Charlie Hebdo

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Weltron » 09 Avr 2004, 15:34

a écrit :
Pourquoi "même" charlie hebdo ? Ils n'ont jamais pu saquer l'EXG.

A Charlie, ils critiquent certains aspects du libéralisme mais sans aller jusqu'à penser que les travailleurs peuvent changer la donne. Le programme de Val, c'est la République au-dessus des marchés, qui de son glaive puissant protège le citoyen des abus du tout-marché. On est loin de l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes !!!

C'est le type même de ce que Trotsky disait des courants petits bourgeois : hostiles au capitalisme et au Grand Capital, mais tout aussi voire plus hostiles au communisme.

Bernard Maris, dont j'ai lu pas mal de livres, reflète cette tendance jusqu'à la caricature : ils rejette le libéralisme, mais critique autant le communisme. Au mieux, il revendique un keynésianisme, autrement dit c'est un social démocrate.

Bref, un espèce de radical-socialisme restylé, un peu à la Chevènement, que Val devait d'ailleurs interviewer dans un livre d'entretien.

Et les rares fois où les rédacteurs de Charlie ont des références politiques précises, qui vont au-delà de la rhétorique anti-marchés abstraite, c'est pour soutenir les Verts (Oncle Bernard était candidat vert aux législatives de 2002), Chevènement voire Jospin.

Le pire c'est qu'ils formulent leur critique de façon assez agressive. Ils ont une hostilité viscérale, assez bornée, de l'Exg.

Pour le reste c'est assez souvent "beauf de gauche", comme Cavanna qui disait, après la victoire de Haider, que les Autrichiens n'avaient pourtant pas à se plaindre (sous-entendu : ils sont génétiquement fachos).

Pas étonnant alors qu'ils allument l'EXG !!!

Pour ma part il y a pas mal de temps que j'ai arrêté de lire ce journal de m...


Je suis assez d'accord avec toi. Je l'ai lu pendant assez longtemps et, au bout d'un moment, ça m'a gavé. Leurs articles tiennent davantage de la joute oratoire que d'analyses permettant d'agir, et on a souvent l'impression qu'ils critiquent pour critiquer, pas pour faire avancer les choses.

Maintenant, et sans que ça entre en contradiction avec ce que tu viens de dire, j'avoue que c'est un journal qui a aussi participé à mon éducation politique. Quand j'ai commencé à le lire, je n'étais pas très politisé et il m'a ouvert les yeux sur plein de choses. Heureusement, je n'en suis pas resté là et mon chemin a croisé celui de l'extrême gauche. Et c'est d'ailleurs pour ça que j'ai cessé de l'acheter : politiquement, il ne m'apporte plus rien.

Quant à ta remarque sur l'Autriche, je me souviens d'une de leurs couvertures lors de "l'affaire Haider" : on y voyait deux petits vieux autrichiens, grabataires et pathétiques, avançant péniblement avec une canne, et au-dessus la question : "L'Europe a-t-elle besoin de l'Autriche ?" :halalala:
Weltron
 
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Message par Barikad » 09 Avr 2004, 16:07

Personnellement, je l'ai acheté une seule fois (pour lire dans le train). J'ai toujours detesté ce canard. C'est le prototype du journal, qui sous des atours un peu radical, est surtout d'un elitisme et d'un mepris pour les travailleurs (sans meme parler du communisme, ou de l'ExG). Val est profondément réactionnaire, a militer pour l'OTAN au Kosovo ect..
je ne peux m'empecher de poster ici un petit article de PLPL sur cet odieux personnage
ICI
a écrit :Philippe Val n’est féroce qu’avec ses salariés
C’est la déception hebdomadaire, le non-événement du mercredi (NEM). Les colères acides de Charlie Hebdo avaient gonflé les voiles de la contestation ; les pets coulis de son rédacteur en chef Philippe Val chloroforment les lecteurs. Dépliant publicitaire de Daniel Cohn-Bendit durant les élections européennes, puis de l’OTAN lors de la guerre du Kosovo, cette publication supposée sans dieu ni maître a fini par exhiber comme un trophée les compliments d’une ministre en exercice. Libération en 1981, Le Monde en 1995 : les nouvelle formules officialisent les reniements ; Charlie Hebdo a inauguré la sienne en janvier dernier. Elle est calamiteuse. Interviews de professeurs à Science Po ou de Charles Pasqua, reportages paresseux, chroniques politiques indigentes puisque rédigées par un journaliste de Libération, la lecture de Charlie est aussi captivante qu’un tunnel publicitaire de TF1.

