Nazim Hikmet

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Proculte » 03 Juin 2008, 21:51

SUR LA VIE

La vie n'est pas une plaisanterie
Tu la prendras au sérieux,
Comme le fait un écureuil, par exemple,
Sans rien attendre du dehors et d'au-delà
Tu n'auras rien d'autre à faire que de vivre.

La vie n'est pas une plaisanterie,
Tu la prendras au sérieux,
Mais au sérieux à tel point,
Qu'adossé au mur, par exemple, les mains liées
Ou dans un laboratoire
En chemise blanche avec de grandes lunettes,
Tu mourras pour que vivent les hommes,
Les hommes dont tu n'auras même pas vu le visage,
Et tu mourras tout en sachant
Que rien n'est plus beau, que rien n'est plus vrai que la vie.
Tu la prendras au sérieux
Mais au sérieux à tel point
Qu'à soixante-dix ans, par exemple, tu planteras des oliviers
Non pas pour qu'ils restent à tes enfants
Mais parce que tu ne croiras pas à la mort
Tout en la redoutant
mais parce que la vie pèsera plus lourd dans la balance
Proculte
 
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Message par charpital » 03 Juin 2008, 22:20

V I V R E !

Pense Taranta-Babu :
Le coeur
La tête
et le bras de l'homme
fouillant les entrailles de la terre
ont créé de tels dieux d'acier aux yeux de feu
qu'ils peuvent écraser la terre
d'un coup de poing.
L'arbre qui donne des grenades une fois par an
peut en donner mille fois plus.
Si grand, si beau est notre monde
et si vaste, si vaste, le bord des mers
que nous pouvons tous chaque nuit
nous allongeant côte à côte
sur les sables d'or chanter les eaux étoilées.
Que c'est beau de vivre, Taranta-Babu
Que c'est beau de vivre
comprenant le monde comme un livre
le sentant comme un chant d'amour
s'étonnant comme un enfant
VIVRE !
Vivre un à un
et tous ensemble
comme on tisse une étoffe de soie
Vivre comme on chante en choeur
un hymne à la joie

Vivre...
Et pourtant quelle drôle d'affaire Taranta-Babu
Quelle drôle d'histoire
Que cette chose incroyablement belle
que cette chose indiciblement joyeuse
soit tellement dure aujourd'hui
tellement étroite
tellement sanglante
tellement dégoûtante
charpital
 
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Message par com_71 » 03 Juin 2008, 22:50

Le "politique" mérite-t-il plus de considération qu'Aragon ?

hikmet.doc
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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Message par charpital » 03 Juin 2008, 23:22

Sans aucun doute ! En doutrais tu ? Qu'il ne soit pas sans tâche, et sans reproche, bien entendu... Mais qui l'est ? C'est un militant (bien plus que l'a été Aragon) il a payé de sa personne, subi des dizaines d'années de prison, et au final est été largement moins staliniste qu'Aragon... Evidement, il a été des années membre du parti communiste "officiel" de turquie, a visité aprés sa libération de prison tous les pays de l'est où il était reçu en héro, et commencé a critiqué "le maitre en status, en pierre et en carton maché" aprés sa mort. Alors ce n'est pas un héro mythique, mais ce n'est pas non plus une sinistre crapule.
charpital
 
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Message par satanas » 04 Juin 2008, 06:35

Si la moitié de mon cœur est ici, docteur,
L’autre moitié est en Chine,
Dans l’armée qui descend vers le Fleuve Jaune.
Et puis tous les matins, docteur,
Mon cœur est fusillé en Grèce.
Et puis, quand ici les prisonniers tombent dans le sommeil
quand le calme revient dans l’infirmerie,
Mon cœur s’en va, docteur, chaque nuit,
il s’en va dans une vieille maison en bois à Tchamlidja

Et puis voilà dix ans, docteur,
que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple,
rien qu’une pomme, une pomme rouge : mon cœur.
Voilà pourquoi, docteur,
et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison,
j’ai cette angine de poitrine.
Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.


Nazim Hikmet, poete turc


Je n'ai pas retrouvé l'intégralité de ce texte que Pierre Perret avait mis en musique dans les années 70 et qui faisait une très jolie chanson intitulée ,Angine de poitrine.
satanas
 
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Message par charpital » 04 Juin 2008, 07:07

a écrit :Je n'ai pas retrouvé l'intégralité de ce texte

J'ai ! Mais il faudra que tu attende ce soir, parce que là je part au boulot ! :emb:
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Message par charpital » 04 Juin 2008, 20:23

Bon, je suis encore désolé, mais j'ai un texte a taper La révolution n'attend pas ! Ton texte lui, devra attendre demain (ou ce soir si il me reste un peu d'énergie)
charpital
 
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Message par charpital » 05 Juin 2008, 10:57

Ce texte figure dans l'anthologie de Mazim Hikmet "il neige dans la nuit" (collection poésie gallimard 1999 420 P) et il a l'air d'être complet ! Pourquoi, tu aurais entendu d'autres couplets ?

Sinon, "la grande humanité", le poème sans doute le plus connu de NH

"La grande humanité voyage sur le pont des navires
Dans les trains en troisiéme classe
Sur les routes à pied
La grande humanité

La grande humanité va au travail a 8 ans
Elle se marie à 20,
Meurt a 40
La grande humanité

Le pain suffit à tous, sauf a la grande humanité
le sucre aussi
Le riz aussi
Le tissus aussi
Le livre aussi
Ca suffit a tous sauf a la grande humanité

Il n'y a pas d'ombres sur la terre de la grande humanité
Pas de lanternes dans ses rues
Pas de vitres à ses fenêtres
Mais elle a son espoir, la grande humanité
On ne peut vivre sans espoir."

Et pour conclure, deux poémes de Nazim Hikmet que j'aime particuliérement :

La plus étrange des créatures
Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau,
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermées et tranquille.
Tu es terrifiant, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau
Quand l’équarisseur lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus étrange des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.


Polémique
Tu ne vois que l'horizon qui s'éclaircit
moi aussi la nuit
Lui ne voit que la nuit
Moi l'horizon qui s'éclaircit aussi
charpital
 
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Message par Proculte » 05 Juin 2008, 19:03

Proculte
 
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