Lutte Ouvrière : Les moines-soldats du Trotskysme

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Screw » 21 Fév 2003, 21:05

[/QUOTE]« La véritable histoire de Lutte ouvrière » ou la double nature de Barcia-Hardy

L’étonnement devant la suffisance, la fausse modestie imbue d’elle-même au point que son horizon social et politique se limite à son propre univers, tel est le sentiment que l’on éprouve à la lecture de l’œuvre littéraire de Bourseiller-Barcia intitulée « La véritable histoire de Lutte ouvrière ». Sous la forme d’une interview, Robert Barcia alias Hardy nous raconte sa vie qu’il intitule sans gêne, mais de façon ô combien révélatrice, « la véritable histoire de Lutte ouvrière ».
Cette identification qui relève d’un processus psychologique que je n’ai pas les compétences d’analyser donne et un mauvais roman et une mauvaise histoire. L’histoire romancée d’Hardy par Barcia manque de toute évidence d’humanité, tellement tout y est passé au crible d’une morale bien-pensante et l’histoire réécrite de Lutte ouvrière par Hardy est une telle auto-justification de Barcia-Hardy qu’elle n’a aucune dimension… historique.
Bien sûr, ceux qui veulent connaître le passé méconnu de LO y trouveront des repères. Mais l’intérêt de ces repères n’existe qu’en rapport aux silences antérieurs, au refus de la transparence au point que le livre n’apporte aucune explication sérieuse des raisons pour lesquelles Lutte ouvrière a joué un rôle important et profondément utile dans l’histoire du mouvement révolutionnaire des dernières décennies. Mais cela, Barcia-Hardy n’est pas en mesure de l’expliquer, Barcia paralyse Hardy et réciproquement.
Ceci dit, ce livre est à la fois en négatif l’explication de la crise que connaît LO depuis 1995 et en positif un point marqué par ceux qui avaient milité pour transformer LO au sens où la transparence s’est imposée.
Certes, cette transparence est bien relative parfois même mensongère. J’en prendrai un seul exemple car il concerne directement d’anciens militants de LO qui ont été exclus en 1997 dont moi-même.
Il s’agit d’un épisode sans intérêt, anecdotique mais qui servit de point de départ à une campagne qui devait aboutir à l’exclusion de plus de 70 militants de Lutte ouvrière, et que la presse avait décrit comme « l’exclusion d’un couple accusé d’avoir fait l’amour dans une caravane de propagande ». Il est clair que ce que rapporte la presse ne correspond pas à la réalité. Le plus souvent, les caravanes étaient des activités pleines de dynamisme dans tous les domaines… Ceci dit, quand Barcia-Hardy écrit « Nous n’avons rien reproché au couple en question. Les reproches, nous les avons adressés au responsable local qui avait, de fait, placé ce couple à la direction de la caravane. »(p23), il dit une contrevérité. Il est vrai que la mise en accusation visait le responsable, moi-même en l’occurrence. Mais, soit dit en passant pour rétablir la vérité des faits, ces camarades, exclus par la suite avec nous, n’avaient été nullement placés à la direction de la caravane. Il m’était effectivement reproché de les avoir laissés en couple dans une activité de l’organisation. Nos lecteurs intéressés trouveront en annexe de cet article les échanges de courriers qu’avait entraînée cette « affaire » et qui témoignent.
Par ailleurs, si certains épisodes sont racontés avec une curieuse précision, d’autres sont effacés de l’histoire de LO. Le livre ne manque pas de ces mensonges par omission. Deux exemples : il n’y est pas question de la minorité de LO, ni de Jacques Morand, d’Huguette Chevireau ou de Michelle Verdier, militants aujourd’hui de la minorité de LO ( Hardy ne cite que les noms des militant(e)s de confiance), ni bien sûr des exclus de 1997.
Il n’est pas question d’eux mais d’une certaine façon ce livre est l’aboutissement indirect de leur combat dans le même temps qu’il l’éclaire.
Il en est l’aboutissement parce que nous nous battions pour la transparence, dénonçant une clandestinité qui n’était en réalité qu’une politique du secret puisque, comme Hardy le démontre lui même, les RG savaient tout même si la presse ne voulait rien savoir et si les militants, eux, ne pouvaient rien savoir. En voulant donner « un contenu concret, vivant, dynamique » à l’appel d’Arlette Laguiller à un parti des travailleurs, nous voulions ouvrir l’organisation, la transformer en un cadre ouvert et démocratique disponible à l’unité des révolutionnaires.
Ce livre éclaire le combat des exclus parce qu’il révèle la véritable faiblesse aujourd’hui de LO, son paradoxe.
L’ancien dynamisme de LO qui lui a permis de jouer un rôle essentiel dans l’émergence d’une extrême-gauche ouvrière et populaire n’appartient que pour bien peu à la personnalité d’Hardy, du moins à celle que Barcia nous décrit.