Philippe Val, rédacteur en chef du NEM, est l’architecte de ce retournement. Chaque semaine, piétinant les plates-bandes d’Alain Duhamel et de Luc Ferry, il administre un aide-mémoire de morale politique pour école élémentaire. S’y précipitent les figures imposées de la mondanité éditoriale : odes à la démocratie, défense du jospinisme, sermon contre les extrémistes.

La tête de Philippe Val a enflé par la mâchoire. L’amuseur est devenu un « dictateur cool », confesse Tignous. Cool avec certains membres de sa rédaction — de sa cour —, mielleux avec le lecteur à qui il inflige ses souvenirs d’enfance. Mais Philippe rectifie à la baguette les journalistes de Charlie qui baillent devant ses platitudes. Susceptible, il supprime la rubrique « Les Mondains » du dessinateur Luz : PLPL sait aujourd’hui qu’il tremblait d’y figurer. Autocrate, il épure l’encadré administratif situé en page 14 du journal : la plupart des membres de la rédaction collégiale n’y sont plus (Charb, Luz, Cyran, Siné, Biard, Boujut, Cholet, Lapin, Polac, etc.) Seuls les petits chefs qui fredonnent ses chansons y sont désormais tolérés.

Égratigné dans un article du Monde, il somme la rédaction de Charlie de signer une lettre qu’il a rédigée seul. Philippe Val s’indigne des « accusations contre Philippe Val » et chante (faux, comme d’habitude) ses propres mérites (Le Monde, 28 mars 2000). Il n’est d’ailleurs pas interdit aux journalistes du NEM de célébrer le génie du patron (qui accorde les augmentations). C’est même recommandé. Dans Charlie Hebdo du 3 mai dernier, la rubrique scientifique s’ouvrait ainsi : « La semaine dernière, Val écrivait : "Nous pensons tous sur une pente abrupte qui nous fait glisser où va la pente". » La citation (géniale) une fois conclue, l’auteur enchaînait : « J’ai dans les mains un livre qui, dès les premières pages, me renvoie à la lucidité de Val. »

Philippe a été galvanisé par la lecture du Petit livre rouge. Elle lui a révélé les avantages de l’autocritique — mais faite par les autres. Il croit nécessaire d’annoncer en « une » la lettre de repentir écrite du fond d’un cachot par son ancien compagnon de spectacle Patrick Font : « J’ai trompé l’amitié, la confiance de Philippe. […] Je jure sur ma tête qu’il ignorait tout de ma vie privée. […] J’ai pris, seul, la décision de transmettre ce message au journal » (16/6/99) Quelques années plus tôt, la « confiance » était totale. La couverture d’un ouvrage co-écrit par les deux amis expliquait en effet : « Chacun se demande comment, après 22 ans de "mariage", ces deux irrévérencieux ont encore du plaisir à être ensemble. Duo explosif, totale complicité, complémentarité : voilà quelques-uns des secrets de leur réussite. »


Est-ce un autre souvenir d’adolescence ? Val s’aventure parfois à dénoncer les excès du capitalisme. Mais il se ravise : « Il ne peut y avoir de démocratie sans marché. » (12/4/2000) Et lorsque, cédant pour une fois aux supplications de sa rédaction, Val se résigne à critiquer le patronat, il protège systématiquement Martine Aubry et les autres ministres délégués par le MEDEF au sein du gouvernement socialiste. Élaborés au cours de besogneux soupers avec son ami Laurent (Joffrin), les stratagèmes de Philippe (Val) ont ébloui Bernard-Henri (Lévy). Ainsi, quand le 20 janvier 1999 Val signe un éditorial « Pour l’indépendance du Kosovo », BHL riposte trois jours plus tard avec un « bloc-notes » du Point titré : « Pour l’indépendance du Kosovo ». Val est excédé : « Laisser le monopole de l’éthique à B-HL relève de l’aveuglement » (NEM, 19 mai 99). La concurrence devient sauvage : au cours de la campagne européenne, les deux larrons s’affrontent à coup d’éloges pour Dany le vert-kaki, grand ami de François (Bayrou) et d’Alain (Madelin).

