Anniversaire de l'explosion de l'usine AZF

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par faupatronim » 17 Sep 2003, 13:38

CITATION (La dépêche du midi @ 17 septembre 2003)
Victimes et sinistrés, ce qu'ils sont devenus



Cinq mille huit cents personnes ont finalement bénéficié de soins après l'explosion d'AZF. Pour tous une même douleur, et une façon différente d'en parler. Deux ans après la catastrophe, nous avons voulu donner la parole à ces gens, connus ou inconnus, anciens salariés du pôle chimique ou les riverains, tous également frappés par ce statut de victime qui a changé leur vie. Pour eux, l'heure n'est plus à la polémique mais à la cicatrisation des plaies... une cicatrisation souvent perturbée par un va-et-vient irrépressible entre la nécessité de regarder vers l'avenir et le souvenir d'un monde perdu. Difficile en effet pour Yvette d'oublier Alain, l'amour de toujours, décédé à 45 ans sur les lieux même de l'explosion. Aujourd'hui, c'est pour ses enfants qu'elle se bat, ou plutôt qu'elle survit. Un témoignage bouleversant. D'autres salariés du pôle chimique ont eu plus de chance que son mari. Certes, quinze attendent encore un reclassement à AZF et soixante à la SNPE. Et pour eux, l'angoisse du lendemain reste vive.

Mais la plupart ont malgré tout rebondi au sein même du groupe qui les employait ou en créant leur propre entreprise, comme Julio, le cuisinier au grand c. Rebondir, Yves aurait bien voulu, mais les troubles psychologiques qui le perturbent depuis deux ans l'ont au contraire poussé vers le chômage. Peut-être saura-t-il tirer parti de l'expérience de Laurent Loubersanes, ce cadre commercial qui a perdu un œil dans l'explosion. Lui a retrouvé un emploi, ailleurs, loin de ce bureau vitré qui lui a lacéré le visage. La chirurgie esthétique a fait le reste. « Reprendre le cours de la vie pour mieux se reconstruire », tel est aujourd'hui son leitmotiv. Rue Ricord, Antoinette et Pierre Valette ont appliqué ce principe à la lettre. Mais il est vrai que pour eux, ça n'a été possible que lorsque leur propre maison a été reconstruite.


Béatrice DILLIES




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Laurent : « Il a fallu se reconstruire »

-Il avait fait la Une, comme on dit dans le jargon journalistique: la première page du journal. C'était le dimanche 23 septembre 2001 ; le titre s'étalait sur toute la largeur : LE TRAUMATISME. Et Estelle, sa femme, veillait sur lui.

Aujourd'hui, Laurent Loubersanes, 32 ans, est toujours aussi lucide. Fataliste, même : « C'est la destinée, il a bien fallu reprendre le cours de la vie, se reconstruire ». Laurent a perdu un œil et essaye de préserver l'autre. Au maximum : « J'ai tellement eu peur de devenir aveugle ». Il ne lit plus de roman - « ça me fatigue vite ». Il a arrêté le football - « j'ai peur de prendre un coup de coude ». Il ne joue plus au tennis, non plus : « je manquais une balle sur deux ». Des tracas quotidiens qui, à la longue, pèsent. Forcément.

Laurent a repris le travail quatre mois après le drame, a changé de boîte dans la foulée, a emménagé l'été dernier : tout cela était programmé. Et l'a occupé.

Se changer les idées, le leitmotiv. « Chaque jour, il y a toujours un petit quelque chose qui vous renvoie la catastrophe en pleine figure. Ne serait-ce que devant la glace, tous les matins. Au début, quand je passais sur la rocade, je baissais la vitre de la voiture. Machinalement. ça aurait pu sauver des gens, il paraît. » Un réflexe, en quelque sorte : « C'est bête, répète-t-il à l'envi, mais c'est comme ça. » Il ajoute : « Cette tour doit vraiment disparaître. On pourrait construire un zone verte à la place. Pourquoi pas. En tout cas, il ne faut pas imiter les Américains. C'est ridicule, à mon sens. »

Les expertises médicales et les batailles d'avocats : Laurent, pourtant commercial, en est aussi usé. Quelque part. « Il faut se vendre, tout le temps... » Il a envie d'en finir avec tout ça. Réellement. Des fois, s'il pouvait quitter la région...