L’apport de LO trouve son origine dans la politique menée par Barta à la Libération, politique d’indépendance vis à vis des partis que De Gaulle associa à son pouvoir, pour formuler une politique pour le mouvement social de l’époque, la mettre en œuvre avec efficacité au point de diriger la grève Renault de 47, qui provoqua une vague de grèves et obligea les ministres communistes à quitter le gouvernement. A cette époque, Hardy n’a joué aucun rôle comme il l’écrit lui-même, il était absent, d’abord démissionnaire puis malade.
Quand le courant UCI s’est reconstitué, puis quand LO a pris la relève de Voix ouvrière après 1968, c’est cette orientation politique d’indépendance de classe vis à vis des partis réformistes et staliniens qui a justifié et permis son existence. C’est ce qui lui a permis de se développer en construisant une organisation d’extrême-gauche réellement liée au monde du travail et capable de formuler ses idées et sa politique en sa direction. C’est ce qui explique l’écho rencontré par Arlette. Hardy y contribua certes beaucoup mais, comme il le dit lui-même, rien n’aurait été possible sans Pierre Bois, Arlette Laguiller et bien d’autres militants soucieux de préserver cette politique d’indépendance de classe. Ceci dit, maintenir le cap d’une orientation politique dans une période de recul ne signifie pas nécessairement développer les capacités de lui donner toute sa signification au moment où l’extrême-gauche sort de son isolement. Simulacres de révolutionnaires, disait Barta cité par Hardy, le mot est exagérément dur et méprisant. Les choses sont plus simples. Le temps a sélectionné et façonné les personnalités de ceux qui voulaient être des révolutionnaires, qui ont apporté toutes leurs capacités et leur dévouement à la lutte. Ils ont été façonnés par une période dominée par le stalinisme et le réformisme, où les luttes de la classe ouvrière ne sortirent que bien rarement du cadre syndical. Le paradoxe est qu’au moment où le stalinisme s’effondre, qu’il s’agit de conquérir une large influence au sein du mouvement ouvrier vivant, le passé rattrape Hardy, le garde prisonnier l’empêchant d’anticiper sur la marche des événements, de formuler une politique, paralysant Lutte Ouvrière elle-même.
Une époque s’en va, une autre commence. Poussé par la logique du combat politique, Hardy s’explique, accepte la transparence. Ainsi, il révèle l’imbécillité et aussi la véritable fonction de cette politique du secret tout en essayant de préserver son influence. Cette démarche et le livre qu’elle produit sont dérisoires, la vie reprend ses droits, Hardy est obligé de s’y plier. Pour se justifier, il adopte la pose du pessimisme et de la solitude, « Nous sommes les seuls… », soucieux d’appliquer l’idée de tout changer pour que… rien ne change.
Curieuse façon de comprendre l’histoire que de se sentir seul au moment où l’ensemble de l’extrême-gauche a fait plus de 10 % des voix à l’élection présidentielle et où la contestation sociale et politique retrouve ses forces. Curieuse façon aussi de témoigner du passé en parlant de soi. L’un explique l’autre, mais la lutte et les combats collectifs ne peuvent se laisser enfermer dans le solipsisme…
Nos camarades de Lutte ouvrière sauront ouvrir les yeux devant ce cynisme qui voudrait se parer de grandes vertus morales pour pratiquer cette démocratie dont Hardy fait l’éloge et prendre en main l’avenir de leur propre courant politique qui n’appartient à personne.
Il ne s’agit ni de juger de ce même point de vue moral ni de s’indigner, mais de comprendre politiquement comment le recul du mouvement ouvrier a produit un tel paradoxe où la psychologie d’un petit patron cohabite avec les aspirations révolutionnaires. Comprendre aussi que ce paradoxe est une illustration du paradoxe général du mouvement trotskiste, continuation du mouvement ouvrier révolutionnaire séparé de sa propre classe. La double nature d’Hardy en est un aspect. Il y en a bien d’autres, comme ces errements politiques qui prêtèrent au stalinisme des vertus révolutionnaires.
Les uns et les autres relèvent du même mécanisme de fond, la volonté de se hisser au dessus des conditions objectives et des limites objectives de ses propres conditions de vie. Finalement, une volonté révolutionnaire sans laquelle, quels que soient les destins individuels, le mouvement révolutionnaire n’aurait pas survécu à la vague de réaction du fascisme et du stalinisme.
Aujourd’hui, s’ouvre une nouvelle période qui verra à nouveau les idées du socialisme et du communisme révolutionnaire fusionner avec le mouvement des masses opprimées. Y œuvrer nous conduit nécessairement à nous libérer des simulacres et errements du passé…
Yvan Lemaitre