Comme tous les esprits un peu limités, Val révère la « complexité » : « Un intellectuel qui pense que le monde est simple manifeste son abandon du débat d’idées pour l’adhésion à une idéologie » (7 juillet 1999). Abandonner le débat d’« idées » ? Mais ce serait renoncer aux analyses subtiles par lesquelles Val justifia la guerre de l’OTAN au Kosovo : « Aujourd’hui, celui qui n’est pas, ne serait-ce qu’une seconde, une petite grand-mère à bout de force, allongée dans la boue en travers du chemin, celui-là n’a rien compris au monde qui l’entoure » (NEM, 19 mai 1999).

Une telle fulgurance devait susciter la vénération des Inrockuptibles, journal qui partage avec Val cette conception éclairée du peuple : « ploucs humains obtus, rendus courageux par la vinasse ou la bière locale qui leur gargouille dans le bide » (NEM, 14 juin 2000). Les Inrocks viennent de distinguer en Val « le meilleur éditorialiste de France ». Ils publient à jet continu ses homélies les plus émouvantes. Un journaliste-fan se pâme : « La lecture de Philippe Val nous est précieuse dans ce qu’elle mêle la clairvoyance, l’érudition et la distraction. C’est peu dire qu’elle rend moins con. » C’est peu dire, en effet…

Vive la pensée Val-Tsé-toung !

Vive le NEM !


Et Un Autre ICI

a écrit : Les misérables

(2) La grande récupération
Val, le contestaire dompté
(texte intégral)

Lors d’une embrassade radiophonique entre Philippe Val et Jean-Marie Messier (France Inter, 05.11.2000, lire ci-après), chacun des « débatteurs » avait fait la promo de son bouquin. Val s’était présenté : « J’ai trente-cinq salariés » (Charlie Hebdo, 8.11.2000). Mais, pour Val, il était également impératif que, dans son journal, un de ses laquais lui lustre les bottines. Qui serait donc le Semprun du dictateur de Charlie Hebdo ?

Sans doute galvanisé de découvrir, dans Paris Match, qu’il était devenu l’auteur de chevet d’un Messier en chaussette trouée, Bernard Maris (alias Oncle Bernard), se précipita pour servir un patron, le sien. Maris, rédacteur en chef adjoint de Charlie Hebdo écrivit donc ceci à propos du bouquin de son supérieur hiérarchique : « Je pensais : les chroniques de Philippe, je les écoute le lundi après le bouclage du journal, je les connais, pas besoin de les lire. Non, je ne les connaissais pas. Je savais qu’elles étaient drôles, vivantes, dites pour faire rire, mais je n’imaginais pas qu’elles étaient si subversives, méchantes, impitoyables pour tous ceux qui le cherchent… L’écrit ne dit pas la même chose que l’oral. Philippe a du bol : il est bon dans les deux. l’écrit permet de relire, de savourer, d’être émerveillé, puis encore émerveillé, de se pincer… On est emporté par la lecture de ces chroniques. On ne les lâche pas une minute… On est intelligent, on philosophe, on apprend. On vit. »

Bernard, on meurt aussi. De profundis Maris.