Laurent s'amuse avec son alliance. « Peut-être qu'Estelle souffre plus... J'ai vécu l'enfer, je ne pourrais jamais oublier ; mais à la base j'avais déjà un mental assez fort. Elle, a passé son temps à encaisser. C'est sûrement plus dur encore... »

» Dimanche ? Je serais sûrement avec les copains, Roland en tête, à se rassembler par-là. On y pensera, bien entendu. Mais je ne fais pas de fixation. »


Patrick DESPREZ.




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Julio : « Je suis un battant, j'ai voulu réagir »

-Hier, 14h30. Le grand parking s'est vidé devant le restaurant La mesa latina, à Escalquens. Julio Barazza peut casser une petite croûte avec sa sœur. Les chaises sont déjà rangées, les couverts dressés pour le lendemain. Décidément, Julio peut regarder avec satisfaction le chemin parcouru depuis deux ans.

« Bien sûr, j'ai des regrets par rapport à la vie que je menais à AZF, aux amis que j'ai laissés. C'était ma famille. C'est là, au self de l'usine, que j'ai commencé à faire la plonge lorsque je suis arrivé du Chili, en 1976, comme réfugié politique. Je venais de déserter de l'armée de Pinochet. Dans mon esprit, j'étais déjà un battant. Toujours aller de l'avant. C'est encore ce qui m'a poussé à réagir quand j'ai appris que l'usine fermait définitivement ses portes. »

ça n'a pas été facile pourtant pour Julio. Sa compagne et son fils ont vite senti la tension monter à la maison dans les mois qui ont suivi le 21 septembre 2001. Une cervicalgie tenace et des troubles de l'équilibre consécutifs à l'explosion n'arrangeait pas son moral... jusqu'à ce qu'il se décide enfin à ouvrir son propre resto.

« Là, je dois dire que j'ai été bien aidé par Jean-Luc Fauché, du cabinet de reclassement BPI. Un homme très compétent. Il est venu avec moi lorsqu'il a fallu négocier le prêt à la banque. Je lui suis très reconnaissant. » Il ne reste plus à Julio qu'à mettre une grande partie de sa prime de départ dans la balance, à se faire licencier en juillet 2003, et à se retrousser les manches.

Moins de deux mois plus tard, ses premiers clients découvrent une atmosphère chaleureuse sous les grandes poutres de la salle à manger, et surtout une cuisine chilienne dont Julio ne cesse de vanter les mérites. Et pour cause, c'est une cuisine très douce, épicée mais pas relevée, qu'il mitonne toujours avec des légumes de saison.

Bien sûr, il travaille maintenant sur des horaires à rallonge. Rien à voir avec ceux du self, à AZF. Mais il se fait plaisir. Et aujourd'hui, pour lui, c'est bien là l'essentiel.


La mesa latina, 52 avenue de la mairie à Escalquens : 05 61 81 79 88. Du lundi au samedi.


B. D.




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Antoinette : « Quand on est revenus, ce n'était plus chez nous »

-AZF n'est plus qu'un mauvais souvenir pour Antoinette et Pierre Valette. Ces retraités, installés dans la rue Antoine Ricord depuis une quarantaine d'années, ont vu leur maison dévastée le 21 septembre 2001. Leur quartier, la Faourette, situé à proximité d'AZF, juste de l'autre côté de la rocade, a subi de plein fouet l'explosion. « On avait plus rien du tout. Il ne restait plus que les murs. », explique Pierre Valette. « On a logé chez notre fille pendant un an, avant de pouvoir retrouver notre maison. » Dans le quartier rien n'est plus flagrant que l'aspect flambant neuf des habitations. La maison des Valette ne fait pas exception. « Les experts et les assurances ont été très bien. », raconte Pierre Valette. « Si certains se plaignent de leur indemnisation, pas nous. Tout est désormais remis à neuf. On en a même profité pour modifier un peu la maison. »