Annexes : échanges de correspondances entre Dominique Chablis et Yvan Lemaitre au sujet d’une question de couple dans Lutte ouvrière…

YVAN -12/07/1996 - Lettre à Dominique Chablis

Chère Dominique,
J'ai bien reçu ton petit mot qui m'a, j'avoue, un peu surpris. J'espère ne pas trop te décevoir en te disant que je n'ai pas pu “ muter ” Q.. Il ne le souhaitait pas, nous non plus, et ne semblait pas trop gêné de la présence de sa copine, ce qui après tout, ne me semble pas trop surprenant, voire plutôt normal. Donc, Q. et O., il s'agit d'elle si j'ai bien compris, seront ensemble en caravane.
J'espère que cela ne te pose pas trop de problèmes. Nous ne sommes ni moines-soldats ni petits soldats et je crois même qu'il n'est pas mauvais que nos camarades, garçons et filles, apprennent à militer, en toute camaraderie et sens des responsabilités, indépendamment de leurs relations personnelles, passées, présentes ou... à venir.
Espérons que ces camarades sauront assumer leurs responsabilités tant sur le plan militant que dans leurs relations personnelles. Et ce qui se passe entre minuit et sept heures du matin ne devrait pas trop influencer le déroulement de notre travail. Et si, après tout, dame nature fait son œuvre, je ne crois pas que qui que ce soit ait à en souffrir !
Bien à toi et bien fraternellement.