Le contestataire dompté plaide qu’une goutte d’encre rose fera rougir l’océan.
Le « débat » Val-Messier

Récemment, un « débat » particulièrement savoureux « opposait » le rédacteur en chef du Non-événement du mercredi (NEM, parfois appelé Charlie Hebdo) et le PDG de l’ex-Générale des eaux (rebaptisée Vivendi). Il montre à quel point le combat idéologique des « contestataires » est soluble dans le débat médiatique. Philippe Val était orphelin : le cours du Cohn-Bendit s’était brutalement effondré ; l’OTAN n’avait plus besoin de publicité. Val prospectait une cause pour son journal en déclin. Or Jean-Marie Messier cherchait un attaché de presse. Le sien privilégiait trop la quantité à la qualité : le Figaro Magazine avait convié Messier à faire le paon (23.09.2000), Libération publiait son portrait (28.09.2000), Elle lui consacrait plusieurs pages (2.10.2000), Franz-Olivier Giesbert salivait en apprenant son salaire (« Le Gai Savoir », Paris Première, 03.10.2000), Jean-Marc Sylvestre le manucurait (« Le club de l’économie », LCI, 15.09.2000), Bernard Pivot le brossait (« Bouillon de Culture », 29.09.2000), Paris Match exhibait ses chaussettes trouées (21.09.2000). Déjà, Daniel Schneidermann, Thierry Ardisson et Ariel Wizman le suppliaient de venir dévoiler la marque de ses sous-vêtements sur les plateaux d’« Arrêt sur images » (La Cinq, 11.12.2000), de « Tout le monde en parle » (France 2, 16.12.2000) et de « L’Appartement » (Canal Plus, 17.12.2000). Partout où Messier glissait l’orteil, on lui tressait des couronnes. De son interminable tournée chez les journalistes, l’auteur de […] a retenu ceci : « Ce que je trouve sympa, c’est quand vous allez dans un endroit, comme en arrivant là sur le plateau, il y a quelqu’un qui arrive avec le bouquin et qui dit : “Vous pourriez me mettre une petite dédicace ?” » (« Tout le monde en parle », France 2, 16.12.2000)

C’est ici qu’« arrive avec le bouquin » notre ami Laurent Mouchard, qui, sous le nom de Laurent Joffrin, dirige la rédaction des très rares pages non publicitaires du Nouvel Observateur. Joffrin sautille de joie à l’idée d’accueillir dans son émission de France Inter un « débat » prévu de longue date entre Philippe Val, lui aussi chroniqueur à France Inter, et Jean-Marie Messier. Val, qui jusque là hésitait, se souvient : « Quand on m’a proposé un face à face dans l’émission de Laurent Joffrin, “Diagonales”, alors que tout en moi disait “non”, je me suis entendu répondre “oui”. 6» Pourquoi oui ? Parce qu’on ne refuse pas un service à son ami Mouchard – gentil Mouchard, fidèle Mouchard, scrupuleux petit Mouchard qui ne s’endort jamais quand Philippe lui récite des phrases de Proust au cours de leurs dîners en tête à tête. Au demeurant, France Inter, c’est un peu la radio de Val, le chouchou de Jean-Luc Hees, patron de l’antenne.

Le « débat » commence (France Inter, 5.11.2000) ; l’équipe de PLPL se pince pour ne pas s’assoupir. D’emblée, Laurent Mouchard-Joffrin présente l’ex-Compagnie générale des eaux comme « une grande multinationale de la culture » alors même que son PDG n’ose parler que d’un « groupe mondial de communication ».

Celui que ses employés surnomment « le Kim Il-Sung de la rue de Turbigo 7» découvre qu’une position de pouvoir le soude à son protagoniste. Il explique qu’à Charlie Hebdo, « en termes de pouvoir, évidemment les responsabilités sont prises par des gens qui se sont retrouvés à devoir pouvoir les prendre, à pouvoir les prendre. »


Le « débat » s’intitulant « Vivendi, la mondialisation et la culture », Val brûle de rentabiliser les centaines d’heures passées à réviser Montaigne ou les Encyclopédistes et à écrire les fiches de citations qu’il a prévu de lire à l’antenne. Les rogatons seront administrés aux lecteurs du NEM (Le Non Événement du Mercredi i.e. Charlie Hebdo). Aimant trop être aimé pour prendre le risque d’être détesté par Messier, Val plaidera : « Il est un homme, comme moi. Son monde, c’est aussi le mien. Si, pour les humains, les façons d’exprimer et de réaliser leurs désirs sont infiniment diverses, nous avons un fond commun qui rend impossible de considérer l’autre comme un étranger. » (NEM, 08.11.2000). Ému, PLPL a pleuré.