Outre les dégâts matériels, les séquelles physiques et psychologiques restent. Antoinette Valette affairée dans sa cuisine au moment de l'explosion a subi violemment le choc. « J'ai perdu 40 % d'audition pour mon oreille gauche. », explique-t-elle. « Certains bruits me font encore peur. »

La vie a tout de même repris son cours. Quelques regrets perdurent encore. Si son mari semble s'habituer au nouveau décor, Antoinette Valette regrette son ancien mobilier. « Quand on est revenu, ce n'était plus chez nous. » Elle jette un regard nostalgique sur son vaisselier. « Des verres qui ont plus de cent ans ; plus un seul service n'est complet », raconte-t-elle. « A notre âge se retrouver sans plus aucun souvenir. Je cherche encore des choses que je ne retrouverai sûrement jamais. »

Le quartier tout entier garde des traces de l'explosion. Certaines maisons ont été rasées, d'autres n'ont pas été encore réparées. « Les gens, en face sont rentrés il y a juste un mois. Leur maison n'est toujours pas terminée », ajoute Pierre Valette. Le drame a aussi permis de tisser des liens. « On s'arrangeait pour accueillir les ouvriers du mieux possible. On faisait du café pour tous ceux du quartier. Depuis à chaque fois qu'ils passent ils viennent dire bonjour », confie Antoinette Valette.


A. M.




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Yves : « Je n'ai touché que 535 euros »

-Il y a deux ans, Yves Rouxel habitait à Bellefontaine et travaillait à L'Union en tant qu'agent commercial dans une société d'amélioration de l'habitat. Aujourd'hui, il vit à Villeneuve-Tolosane et a perdu son boulot. « Les nerfs, explique Yves sobrement. Au début, j'ai fait comme si tout allait bien. Ma femme était enceinte. Il fallait tenir. »

Seulement voilà, il était dans l'appartement quand AZF a explosé. Résultat, une perte de l'acuité auditive et des crises d'angoisse qui succèdent vite à l'anxiété. « Je ne pouvais plus multiplier les arrêts maladie comme je le faisais, poursuit Yves. Alors, fin juillet 2003, j'ai démissionné. De toute façon, je ne touchais plus que la moitié de mon salaire et les allers-retours avec L'Union me coûtaient 800 F par mois. Je préfère essayer de retrouver quelque chose du côté de chez moi. »

En attendant, il s'angoisse pour l'avenir de sa petite Marie, touchée par des problèmes respiratoires depuis sa naissance. Et il y a sa femme qui ne sait pas de quoi l'avenir sera fait à Kodak, l'entreprise où elle travaille. Alors forcément, la colère a pris le pas sur la déprime lorsqu'il a reçu le chèque d'indemnisation de Total la semaine dernière. « J'ai touché 535 euros, vous vous rendez compte ! Au service d'aide aux victimes, on m'avait dit que, vue mon expertise médicale, je devrais toucher 6 200 euros. Dans ma situation, j'ai vraiment besoin de cet argent. Enfin, j'ai appris depuis qu'il reste 3,8 millions de dons inutilisés dans les caisses de la mairie. Alors je profite de ce deuxième anniversaire de l'explosion pour lancer un appel. Cet argent doit être versé rapidement aux familles en difficulté. »


B. D.




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Hervé : « On entend toujours les sirènes »

-Hervé Sansonetto (le patron de feu Le Bikini) et sa famille habitent toujours chemin des Etroits, juste en face de la célèbre salle rock toulousaine explosée elle aussi, tout en face d'AZF, de l'autre côté de la Garonne.