DOMINIQUE CHABLIS – datée du 13/07/1996, transmise le 9/09 - Lettre à Yvan

Cher Yvan,
Si mon petit mot t'a un peu surpris, la réponse que tu m'as faite ne me surprend pas qu'un peu et j'ajouterai qu'elle me choque plus encore.
D'abord sur le fond : tu te places sur un faux terrain en parlant du “ sens de la responsabilité ” des copains, voire sur “ ce qui se passe entre minuit et 7h du matin ”.
Le problème est que pour qu'il y ait “ sens des responsabilités ”, il faut qu'il y ait comportements communs et acceptés. Autrement dit éducation et règles —mais oui — communes. Car nos comportements ne suivent ni la pente commune, ni les conformismes courants.
Bien sûr que nous comptons sur le sens des responsabilités des membres d'un couple qui se trouvent à participer ensemble à une activité quelconque. Mais avant d'en arriver là, il a le plus souvent fallu que nous inculquions à nos camarades un mode de comportement qui soit individuel (pas individualiste) et autonome et non celui d'un couple.
De plus, il a fallu, pour les générations plus anciennes, et il faut toujours, pour les plus jeunes, leur apprendre non seulement à ne pas afficher leurs relations mais, de plus, à ne même pas les laisser percevoir (même “ entre minuit et 7h du matin ”). Cela n'est ni évident, ni spontané dans la société actuelle.
Il y a surtout un autre aspect qui fait partie de nos règles et des comportements que nous tentons d'inculquer à nos jeunes et faire respecter par nos moins jeunes camarades, même si c'est avec plus ou moins de succès pour ces derniers. C'est tout simplement de ne pas militer en couple. Le problème alors n'est plus une question de comportement. Le problème est d'accepter d'être séparé dans les activités et de s'y livrer indépendamment l'un de l'autre. A leur entrée dans l'organisation, lorsque cela est techniquement possible, nous les intégrons même systématiquement dans des cercles ou cellules différentes afin de le leur apprendre.
Tu crois, écris-tu, que nos camarades doivent apprendre à militer “ en toute camaraderie ”. Mais c'est pour cela,
justement, qu'ils doivent apprendre de nous à militer séparément.
Pour apprendre à militer ainsi, il faut que nos camarades acceptent de ne pas militer systématiquement en couple et, au contraire, surtout les jeunes et les responsables, donnent l'exemple du fait qu'un couple est constitué de deux membres qui existent, et donc militent, séparément.
Nous essayons d'inscrire séparément les membres d'un couple aux stages ou en caravane. Tu devrais le savoir. Bien sûr, les camps représentent une certaine difficulté pour imposer ces règles à tous car il s'agit de vacances. Mais, d'une part, cela ne devrait pas se produire aussi souvent que cela se produit et, d'autre part, il ne s'agit pas de justifier ce qui doit rester l'exception.
Que Q. et O. aient un comportement correct dans une caravane, je veux bien le croire, mais vis-à-vis des plus jeunes et des moins jeunes, ils ne doivent pas donner l'exemple de militer sans être capables de le faire indépendamment l'un de l'autre. Une caravane n'est pas un camp et ce que nous acceptons dans un camp n'a pas à devenir une règle pour les caravanes ou les autres activités. De plus, les “ extérieurs ” doivent être des cadres pour avoir leur place chez nous et, en tant que tels, ils doivent, pour ne pas être des “ chefs ”, commencer par donner l'exemple. Ce n'est pas parce que nos règles souffrent des tas d'exceptions, qu'il faut s'asseoir dessus.
Tu aurais donc dû faire de ton mieux pour les inscrire dans des caravanes séparées, comme je te le demandais et ne pas prendre de si haut cette demande. J'accepte de recevoir des leçons, encore faut-il qu'elles soient bonnes.
Enfin, sur la forme, je te signale que je ne l'ai pas plus appréciée.
Ironiser, tu devrais l'éviter pour les choses sérieuses. J'ai toujours appris qu'il y avait des comportements petits-bourgeois que nous combattions car ils ont une traduction politique. J'ai appris aussi que notre identité politique, par rapport à de nombreux groupes, ne repose pas seulement sur des positions politiques différentes. Nos positions politiques différentes, justement, viennent de comportements différents prenant le contre-pied des comportements petits-bourgeois. Et ce sont ces comportements, traduits dans la façon de raisonner, qui ont une traduction politique. C'est pourquoi je n'accepte pas cette ironie qui fait partie de ces comportements.
Enfin, je dirai (mais manquerais-je d'humour ?) que je n'ai pas particulièrement apprécié l'allusion aux “ moines-soldats ”. Si l'utilisation de cette expression, juste après le CC, est involontaire de ta part, cela indique sans doute au moins des convergences humoristiques avec M.. Et si elle est volontaire, c'est une provocation envers Hardy.
Je suis profondément d'accord avec ce qu'Hardy a dit au CC à ce propos : à choisir, il vaut mieux être des moines-soldats plutôt que des petits-bourgeois faisant de la politique. Tu n'es sans doute pas d'accord.
Il y a déjà un moment G. m'avait parlé d'une réponse semblable que tu lui avais faite à propos d'un autre couple de Bordeaux, ou du même je ne sais plus. Le problème était celui d'un couple qui affichait ses relations (récentes, je crois) : le groupe peut, sur le plan du conformisme social, fort bien remplacer le Maire pour officialiser un mariage.
La répétition fait craindre que ce soit une philosophie et que ce soit ainsi que sont formés les camarades de Bordeaux.
Si tu n'es pas d'accord avec ces conceptions, qui ne sont pourtant pas nouvelles, pose le point au CE. Et si tu es d'accord, dis-le. Mais il n'est pas acceptable que des secteurs de l'organisation évoluent dans des directions différentes, voire contradictoires.
Il ne s'agit pas de questions mineures et cela n'en a jamais été. Il faut donc espérer que tout cela n'est que fortuit ou ne restera qu'un différend momentané.
Cordialement