Le Kim Il-Sung de la rue de Turbigo :
« Je suis rédacteur en chef de Charlie Hebdo, journaliste, écrivain, musicien, chroniqueur à France Inter. J’ai 35 salariés… »

Le « face à face » promis tourne au badinage mondain entre un gros patron qui se prend pour le maître du monde et un petit patron qui se prend pour Spinoza. Parce qu’on ne peut débattre sans partager avec son adversaire un accord minimal sur l’utilité même du débat, et parce que l’objectif implicite de tout « débat » est d’élargir et de formaliser cet accord, les patrons Val et Messier se trouvèrent finalement très sympathiques. « S’il y a risque, pour les deux parties, de modifier quelque chose à la nature de la conviction de l’autre, on peut jouer », plaidera Val (NEM, 08.11.2000). Au terme du « débat », Val convenait que son ennemi n’était pas le capitalisme, ni la marchandisation universelle (« Il n’y a pas de démocratie sans marché », avait-il affirmé quelques mois plus tôt). Non, l’ennemi, c’était… les nazis ! Val expliqua : « Je suis sûr que Jean-Marie Messier est très attentif à ces problèmes [d’autocensure des salariés de Vivendi]. Mais il n’y aura pas toujours Jean-Marie Messier. [...] Qu’est-ce qui empêche, par exemple, qu’un fonds d’investissement nazi ou intégriste, religieux ou sectaire, mais qui cache sa nature, qui agit anonymement, de racheter 20 % de Vivendi. Trois mois plus tard, que devient cette production culturelle ? On édite La France juive de Drumont ? » On imagine à quel point cette sortie fit chanceler Messier. Philippe se trouva génial : quelques jours plus tard il publiait dans le Non-événement du mercredi (NEM), son journal intime hebdomadaire, le verbatim de son bavardage sur quatre pages – et en deux épisodes. Aussi modeste que son ancien homologue nord-coréen, le Kim Il-sung de la rue de Turbigo intitula le dossier « Le débat de l’année ». Et il imposa qu’une annonce figure en « une » du NEM deux semaines consécutives.

Aux lecteurs troublés par la flaccidité de sa prestation, Philippe Val écrivit une longue justification (« Pourquoi ce débat ? » NEM, 08.11.2000) : « Il y a un danger extrême à laisser penser au public que l’opposition à cet ultralibéralisme échevelé est caricaturale, dogmatique. »

« Un magazine interne, il va directement à la poubelle. Mais une interview dans Charlie Hebdo, cela circule, parce que les gens trouvent cela rigolo et sympa de voir leur patron là-dedans »

« Débattre » avec Messier, c’était s’en faire le marchepied. Même Val en avait convenu : « Le pire qu’il puisse arriver, c’est de devenir le bouffon du prince. » Mais il proclamait aussitôt : « Il n’en est pas question »… Si le service de communication de Vivendi s’était abstenu de répandre les photos du patron giflé en public à Bruxelles (lire p. 12 de ce numéro), il distribua le texte du « débat de l’année » à tour de bras. Un responsable de ce service pavoisait : « Un magazine interne, tout le monde s’en fout, il va directement à la poubelle. Mais une interview dans Charlie Hebdo, cela circule, parce que les gens trouvent cela rigolo et sympa de voir leur patron là-dedans, il les surprend. » (Libération, 04.12.2000) Messier venait de s’offrir une tribune gratuite dans un hebdomadaire, certes en perte de vitesse mais rarement soupçonné de complaisance à son égard. Sa performance lui ayant valu la dignité de chevalier de la Légion d’honneur au titre du ministère de l’Économie et des Finances (Le Figaro, 03.01.2001), l’ancien conseiller aux privatisations de Balladur s’empressa d’accepter une seconde campagne publicitaire, sous la forme d’un débat marathon avec Val. Mais cette fois, la mise en scène serait assurée non plus par Mouchard mais par Godard qui, après tourné Pierrot le Fou, rêvait de filmer Philippe le Fade et Jean-Marie le Fat. Libération s’esbaudissait : « Le patron de Vivendi […] avait déjà suscité une confrontation avec Philippe Val, l’éditorialiste de l’hebdomadaire contestataire [sic] Charlie Hebdo. Et comme il n’a vraiment peur de rien [sic], il a accepté une proposition de Jean-Luc Godard (excusez du peu !) : un débat filmé de vingt-cinq heures non-stop avec Val. » (Libération, 04.12.2000) Les derniers lecteurs de Charlie Hebdo, qui n’ont pas tous l’intrépidité de Messier, tremblent déjà à l’idée de se voir infliger la transcription de la prochaine jacasserie. Qu’ils se rassurent : Val les fera publier en huit volumes dorés sur tranche et il exigera qu’ils soient, comme ses récitals, annoncés chaque semaine dans la rubrique « Copinages » du NEM 8.