« On est toujours traumatisé! », s'exclame-t-il aujourd'hui. Avant l'explosion, il vivait déjà « dans la crainte depuis 18 ans. La peur quotidienne de vivre en face de toutes ces cheminées qui répandaient régulièrement des odeurs d'ammoniac ». La peur quand il entendait « régulièrement le son des sirènes »... « Et aujourd'hui ça continue, lance-t-il encore. Parce que la SNPE et ses dérivés continuent à travailler. Avec des bruits stridents de sirènes d'alarme qui ne s'arrêtent jamais, des petites odeurs matinales... Voilà! On est toujours en contact avec tout ça!... ».

Et si il doute encore un peu de son avenir professionnel « malgré ce désir intense de retrouver un lieu pour faire revivre l'esprit du Bikini et pas seulement pour faire des concerts pour du concert », Hervé Sansonetto vient aussi d'achever de reconstruire sa maison. « Je peux dire aujourd'hui que je revis normalement depuis deux mois à peine... Normalement, c'est beaucoup dire parce que, comme les 25 maisons alentour, j'ai reconstruit sans trop savoir si je pouvais ou pas. Certes, nous avons été indemnisés, mais l'Urbanisme nous a dit que nous pouvions rester là... à nos risques et périls. Alors on a regardé ce que faisaient les voisins et comme tout le monde s'est mis à reconstruire, on a reconstruit nous aussi. Voilà où nous en sommes aujourd'hui, au chemin des Etroits ».


B. L.


Recueilli par Jean-Jacques ROUCH




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Yvette : « Sans lui, je suis perdue »

-« Il est parti travailler à 4 heures du mat. Il n'est jamais rentré ». Alain Joseph avait 45 ans. Salarié d'AZF depuis 1975. Il bossait dans la tour de contrôle ce jour-là. Pas très loin du hangar 221. Il en est mort. Depuis Yvette, sa femme, 47 ans, deux enfants de 13 et 16 ans, ne vit plus. Son absence pèse au quotidien. « Il était tout pour moi. C'était ma moitié. Un très bon mari, un très bon père. Il s'occupait de tout. On était toujours ensemble. Sans lui, je suis perdue. Il n'y a pas un jour où je suis bien. »

Dans leur maison d'Auzerville, Yvette broie du noir et trimbale son chagrin depuis deux ans. Inconsolable. Dans leur chambre, il y a toujours la même photo qu'elle caresse du regard. Du matin au soir, du soir au matin; toujours la même. « S'il n'y avait pas eu les enfants... mais il faut se battre pour eux », lâche-t-elle. Amaigrie, fatiguée. « Je ne mangeais plus. Je ne pèse plus que 50 kg pour 1, 66 mètres ».

Heureusement, il y a « ce travail à la mairie de Toulouse qui m'a sauvé ». C'était au mois de novembre, l'an dernier. Heureusement. « Ce boulot m'occupe l'esprit, nous aide à vivre ». Il faudrait qu'ils viennent voir ce que l'on vit s'emporte Yvette, en désignant Total. « Mes enfants n'ont plus que moi. Eux aussi souffrent en silence. C'est très dur. Leur père est décédé dans un endroit où il y avait de l'argent. S'il y a de l'argent à prendre, je veux que ce soit pour mes enfants ».


V. S.




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Laurent: « Ne pas les oublier»

L'explosion d'AZF a décidé de la nouvelle vie de Laurent Peyrecave. Le jeune homme avait 30 ans, lorsque le 21 septembre 2001, un grand « boum » l'arrache à son sommeil. « En trois-huit dans une entreprise sous-traitante de la SNPE, je me reposais ce jours-là. »

Quelques semaines plus tard, son entreprise « Elyo-midi-océan » lui propose un reclassement qu'il refuse.

