion de la mort de Jean-Paul II. Mais la motion d’Émancipation rappelant la cohérence contre-révolutionnaire et antiféministe de Jean-Paul II a été jugée « outrancière » et rejetée. Et l’on notera avec tristesse qu’une bonne partie de ceux qui furent nos camarades dans une tendance historiquement laïque (l’Ecole Emancipée), n’a pas voté la motion qui prônait la nationalisation laïque de l’Ecole Privée et le refus de faire entrer les syndicats du Privé dans la FSU.

Syndicalisme de service ou syndicalisme de lutte ?
La direction du SNES a manifesté une grande inquiétude après le mouvement social du printemps 2003 face à la désyndicalisation. Ce phénomène s’étant ralenti, elle se rassure. Pas la moindre autocritique n’a été faite sur les raisons de la défaite de 2003. C’est en terme de marketing syndical que le congrès a cherché des recettes pour attirer les jeunes au syndicat sans faire fuir les retraités. En même temps, le SNES continue de théoriser sur la non-représentativité des AG ou des coordinations (sauf si le SNES les contrôle) et sur l’inutilité des grèves reconductibles ou interprofessionnelles.
À un échelon supérieur, la direction du SNES se prononce pour des structures régionales à la FSU où des militants déchargés pourront discuter entre eux sans contrôle. Et bien sûr, elle est favorable à l’entrée de la FSU à la Confédération Européenne des Syndicats en affirmant sans rire que cette institution est « transformable de l’intérieur ».
Nous avons défendu, souvent très seuls la complémentarité du syndicalisme et de l’auto organisation et nos conceptions de l’unification syndicale et du droit de tendance.
Sur la CES, un résultat bien inquiétant : moins de 20% des congressistes contre l’adhésion de la FSU à cette officine libérale, le S3 de Lille étant le seul avec Émancipation à mener la bataille et une partie de « l’EE » acceptant cette adhésion.

Des statuts ringards inchangés.
Pour une fois, la direction du SNES proposait des modifications de statuts de bon sens : la suppression du vote par catégorie, l’impossibilité de cumuler les fonctions d’élu politique et les responsabilités syndicales et le regroupement des votes (sur les rapports d’activité et pour l’orientation) en une seule fois, avant le congrès national. Aucune de ces modifications n’a obtenu 2/3 des mandats et n’a donc été votée.

Droits et libertés, des progrès !
C’est le seul domaine où nous avons pu faire intégrer nos propositions et voter la motion finale. Il y a eu ainsi une motion pour Roland Veuillet, exigeant que soit appliquée la décision du conseil supérieur de la fonction publique et qu’il y ait une enquête administrative, une motion pour des jeunes du Mans condamnés à la prison ferme après une manif contre Raffarin et une pour la libération de Kamel Belkadi accusé d’avoir incendié l’usine Daewoo de Longwy (on attend le verdict). La direction du SNES reconnaît le travail du Réseau « Education sans frontière » et accepte de demander la régularisation de tous les Sans Papiers. Sur la Palestine, on peut mesurer le chemin parcouru par rapport aux années précédentes quand le SNES mettait sur le même plan l’occupation et la sécurité de l’occupant. Cette fois, le SNES parle (enfin) de « mur de l’Apartheid ». La motion femmes a également été votée unanimement.

Un congrès très droitier
Qu’on soit ou non au SNES, on ne peut pas être indifférent au chemin que prend le syndicat majoritaire dans le secondaire. Tout simplement parce qu’il est très difficile de lutter sans lui ou contre lui.
Il faut CHANGER l’orientation de ce syndicat. Le Mans aura été le congrès de l’autosatisfaction et de l’immobilisme. Et cela nous prépare à de nouveaux reculs et de nouvelles défaites. Sauf si nous prenons notre sort en main.

Pierre Stambul
Valiere
 
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