Sur sa chemise boudinée, Jean-Marie Messier avait accroché le sésame contestataire des Guignols de l’info en faisant de leurs railleries le titre de son livre. Désormais, le patron de l’ex-Générale des eaux porterait également en sautoir l’insigne « rebelle » Charlie Hebdo et affermirait son image d’« entrepreneur » décontracté et ouvert à la contradiction. Et c’est juché sur les épaules soixantes-huitardes de Philippe Val, de Cabu, de Wolinski et consorts consentants que Messier expliquerait à Thierry Ardisson : « Ce qui est un peu fou, c’est de prendre un petit groupe français et d’en faire un numéro un dans les métiers de la com. Vous savez, ça me rappelle un peu le slogan de 68 : « Soyez réalistes, demandez l’impossible ». C’est le genre de défi que j’aime bien. » (« Tout le monde en parle », France 2, 16.12.2000).

Pour éclairer les derniers naïfs sur la nocivité de l’idéologie du débat et sur sa capacité à convertir la contestation en courant d’air du temps, rien de tel que la grille de rentrée 2000-2001 de France Culture. Le 30 août 2000, Télérama annonçait : « Soucieuse de réhabiliter le débat d’idées, Laure Adler [directrice de France Culture] a convaincu plusieurs grands noms de la recherche et des médias de venir s’exprimer sur sa chaîne. » Surprise, on découvrait qu’aux côtés des éditorialistes omnibus et des intellectuels tout-terrain, Laure Adler avait distingué Philippe Val… Pourtant, un an plus tôt, Charlie Hebdo pourfendait la récupération de France Culture par le « boutiquier » Jean-Marie Cavada et s’indignait de la nouvelle grille de Laure Adler : « Le risque ? Quelque chose comme une radio de service de presse et de promotion. Et puis ce nouveau règne des animateurs vedettes, en provenance de la presse écrite, ne signifie qu’une chose : la confiance est donnée à une personnalisation de l’antenne. Le sujet s’efface derrière l’animateur qui doit apporter la caution prestigieuse de sa signature médiatique » (NEM, 10.11.1999). Ému d’être pris pour un homme de culture, Val n’eut de cesse de rassurer son employeur sur son absence de radicalité. Il plagia la rengaine de BHL consistant à assimiler extrême-droite et extrême-gauche 9. Et le « nouveau règne des animateurs vedettes en provenance de la presse écrite » lui parût moins scandaleux.

Non contente d’amollir la « contestation », la comédie des débats étaye les miradors de l’ordre médiatique. Ainsi, se justifiant de l’intervention sur France Culture de « Susan George, José Bové, des journaux comme Charlie Hebdo ou Le Monde diplomatique », Laure Adler expliquait : « Ils posent de vraies questions. Mais nous devons aussi faire entendre d’autres voix. Notre antenne sera ouverte à un éventail d’opinions allant de l’extrême-gauche aux libéraux. Nous voulons être des éveilleurs de conscience ! » (Témoignage chrétien, 14.09.2000). Ainsi, pour équilibrer la demi-heure pâteuse du Monde diplomatique, les propos hébétés de Val, ou les lambeaux d’intervention de Bové, il fallait conforter les voix omniprésentes d’Alain Finkielkraut, de Sylvain Bourmeau, ou de Philippe Meyer. Adler injecta donc dans sa grille une brochette de réactionnaires supplémentaires : Jacques Julliard (Le Nouvel Observateur), Alain-Gérard Slama (Le Figaro), Julia Kristeva (membre du service de propagande du Monde) et André Glucksmann (ancien éditorialiste de L’Express).