Aux petits boulots qui s'enchaînent succède le temps de la réflexion: « Je me suis rendu compte que notre monde allait mal, que les gens ne se parlaient pas... je venais de me casser la jambe. »

Devant la difficulté à se faire livrer des courses, Laurent se retrouve face à une évidence : faire quelque chose pour soulager les Toulousains des courses ménagères.

Il créé en 2002 sa petite entreprise de livraisons à domicile sur le net.

En deux clics de souris, les candidats à ce type de services accèdent au site http://www.toulouservices.com, choisissent les produits qu'ils désirent et l'horaire auquel on peut les livrer.

La petite entreprise de Laurent poursuit son avancée sur le net, où on découvre la photo du jeune chef d'entreprise devant sa Kangoo et le magasin Champion où Laurent fait vos courses.

Le 21 septembre, ses pensées iront vers les victimes d'AZF : « Il ne faut pas oublier. Cette tragédie montre les dangers des sites industriels situés dans le périmètre des villes. »


M. C.
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faupatronim
 
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Message par faupatronim » 18 Sep 2003, 11:20

CITATION (La dépêche du midi @ 18 septembre 2003)
AZF faisait des économies sur la sécurité


Route d'Espagne à Toulouse, la cheminée d'AZF ne fera bientôt plus partie du paysage. Mais à trois jours du deuxième anniversaire de la catastrophe, c'est plutôt de ses contradictions dont Total semble vouloir faire table rase.

« On est sûr que cette usine était correctement dirigée, et que le professionnalisme des salariés n'est pas en cause », affirmait encore hier Patrick Timbart, le délégué du groupe à Toulouse. Mais de nouvelles révélations permettent de douter de la considération apportée par la direction à la sécurité de ses personnels et, au-delà, de l'ensemble des Toulousains.

Il apparaît en effet au fil des procès-verbaux consignés dans l'instruction que le hangar 221, berceau de l'explosion du 21 septembre 2001, n'était pas aussi bien tenu que Patrick Timbart l'a encore réaffirmé hier à La Dépêche du Midi. En 1995, des responsables de la sacherie et de la maintenance s'en étaient même inquiétés. Et pour cause, les murs étaient fissurés, la dalle de béton sur laquelle reposait le tas de nitrate était devenue quasiment inexistante.


Pas de nettoyage pour raisons financières

Mais à l'époque, « nous avons pris une décision commune, celle de ne rien faire pour le sol, et ce pour des raisons financières », a expliqué l'un des cadres concernés aux enquêteurs. Ce même cadre qui souligne que, pour les mêmes raisons, la proposition de refaire entièrement le hangar 221 comme celle de mettre en place un système de nettoyage régulier du sol n'ont pas eu plus de succès. « En ce qui concerne le nettoyage, logiquement il devait y avoir une entreprise extérieure qui devait le faire », a pour sa part indiqué un magasinier d'AZF aux enquêteurs. Mais selon lui, « en raison d'économies, elle ne venait plus ».

Une erreur qui a peut-être contribué au drame. Le responsable de la sacherie lui-même a reconnu en effet qu'en ramassant avec une pelle et un balai des nitrates tombés au sol lors de manipulations diverses, « d'autres choses pouvaient être ainsi ramassées, telles que morceaux de bois, de sacs plastiques, de briques, des pièces métalliques, des poussières, mais je pense en petite quantité » avant d'être conduites avec les nitrates déclassés au hangar 221.


Total connaissait les risques

Or Total connaissait les risques de tels mélanges depuis 1993, date à laquelle Atofina a commandé une étude sur la question à l'Inéris. Le 20 février 2003, La Dépêche du Midi avait révélé l'existence de cette étude. Et Christian Michot, le directeur de la certification de l'institut national de l'environnement industriels et des risque nous avait alors expliqué qu'un simple mélange entre de l'ammonitrate et un déchet organique à base de sang pouvait entraîner «une augmentation de 20 à 30% de l'activité du nitrate d'ammonium». Or, il semble maintenant établi qu'ammonitrates et déchets organiques cohabitaient bien sur le sol du hangar 221, un sol décrit comme « détrempé » par un responsable de TMG, au point que tous les chefs d'équipe de cette entreprise sous-traitante « avaient fait des observations sur le manque de lumière et sur l'état du sol, sans qu'il y ait de réaction des gens d'AZF ».

