a écrit :Les enseignants doutent de l'école plus fortement que les parents
Une majorité des personnels de l'éducation nationale ne croit pas que l'école peut corriger les inégalités
sociales et se prononce pour la suppression du collège unique, selon une enquête de la FSU, principal
syndicat d'enseignants. Elèves et parents sont plus confiants dans le système éducatif.
L'école républicaine peut mieux faire. C'est une appréciation globale plutôt critique du système scolaire que dressent
les personnels de l'éducation nationale, et, dans une moindre mesure, les parents, dans l'enquête "Eduscope" réalisée
par la FSU et dépouillée par la Sofres, qui sera rendue publique mercredi 20 novembre à l'occasion de l'ouverture du
Salon de l'éducation à Paris.
Les élèves, également consultés, apparaissent moins sévères. Certes, tous considèrent
à une très forte majorité que l'école, en France, accomplit plutôt bien les missions que
sont la transmission des connaissances (79 % pour les personnels, 78 % pour les
parents, 89 % pour les élèves), apprendre à lire, à écrire et compter (74 % pour les
personnels, 77 % pour les parents, 92 % pour les élèves) et donner à chacun une
bonne culture générale. L'éducation doit être, de l'avis de tous (93 % de personnels,
86 % des parents, 76 % des élèves), la principale priorité de l'Etat, qui doit continuer
d'en assurer l'essentiel du coût. Parents comme élèves reconnaissent donc la qualité du
travail des enseignants.
En revanche, les appréciations apparaissent plutôt médiocres s'agissant de la capacité de l'école à
former des citoyens responsables, à donner aux enfants le goût d'apprendre et plus encore à
préparer les jeunes à s'insérer dans la vie professionnelle : seulement 22 % des personnels
considèrent que l'école accomplit plutôt bien cette mission (28 % pour les parents, 45 % pour les
élèves). L'ouverture sur la vie professionnelle apparaît au premier rang des motifs d'insatisfaction des
parents et au deuxième rang pour les personnels.
INÉGALITÉS SOCIALES
Les déceptions, voire les désillusions, des enseignants vis-à-vis du système scolaire sont
particulièrement fortes sur la question de la réduction des inégalités. Seulement 10 % des personnels
considèrent que l'école permet de corriger complètement ou en grande partie les inégalités sociales
d'origine des élèves (contre 31 % pour ces derniers). A l'opposé, ils sont 75 % des personnels à
penser qu'elle les corrige un peu mais sans modifier l'essentiel (59 % pour les parents). Plus
inquiétant, 13 % d'entre eux pensent que l'école renforce les inégalités (et 17 % des parents). Les
élèves apparaissent sur cette question plus confiants : 31 % d'entre eux pensent que l'école permet
de corriger complètement (6 %) ou en grande partie (25 %) les inégalités sociales. Ces résultats
tranchent avec ceux d'une première enquête de la FSU. Réalisée en 1996, elle indiquait que 46 % des
parents d'élèves considéraient alors que, pour un jeune issu d'un milieu modeste ou défavorisé,
l'école était le meilleur moyen de l'ascension sociale, et 44 % qu'elle représentait un moyen parmi
d'autres.
Les doutes des enseignants sont également sensibles sur la question du collège unique (qui dispense
le même enseignement général à tous les élèves jusqu'à la troisième). Seulement 31 % d'entre eux
considèrent que, dans la pratique, "c'est une bonne chose que tous les élèves suivent cet
enseignement général (...) avant de s'orienter vers des filières spécialisées", 66 % étant d'un avis
contraire. Sur ce point, les professeurs de collège sont les plus sévères, de même que les
enseignants les plus jeunes. Ils sont en contradiction avec les élèves, dont 58 % estiment que le
collège unique est une bonne chose, ainsi qu'avec les parents (49 %).
VIOLENCES SCOLAIRES
En ce qui concerne le principe lui-même, les enseignants infléchissent légèrement leur position mais restent majoritaires (54 %) à
considérer que "le collège unique est un principe qu'il faut abandonner car tous les élèves n'ont pas les capacités de suivre un
enseignement général jusqu'à la troisième". Ils s'opposent là encore aux élèves, dont 63 % pensent que "le collège unique est un
principe fondamental qui permet de démocratiser l'accès au savoir et qu'il faut à tout prix le conserver en lui donnant les moyens d'être
efficace" ainsi qu'aux parents (53 %).
La perception de la violence lue au travers de cette enquête semble paradoxale. Alors que 83 % des personnels se déclarent plutôt
satisfaits du climat de sécurité dans l'établissement dans lequel ils travaillent, 16 % d'entre eux affirment que la violence a "beaucoup"
augmenté - 40 %, qu'elle a "un peu" augmenté. La situation apparaît plus critique dans les collèges et plus encore dans les
établissements classés ZEP et zones sensibles. Dans ceux-ci, ce sont 30 % des personnels qui déclarent que la violence a beaucoup
augmenté.
Les problèmes auxquels ils déclarent être " confrontés" sont dans l'ordre : la discipline, le manque d'intérêt des élèves pour leur
enseignement, la violence entre élèves, le manque de respect à l'égard des enseignants. Viennent en dernière position : la drogue - 4 %
des personnels déclarent y être souvent exposés et 19 % de temps en temps -, le racket et enfin la violence à leur encontre. C'est au
lycée que se posent avec le plus d'acuité les problèmes de drogue : 12 % des enseignants déclarent y être confrontés souvent et 36 %
de temps en temps, avec une aggravation pour les lycées professionnels (21 % souvent, 38 % de temps en temps).
Au chapitre des mécontentements, le non-remplacement des enseignants absents arrive en première place pour les personnels (66 %
de "plutôt pas satisfaits"), bien avant la question du nombre d'élèves par classe (51 % de "plutôt pas satisfaits").
Cette préoccupation est largement partagée par les parents d'élèves de collège (70 % de "plutôt pas satisfaits") et de lycée (65 %). De
leur côté, les élèves se plaignent en premier lieu des repas à la cantine et de l'état des locaux scolaires. Enfin, et cela éclaire peut-être
les positions tranchées sur les inégalités, l'aide aux élèves en difficulté apparaît comme un motif d'insatisfaction commun aux
enseignants, aux élèves et aux parents. Ainsi, 60 % des personnels ne sont pas satisfaits de ce qui est entrepris dans leur établissement
à ce sujet. La part des enseignants mécontents grimpe à 70 % dans les écoles élémentaires.
En ce qui concerne l'orientation après le collège, les élèves ont, pour 72 % d'entre eux, le sentiment d'être dans la filière de leur choix,
tandis que 13 % considèrent qu'ont la leur a plus ou moins imposée. Dans l'ensemble, les trois quarts des parents ont le sentiment qu'on
a tenu compte de leur souhait au moment de l'orientation de leurs enfants après la troisième. Les besoins du marché du travail sont de
l'avis des personnels (44 %), des élèves (46 %) et des parents (39 %) pas assez pris en compte au moment de l'orientation. Enfin,
44 % seulement des parents pensent que la filière dans laquelle sont leurs enfants au lycée leur permettra de trouver facilement des
débouchés professionnels.
Martine Laronche