YVAN – 15/09/1996 – Lettre à Dominique Chablis

Chère Dominique,
Naïveté ou sans doute penseras-tu, vu ton état d'esprit, hypocrisie voire dissimulation, mais je ne pensais pas que mon petit mot me vaudrait une telle charge de ta part.
Je veux bien croire que “ma philosophie” pour reprendre tes paroles représente un danger, je dois bien le croire puisque tu le dis, mais à ta place j'aurais eu la modestie de me demander quelle est cette prétendue “philosophie” qui se manifeste déjà au moins depuis deux ans. Depuis quand ai-je commencé à dévier du droit chemin, à tomber dans la faute ? Tout cela me semble pour le moins exagéré, déplacé, sur le fond erroné voire malveillant, reflet d'un état d'esprit étonnant.
Mon petit mot était peut-être un petit pavé à l'humour contestable mais quand on commence à prendre des règles pour le fond, je crois qu'il vaut mieux commencer par essayer d'en rire avant d'en faire un sujet de procès. Et je croyais que la discussion gardait entre nous le ton de la camaraderie et qu'il était possible de discuter de l'application des règles sans être soupçonné de je ne sais quelle remise en cause ou hérésie.
J'avoue que ta réponse m'apparaît comme une véritable provocation, un procès d'intention puisque l'affaire est entendue par avance et pour le moins à la légère. Et le zèle à prouver est tellement maladroit qu'on a le sentiment qu'il s'agit d'une accusation à effet rétroactif, une justification obligée d'attitudes passées.
D'abord, je voudrais te rappeler que nous discutons de camarades qui spontanément, d'eux-mêmes, s'étaient inscrits dans des caravanes différentes et cela bien que l'un d'entre eux au moins soit éduqué depuis plus de dix ans pour une part modeste certes mais néanmoins réelle par moi. Nous n'avions donc aucun problème avec les règles, du moins pour ces copains. Sans compter que ces camarades qui vivent à six cents km l'un de l'autre ont, ne serait-ce que par contrainte, une certaine autonomie. Là encore tu ne l'avais pas remarqué. Qu'est-ce qui t'aveugle ?
Et tu me demandais de muter Q. d'une façon que j'ai perçue un peu légère. Outre le fait que tu ne t'es même pas posé le problème que nous avions peut-être des raisons pour inscrire ce copain à cette caravane, je n'y reviendrai pas, ça ne t'intéresse pas, je suis toujours un peu choqué quand nous nous croyons le droit de muter, déplacer les uns ou les autres sans trop de tact ni de raison. C'est ce que j'ai ressenti dans ton mot, ce qui a justifié mes six lignes de réponse... Et me vaut un procès.
Autre raison à mes yeux de ne pas muter le copain, je ne voulais pas donner ma “ bénédiction ”- si tu permets, mais reprends tes propos sur le mariage par le groupe -, à un couple qui ne le demandait pas d'ailleurs d'après ce que j'ai compris de leur attitude. Même le divorce est une reconnaissance du mariage, les séparer eût été les marier. Pour ma part, la seule attitude qui me semblait en accord avec notre philosophie, ou ce qu'humble mortel j'en comprends, était de dire à Q., “ les nécessités du travail vous mettent ensemble, j'espère que vous êtes des militants, prenez vos responsabilités ”. Il n'y avait pas de mariés, mais des camarades ayant des relations personnelles, compagne et compagnon, bossant ensemble, ce qui n'a rien d'incompatible à moins d'avoir une vision perverse des choses.
Voilà une affaire simple. Alors pourquoi deux pages d'agression ?
Outre ce que je viens de te dire, la forme trahit le fond. Par exemple tu parles à propos d'une deuxième “affaire” sortie de mon “dossier” d'un “autre couple de Bordeaux”. Ce “couple”, tu as vraiment la manie de marier tout le monde, était composé d'une copine de Paris et d'un copain qui effectivement travaille et milite à Bordeaux. Je ne crois pas que ce soit l'homme qui décide du sexe géographique du couple...
Et j'en arrive au nœud de l'affaire, “la répétition”. Là nous rentrons dans une littérature dont je n'avais pas l'habitude sous la plume d'une camarade. Pensez donc, il y a deux ans déjà, pardon “un moment” écris-tu, puisque tu n'as pas fait l'effort de vérifier ce dont tu parles.
Un couple donc, non seulement de Bordeaux, mais qui “ affichait ses relations ”. Alors je suis pris de terreur, vade rétro... Entre parenthèses, bon ou mauvais, je crois que l'humour, voire l'ironie est inséparable du sérieux. Petite remarque tout en ayant conscience de mon manque de talent.
Quelle faute avaient commise ces camarades ? T., copine de Paris allant à la fête de Toulouse est passée par Bordeaux voir un camarade avec lequel elle avait une relation personnelle dont tu m'excuseras de ne pas connaître la nature exacte mais qui d'une façon ou d'une autre s'apparente à une relation de couple bien que je crois qu'elle n'avait pas grand chose à voir avec le mariage. Q., encore lui, lui a proposé de venir à Toulouse dans “ nos voitures ” selon l'expression de G. à l'époque. A Toulouse sans même daigner m'en parler, soucieux sans doute de jouer les bons missi dominici, G. en a fait le reproche aux copains, et a demandé à T. de repartir en train. Une simple brimade. J'ai trouvé ça minable. Et je le trouve encore. Voilà, et la répétition s'arrête là. La liste de mes fautes semble close.
On croit rêver. Et à partir de là tu tiens tout un raisonnement !