Pourtant, une note interne de Grande paroisse destinée à son usine de Toulouse signalait encore le 1er avril 1997 que le stockage du nitrate d'ammonium « nécessite des précautions particulières et une surveillance attentive pour éviter le risque d'explosion en cas de pollution par des matières organiques. D'où, l'impérieuse nécessité d'une grande propreté des stockages et l'interdiction de toute matière combustible au voisinage ».

Il semble ainsi que les économies budgétaires l'emportaient bien « depuis plusieurs années » sur les impératifs de sécurité comme le regrette lors de son audition un responsable du service des achats de Grande paroisse. Une politique qui continuait malheureusement dans les mois qui ont précédé l'explosion.


Maintenance sacrifiée

Le 22 mai 2001, un certain GD se fait ainsi un devoir de rappeler à Serge Biechlin (N.D.L.R. : le directeur du site) que la direction générale a imposé 390 000 euros d'économies de charges en octobre 2000. Résultat, le même Serge Biechlin se félicite devant les policiers qui l'interrogent de résultats « légèrement positifs » pour l'année 2000.

Seulement voilà, la note du dit GD précise par ailleurs qu'il faut s'attendre pour le premier semestre 2001 à un dépassement d'environ 1 300 000 euros « dans la mesure où on respecte le budget de maintenance (??) et où on maintient les effectifs à leur niveau défini au budget ».

La politique visant à réduire intentionnellement le budget lié à la sécurité semble donc avoir perduré après 1995 même si Patrick Timbart nie farouchement cette accusation. « Pour réduire les coûts de maintenance, il faut que vous soyez vraiment dans une entreprise en grande difficulté. Outre le risque des arrêts répétitifs de production qui fait que vous allez avoir une moindre rentabilité, vous auriez le risque d'accident qui peut coûter très cher. »

Total l'a appris à ses dépens avec AZF, une usine disent certains « qui n'était pas assez rentable pour être vendue ». Résultat, deux ans après la catastrophe, le groupe pétrochimique estime la facture du drame à 1,8 milliard d'euros.

Et si la réfection du hangar 221 avait évité cette comptabilité tragique ?


Béatrice DILLIES.


[SURTITRE]

DEUX ANS APRÈS LE DRAME, L'ENQUÊTE SE POURSUIT TOUJOURS POUR EN DÉTERMINER LES CAUSES


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Les experts judiciaires persistent et signent un nouveau rapport sur la piste d'une réaction chimique provoquant une explosion


1- L'instruction en cours

Deux ans après l'explosion de l'usine, le juge d'instruction Thierry Perriquet dispose d'un volumineux dossier qui s'enrichit constamment de nouvelles auditions ou rapports. Début septembre, ce magistrat a prononcé neuf non-lieux parmi les treize cadres ou employés d'AZF ou personnels d'entreprises sous-traitantes mis en examen en juin 2002. En revanche, il a maintenu la mise en examen pour « homicides et blessures involontaires, destruction de biens, par négligence ou manquement aux obligations de sécurité », le directeur de l'usine, Serge Biechlin, le contremaître du hangar 221 et l'ouvrier qui a déversé un produit encore non identifié formellement dans ce hangar, un quart d'heure avant l'explosion. Le juge Thierry Perriquet attend maintenant le rapport définitif des experts judiciaires qu'ils devraient rendre en décembre ou janvier.


