Yvonne Issartel n'est plus

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Valiere » 01 Mars 2005, 11:12

C'était une militante importante de l'EE dans l'après-guerre (la génération de Valière, Vidalenche, etc...), voici l'hommage que lui rend la "Lettre de Liaisons".

Une camarade nous a quittés.

Yvonne Issartel.


C'est avec tristesse que nous avons appris le décés d'Yvonne Issartel. Ce nom n'est pas massivement connu mais avec lui c'est une page de l'histoire de notre mouvement ouvrier et syndicaliste qui se tourne, une page qui nous est particulièrement chère.

Yvonne Issartel était probablement l'une des dernières personnes à avoir milité aux côtés, et sur le même plan, que la génération des instituteurs qui ont animé la vieille Fédération Unitaire de l'Enseignement, la vieille Ecole Emancipée, le vieux syndicalisme -un vieux qui est aujourd'hui neuf, et qui vit dans la conscience des grévistes de 95, de 2003 et de demain. Le syndicalisme révolutionnaire était une pratique et une éthique avant d'être une doctrine, s'il l'a jamais été, et c'est la rencontre de figures comme Yvonne qui le montrait.

Yvonne Issartel, jeune institutrice ardéchoise, a pris en charge la survie clandestine du syndicat, la section départementale du SNI, le Syndical National des Instituteurs, pendant la seconde guerre mondiale, prenant des risques, assurant une solidarité matérielle à des militants de toutes tendances. A la fin de la guerre elle fut sa secrétaire départementale jusqu'à ce que les staliniens "prennent" le syndicat -c'est ainsi qu'elle l'a vécu, c'est ainsi que cela s'est passé.

Elle fut donc la camarade des Marcel Valière et des animateurs de l'Ecole Emancipée des années cinquante et soixante. Etre ardéchoise, là où les révolutionnaires syndicalistes et unitaires avaient construit le syndicat (avec le Finistère des Cornec), le département de Gilbert et France Serret, de la tendance syndicaliste communiste, d'Elie Reynier, de la tendance syndicaliste révolutionnaire (correspondant respectivement à l'Ecole Emancipée, l' "EE" et à la Révolution Prolétarienne de Monatte, la "RP"), ce caractère politique ardéchois lui a certainement donné la tournure d'esprit, le feeling pour être de la petite équipe de Valière.

La célèbre motion Bonissel-Valière par laquelle, en 1948, la FEN choisissait l'autonomie, mais non l'autonomie pour l'autonomie, mais l'autonomie contre la scission et pour la réunification confédérale du syndicalisme français dans une grande CGT ayant retrouvé son indépendance, a en fait vu le jour suite au dernier conseil national de la Fédération préparatoire à son congrés, à Lyon, lors d'une réunion entre Yvonne, Marcel Valière et Vidalenche, au domicile de ce dernier. C'est là que le noyau de l'EE a adopté la stratégie du combat pour faire de la FEN la fédération de l'unité syndicale -ce "péché originel" regretté et renié depuis par les dirigeants de la FEN jusqu'à l'UNSA puis à la FSU.

Lorsqu'elle ne fut plus l'animatrice départementale du SNI ardéchois, Yvonne a milité au niveau départemental et national dans le mouvement associatif laïque qui lui doit beaucoup, qu'il s'agisse des Pupilles des écoles publiques, de la MGEN, de la Ligue de l'Enseignement, de la Fédération Générale des Retraités de la Fonction publique (FGR). Cela l'a conduit à voyager, mais d'autres voyages plus anciens l'avaient beaucoup marquée : celui qu'elle fit en Yougoslavie aprés la rupture avec Staline comme membre d'une commission d'enquête syndicaliste, suite auquel le PCF appella à chasser cette "titiste" du syndicat, et ceux qu'elle fit à Cuba, où elle rencontra et discuta avec le "Che". En 1968 Yvonne faisait connaître l'édition française de Granma (organe du PC cubain) aux lycéens d'Aubenas. Au début des années 1990 elle a voulu retourner en Yougoslavie porter des vivres à Sarajevo : le convoi a été arrété par les balles des miliciens.

Vivant seule, Yvonne pouvait donner l'impression de perpétuer une certaine tradition d'institutrices syndicalistes toutes de dévouement et d'austérité, les Marie Guilhot et les Lucie Colliard. Mais elle n'était pas une "sainte laïque", elle avait cette truculence et ce bagout, cet esprit de révolte et de répartie et cette joie agressive d'être et de vivre par laquelle la simple apparition de sa tronche juchée sur sa petite taille mettait les chocottes à tout ce qui s'apparentait de prés ou de loin, ouvertement ou hypocritement, à un réac, un stalinien ou un curaillon dans un rayon de 100 mètres autour d'elle ! "Elle a mauvais caractère", disaient tous ces biens pensant en la fuyant.

Yvonne n'était plus syndiquée depuis la scission de la FEN -ce qui illustre bien son mécontentement devant ce qu'elle tenait pour une certaine décadence du monde -elle était cependant adhérente directe à la FGR. Elle avait adhéré au Parti des Travailleurs dont elle prenait au sérieux le projet affirmé de réunir sur des bases laïques et indépendantes des trotskystes, des communistes, des socialistes et des anarcho-syndicalistes. Elle avait envoyé des messages chaleureux et un soutien financier à la Lettre de Liaisons. Notre ami Fabien Gallet, animateur de SUD-Education en Ardèche, les amis du groupe ardéchois Mouvement social et Alternative politique l'ont également perdue. Sa dernière manif fut le 1° mai 2002 à Aubenas, contre Le Pen : durant toute la manif elle tempéta contre l'unité nationale et le vote Chirac. C'est qu'elle était restée la militante de la vieille Fédération. Cela ne se perdra pas. V.P., le jeudi 17 février 2002.

Complément sur Yvonne Issartel, camarade que nous avons perdue le 17 février dernier (voir le supplément spécial à la précédente Lettre de Liaisons). Suite à des précisions données par de vieux camarades d'Yvonne, nous indiquons que celle-ci n'a pas été secrétaire départementale du SNI en Ardèche de manière continue de la fin de la guerre au changement de majorité dans la section, car son courant, la vieille Ecole Emancipée, héritière de la majorité fédérale de la Fédération Unitaire de l'Enseignement, pratiquait la rotation des mandats. Yvonne a donc été secrétaire départementale de 2 ans en 2 ans, tout en assurant en fait, ayant ou non le titre de "secrétaire", une part essentielle du travail. A ce titre, elle a siégé au conseil national du SNI ainsi qu’au BN du SNI (précisons : le tout en poursuivant l'intégralité du travail d’institutrice en classe). La majorité syndicale n'a pas basculé sur de grands principes, mais sur ... l'avancement au mérite : l'ancienne majorité dans les Commissions paritaires refusait toute prise en compte du "mérite" dans les promotions, la nouvelle majorité, si !
Valiere
 
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Message par Valiere » 04 Mars 2005, 17:12

Pourras-tu mettre cet hommage ici sur ce forum?
Valiere
 
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Message par Valiere » 05 Mars 2005, 15:53

Peux-tu en faire une synthèse pour les camarades du forum...C'est une génération qui mérite que l'on rappelle son combat.
Valiere
 
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Message par Valiere » 09 Mars 2005, 16:36

Je pense que le non n'est pas sur le principe mais sur le manque de temps! dommage...
Valiere
 
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Message par Valiere » 09 Mars 2005, 19:46

C'est pas si facile que cela par les temps qui courent de trouver un militants PT sur la région de Melun!
Valiere
 
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