Je conçois que des camarades soient devenus vigilants aux “ dangers ” de voir “ des secteurs de l'organisation évoluer dans des directions différentes ”. La fraction et la très longue histoire de sa formation, nous posent de ce point de vue sûrement un intéressant sujet de réflexion quant à la duplicité et à l'impuissance du formalisme des règles à la révéler. Je ne crois pas qu'il en soit de même pour les “ bordelais ”, expression si souvent entendue et qui me déplaît profondément. Il n'y a pas de “ bordelais ”, mais des camarades de la même organisation qui militent en toute transparence et sans la moindre duplicité, là où ils sont mais dans le mépris du localisme. Du moins c'est ma philosophie. Petite parenthèse, le parisianisme est tout aussi localiste. Chacun son clocher !
Et je ne peux m'empêcher à lire ta lettre de penser qu'il y a une volonté de justifier après coup, accusations à effet rétroactif, une attitude de méfiance à l'égard des camarades qui militent dans la même section que moi, attitude que j'ai souvent ressentie, à tort ou à raison, mais parlons-en puisque tu l'as mis et exprimé brutalement par écrit, et qui m'a toujours profondément blessé.
Et cela d'autant que toute ma “ philosophie ”, ce n'est pas au demeurant “ la mienne ”, est à l'opposé de toutes ces
accusations ridicules. Hardy, le jour où au secrétariat d'été tu lui as passé mon petit mot, m'a accusé dans le même sens si j'ai bien compris de faire un “ isolat ”. Outre que dire cela publiquement, en mon absence, n'est pas d'une correction dans les rapports entre camarades extraordinaire, c'est surtout une pure vue de l'esprit. Elle m'étonne, me blesse puisqu'Hardy ne peut ignorer qu'il peut venir quand il veut, c'est une évidence, qu'il a toujours été bien accueilli comme tous les camarades, que ma porte lui est ouverte. Alors pourquoi ces reproches ? Je ne comprends pas.
Et pourquoi me laisserait-on prendre une mauvaise direction, sans rien me dire ? Mon mot à G., quoi qu'on en pense, ou celui que je t'ai adressé, sont-ils ceux de quelqu'un qui s'isole, ou l'inverse, ceux d'un militant qui refuse l'isolement et veut discuter ? Réponds honnêtement.
Ma “ provocation ” envers Hardy. Là encore, je suis surpris de ta brutalité non seulement à mon égard mais à celui d'Hardy. Il n'y a pas trace dans le compte rendu du CC, peut-être ne l'as-tu pas lu, de la phrase “historique” que tu cites, je suppose de mémoire. J'ai aussi en mémoire et je l'avais bien évidemment en tête en plaisantant dans mon mot, ce que j'avais entendu au CC. J'avais compris l'inverse, que nous n'étions pas des moines-soldats, tout au plus soldats, là aussi nous ne discuterons pas des différentes interprétations du mot. Je crois que nous sommes contre la vie monacale ou en caserne qui ont pour effet de pervertir les hommes et de favoriser les mœurs contre nature. Et je ne crois pas qu'Hardy nous demande de signer la phrase que tu cites. Les moines-soldats étant par ailleurs des petits-bourgeois. Quant à mes convergences humoristiques avec M., je ne connais pas ce camarade, si ce n'est par quelques allusions au CE. Je ne crois pas être très proche de lui, mais comme tu le connais beaucoup mieux que moi sans doute es-tu meilleur juge.
Je ne pense pas, ai-je le droit, que les relations entre les idées et les règles, les idées et les comportements soient aussi mécaniques que tu le décris, et surtout je crois que l'influence déterminante appartient aux idées. Ce sont elles qui nous fabriquent et nous façonnent, pas les règles surtout si elles prennent l'allure d'un règlement intérieur voire deviennent des brimades. Je dis une évidence, je crois, pour chacun d'entre nous.
Alors, il faudrait aussi apprendre aux militants à ne pas laisser “ percevoir ” leurs relations personnelles. Je ne sais pas, que veut-on dire pas là ? J'ai peur de ne pas être un excellent militant, car je crois que j'en suis incapable ! Nous devons, je crois, apprendre à nos camarades l'entière disponibilité à la collectivité, aux idées, au besoin de comprendre quelles qu'en soient les conséquences, le mépris des faux semblants, de l'hypocrisie, de la duplicité. Il y a souvent chez des camarades qui masquent leurs relations personnelles des attitudes désagréables, voire méprisantes et c'est en général les copines que ça touche le plus. Sans parler que derrière cette application formaliste des règles, il peut s'introduire bien des comportements ni très socialistes ni très bolcheviques. Pour ne pas partir je ne dis pas en couple mais avec son compagnon ou sa compagne, ça existe, oui, en caravane ou en camp, des jeunes ou des moins jeunes peuvent avoir bien d'autres préoccupations... Quand les idées ne précèdent pas et ne définissent pas le contenu des actes, n'importe quelle motivation se glisse dans n'importe quelle règle.
Et puis un seul regard suffit et peut en dire tellement sur les sentiments et leur nature. Alors Dominique, il n'y a plus que le voile pour masquer ces regards... A trop vouloir en faire, on étouffe tout. Mais la vie a des droits, ça ne peut choquer que des morales de vieux garçon.
Quant à former, éduquer, des personnalités autonomes, indépendantes oui, bien sûr, c'est le début du début de nos idées, mais cela ne peut se faire, je crois, qu'à travers une vie large, ouverte, publique, honnête où chacun accepte et apprend à être jugé en toute fraternité. La discrétion est une chose, se cacher une autre, ne jouons pas les Tartufe. Sinon, nous finirions par sélectionner des gens dont la seule vertu sera de se plier aux “ règles ” et pourquoi pas de dénoncer les couples “ clandestins ”... ce que personne ne veut bien évidemment.
J'espère que ton jugement à mon égard me réserve une douce clémence et que ma plaidoirie n'aura pas été ni trop longue ni trop ennuyeuse.
Bien à toi et toujours fraternellement.
Yvan
Screw
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 18:00