2- Un nouveau rapport d'experts

Ces mêmes experts poursuivent, entre autres expériences, leurs recherches sur la piste chimique, qui reste selon eux la plus probable pour expliquer l'explosion. Selon ce scénario, la benne déversée par l'ouvrier d'une entreprise sous-traitante aurait pu contenir des produits chlorés, qui auraient provoqué une réaction chimique explosive au contact des anonitrates déclassés entreposés dans le hangar 221. Dans un récent rapport remis en août au juge Perriquet, François Barat, ingénieur chimiste bordelais, précise : « Le mélange de triazines chlorés, de nitrate d'ammonium et d'eau entraîne la formation de trichlorure d'azote qui détone spontanément à des températures voisines de 55 degrés dans un milieu non pollué ou dès la température ambiante en présence d'impuretés organiques et notamment d'hydrocarbures ». Or, l'enquête a déterminé la présence de produits organiques, bouts de métaux rouillés, traces d'huile et autres déchets dans ce hangar des rebuts ouvert au vent et à l'humidité. « Des explosions ont été observées pour des teneurs en eau dans un rapport pondéral proche de la stroechiométrie. Cette eau peut être apportée par humidification naturelle dans des conditions climatiques conformes aux jours précédents la catastrophe, poursuit l'expert. La présence d'impuretés organiques, notamment d'hydrocarbures, est un facteur favorisant l'initiation de l'explosion du trichlorure d'azote à température ambiante. Les expériences en laboratoire conduites sur des quantités de produits de quelques grammes et dans des conditions les plus proches possibles de la réalité du terrain mettent en évidence la détonation du trichlorure d'azote formé, lui-même susceptibles d'entraîner l'explosion d'une masse de nitrate d'ammonium ».


3- Les pistes fermées

Ces experts ont aussi travaillé sur l'hypothèse d'une première explosion à la SNPE voisine, avancée par Arnaud Dies, spécialiste belge en électricité, et ont exclu cette thèse dans un rapport rendu en juillet. L'enquête judiciaire avait aussi exclu l'hypothèse d'un acte terroriste, peu crédible au vu des constatations effectuées. Le groupe Total a aussi conduit des expériences sur la projection à grande vitesse d'un objet métallique sur un tas d'ammonitrates. « Un élément métallique de l'installation avait disparu. Mais les expériences faites montrent que cet élément n'était pas la cause de cette détonation », explique Patrick Timbard, directeur délégué de Total à Toulouse. En revanche, il considère que la piste chimique avancée par les experts est « largement remise en question par les différentes investigations menées en interne comme par les reconstitutions judiciaires ». Total poursuit par ailleurs ses recherches sur « l'ensemble des phénomènes électriques constatés par de nombreux témoins » indique Patrick Timbart. « Nous conduisons des expériences aux États-Unis, en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Angleterre sur la réactivité des ammonitrates aux arcs électriques ». Total n'abandonne pas ses projets d'une reconstitution « à grande échelle » en Russie, mais « nous essayons de modéliser l'explosion à partir de la forme du cratère pour être bien dans les conditions de l'explosion ». Les experts judiciaires planchent également depuis cet été sur ces phénomènes électriques et doivent rendre leur rapport en octobre.


4- Total mis en accusation

Dans les prochains jours, les avocats de l'association des sinistrés du 21 septembre vont déposer un mémoire au juge Perriquet. MesAgnès Casero, Stella Bisseuil, Claire Priollaud et Annie Cohen-Tapia demandent la mise en examen de Total, pointant une série de dysfonctionnements dans l'usine AZF. « Quelle que soit l'origine de l'explosion, s'il y avait eu le respect des conditions de sécurité, on n'aurait pas connu une explosion d'une telle ampleur », estiment-elles.


5- Les responsabilités administratives

La direction départementale du travail comme la Drire ont d'ailleurs pointé ces dysfonctionnements quelques mois après l'explosion. Mais la Drire n'avait pas relevé d'anomalies lors d'un contrôle en mai 2001. La Drire, la préfecture ou d'autres administrations de tutelles ont été mis en cause dans les jours qui ont suivi l'explosion. Mais, aucune mise en examen n'a été prise pour l'instant à ce niveau.