La récupération ne fait que commencer. Karl Zéro, co-propriétaire d’un journal mensuel financé par Pinault et par Séguéla, rêve d’offrir un cadeau à son employeur de Canal+, Jean-Marie Messier : « Je vais monter le débat qu’il veut faire avec José Bové sur la mondialisation. Ce sera gore ! » (CB New, 06.11.2000). Le larbin chauve du patronat en frétille déjà.


6. Sauf avis contraire, les citations relatives à ce « débat » sont extraites de la transcription publiée par Charlie Hebdo les 8 et 15 novembre 2000.

7. La rue de Turbigo abrite les locaux de Charlie Hebdo. Le dictateur nord-coréen Kim Il-Sung érigea l’autoritarisme et le culte de la personnalité en système de gouvernement.

8. Dans la rubrique « Copinages » de Charlie Hebdo du 31 octobre 2000, trois des cinq « copinages » étaient au service de Philippe Val : un de ses concerts, un de ses forums de la FNAC, son émission de France Inter…

9. C’est là son sujet favori. Par exemple, le 07.11.2000, l’émission aphteuse de Sylvain Bourmeau « La suite dans les idées » était consacrée à l’« antiaméricanisme ». Dans sa première et principale intervention, Val professa : « L’Amérique tient un rôle de bouc-émissaire. Dans les partis politiques qui se veulent même de progrès, à la gauche de la gauche et bizarrement à l’extrême-droite aussi. […] Ça, c’est une position qu’on retrouve à l’extrême-droite et à l’extrême-gauche. Il y a quelque chose aussi de l’antisémitisme dans l’antiaméricanisme, dans les arguments qui nourrissent l’antiaméricanisme de gauche comme de droite. »
Barikad
 
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Message par Bertrand » 09 Avr 2004, 16:22

J'ai lu Charlie Hebdo. Il m'a fallu un certain temps pour réaliser que Val est un des meilleurs chiens de garde du système.
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Message par Mariategui » 09 Avr 2004, 16:29

Je suis aussi d'accord avce vous. Mais ce qui m'irrite le plus chez Charlie, c'est leur profonde médiocrité intellectuelle. Val, par exemple, est d'un élitisme insupportable et aime donner de lecons a tout le monde alors que ces édito sont d'une betise rare, plein de poncifs et de lieu-communs. Merde, je ne demande a aucune revue d'etre "marxiste-révolutionnaire" pour qu'elle me plaise, j'ai toujours lu le Monde Dipomatique avec intéret malgré leur réformisme avoué parceque leurs articles sont fouillés et ils ouvrent des perspectives intéressantes. A Charlie Hebdo, ils sont seulement betes.
Mais je crois que le pire de tous est Wolinski, tant de mysoginie dans un seul personnage me donne envie de vomir. Je ne comprends pas comment on peut se réclamer de la gauche sans déclarer ce phallocrate , personne "non grata".

Mais j'ai lu des tres vieux numéros de Hara Kiri chez un oncle, c'était quand meme bien, et assez drole (parce que maintenant, ce n'est meme plus drole). Doit on voir dans l'évolution de Charlie un signe de plus de la décomposition du mouvement ouvrier? Et quelqu'un sait comment ils sont devenus aussi médiocres?
Mariategui
 
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Message par Weltron » 09 Avr 2004, 16:41

a écrit : Personnellement, je l'ai acheté une seule fois (pour lire dans le train). J'ai toujours detesté ce canard. C'est le prototype du journal, qui sous des atours un peu radical, est surtout d'un elitisme et d'un mepris pour les travailleurs (sans meme parler du communisme, ou de l'ExG). Val est profondément réactionnaire, a militer pour l'OTAN au Kosovo ect..


Oui, si tu étais communiste avant de découvrir Charlie Hebdo, c'est sûr que ce journal a dû te hérisser le poil ...
Weltron
 
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