Message par Screw » 21 Fév 2003, 21:12

Je ne suis pas très doué, j'ai fait comme j'ai pu.
Screw
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 18:00

Message par Louis » 21 Fév 2003, 21:29

Assez bizarrement, je suis assez d'accord avec ivan sur le Fond c'est a dire sur la nécéssité de construire quelque chose d'un peu mastoc (et pas le petit truc ou il est bon de se retrouver) et les difficultés de lo a prendre le tournant. Ceci étant, les affaires de coucherie je m'en fout complétement !
Louis
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 09:33

Message par Screw » 21 Fév 2003, 21:33

(LouisChristianRené @ vendredi 21 février 2003 à 21:29 a écrit :Assez bizarrement, je suis assez d'accord avec ivan sur le Fond c'est a dire sur la nécéssité de construire quelque chose d'un peu mastoc (et pas le petit truc ou il est bon de se retrouver) et les difficultés de lo a prendre le tournant. Ceci étant, les affaires de coucherie je m'en fout complétement !

Le problème c'est que son argumentation est totalement annulée par ce qui suit et la rancoeur personnelle!
Screw
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 18:00

Message par emman » 21 Fév 2003, 21:43

Moi je trouve à la lecture de cet ensemble qu'Yvan est un faux-cul et je trouve particulièrement déplaisant cette manie de publier des lettres internes qui on le sait bien vont directe dans les mains de journalistes afin d'être déformés, interprétés et épurés de leur contexte, pour finir comme base aux calomnies :x :x :x .
emman
 
Message(s) : 0
Inscription : 02 Oct 2002, 12:44

Message par com_71 » 22 Fév 2003, 16:06

Une phrase d'Yvan,
a écrit :Il ne s'agit ni de juger de ce même point de vue moral ni de s'indigner, mais de comprendre politiquement comment le recul du mouvement ouvrier a produit un tel paradoxe où la psychologie d'un petit patron cohabite avec les aspirations révolutionnaires.
de la même eau que le reste, et qui rend toute réponse superflue.

Sandy, j'espère que c'est ça qui t'avait choqué.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6405
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

PrécédentSuivant

Retour vers Tribune libre

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 3 invité(s)