Jean-Louis GALAMEL.
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Message par EZRAROX » 18 Sep 2003, 13:54

Deux ans aprés il y à ...encore des fenêtres à remplacer! :headonwall:
( Info donnée par un artisan sous-traitant d'un gros syndic toulousain)
EZRAROX
 
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Message par faupatronim » 19 Sep 2003, 10:20

Il serait plus juste de dire 1 syndicat accuse (que dirigent les copains), parce que la CGT est toujours 100% derrière Total...

CITATION (La dépêche du midi @ 19 septembre 2003)
Sécurité d'AZF : les syndicats accusent


Les révélations faites hier dans nos colonnes sur les économies qu'AZF réalisait sur le dos de la sécurité ont eu le mérite de délier des langues. À propos du hangar 221 d'abord, dont Xavier Riesco, le délégué FO de l'usine, confirme le mauvais état. « Le sol, dit-il, c'était une espèce de pâte plus ou moins sèche en fonction de l'humidité, avec des bouts de ferraille qui ressortaient. »

Mais si ce n'était que ça. Un autre salarié de l'usine va plus loin sous couvert de l'anonymat. « Des fois, quand il y avait des problèmes de production au niveau de l'atelier de nitrate lui-même ou dans les ateliers voisins (acide et autres), ils se servaient du 221 pour évacuer des produits dont ils ne voulaient pas laisser de traces. C'était très ponctuel et bien sûr pas noté. Cela dit, à l'origine il n'y avait pas de raison de se méfier d'un danger quelconque parce qu'il y avait très longtemps que ça se faisait et il n'y avait jamais eu de problème. »

Seulement voilà, le 21 septembre à 10 h 17, il y a eu un problème. Tout ça pourquoi ? Les avocates de l'association des Sinistrés du 21 ont tendance à répondre « peu importe l'étincelle. L'essentiel est que les règles élémentaires de sécurité n'étaient pas respectées pour des raisons d'économies budgétaires et que, si elles l'avaient été, le hangar 221 aurait peut-être explosé mais pas avec de telles conséquences ».


mise en examen de Total demandée aujourd'hui

Cet après-midi, elles déposeront donc un mémoire supplétif auprès du juge d'instruction Thierry Perriquet pour demander la mise en examen de Total en tant que personne morale, dans la mesure où « tout démontre que la politique budgétaire émanait bien de la maison mère ».

Et de fait, Marc Gianotti, le délégué CGT d'AZF, confirme une partie de ce que nous écrivions hier. Certes, il considère que la sécurité était une préoccupation de tous les instants et que « à la moindre anomalie, quand le comité hygiène et sécurité jugeait nécessaire l'arrêt des installations, la direction répondait favorablement à sa demande ».

Mais il n'oublie pas non plus les coupes franches dans le budget entretien. « Au mois de juin 2001, le directeur général de Grande paroisse était venu à Toulouse pour demander aux cadres de faire une économie de 1 million d'euros sur l'entretien. ça voulait dire qu'il ne fallait plus rien dépenser jusqu'à la fin de l'année. C'était irréalisable. »

Et pourtant, les cadres d'AZF ont fait avec ce type de demande pendant des années puisqu'en 1995 déjà, ils ont fait le choix de na pas investir dans la rénovation du hangar 221 pour des raisons financières. « Une des raisons de ces économies en matière de sécurité mais aussi de personnels relevait de la dynamique de vente dans laquelle on était, explique Xavier Riesco. A côté de ça, la modernisation des appareils de production avait généré une amélioration de la rentabilité. Nous avions même fait des bénéfices en 2000. Mais nous étions loin du seuil de rentabilité de la pétrochimie. Et ça posait un problème à Total. » Total qui niait hier encore avoir négligé la sécurité dans son usine toulousaine.


Béatrice DILLIES
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