a écrit : mais ton exemple de l'amour ne fonctionne pas : tu crois vraiment que s'il y a amour au delà de trois ans entre deux individus, cela ne se voit pas dans leur cerveau ? Ou, si cela ne se voit pas admettons, il ne se passe rien comme processus électro-physico-chimique dans le cerveau alors qu'ils ont conscience de ressentir de l'amour ?
Je crois là qu'il y a une petite confusion quand même. Evidemment quand une personne aime (comme quand elle veut quelque chose, ou qu'elle a peur etc.), il se passe quelque chose dans son corps (et d'ailleurs pas que dans son cerveau, mais aussi dans l'ensemble de son système nerveux et endocrinien notamment). Et évidemment il n'y a, d'un certain point de vue, rien d'autre que cela (du genre des sentiments comme l'amour, la peur, ou des qualité abstraites comme la volonté qui planneraient au dessus de nos têtes). Pour autant, décrire ce qui se passe dans le corps en terme de réactions physico-chimiques ne suffit pas à expliquer pourquoi et comment on aime, veut, craint etc. Car il y a une logique, des lois des phénomènes psychologiques eux-mêmes (et très largement en lien avec le milieu extérieur, social etc.). La prétention à une psychologie scientifique qui ne soit pas uniquement la déscription des processus physico-chimiques est légitime.
D'ailleurs c'est quelque chose d'assez général en science. Ainsi les processus biologiques ne sont au fond constitués que de réactions physico-chimiques élémentaires dans les organismes. Pourtant la compréhension de ce qui se passe dans un organisme vivant, uniquement en terme de réactions physico-chimiques, atteint assez vite des limites. Idem, une espèce biologique n'est constituée que d'individus. Pourtant on ne peut pas donner une compréhension de l'évolution des espèces uniquement en terme de ce qui arrive à chaque individu d'une espèce. On utilise des concepts comme variation, sélection, valeur sélective, qui, si ils ne concernent fondamentalement que des groupes d'individus, ne sont pas réductibles aux propriétés individuelles, et ne peuvent pas s'exprimer simplement dans la description des individus.
Pour prendre encore un exemple, plus familier sans doute à beaucoup ici, la société n'est pas constituée d'autre chose que d'individus. Et pourtant, nous ne décrivons pas le fonctionnement et l'histoire de la société en décrivant des comportements individuels. On utilise d'autres concepts, les classes sociales, les forces productives, la conscience de classe etc. Et pourtant, à chaque fois qu'il y a un événement social, il se passe indéniablement des choses chez les individus. Et il n'y a pas une essence mystique en plus.
C'est qu'à chaque niveau d'organisation de la matière (un organisme, la pensée humaine, la société, les espèces etc.), la science construit des concepts, révèle des lois propres à ce niveau d'organisation, et ne consiste pas en du simple réductionnisme, réduisant chaque phénomène à ce qui se passe dans les constituants élémentaires de la matière.
Cette longue digression pour dire que cela ne me semble pas juste (pour tout dire pas dialectique et du coup pas vraiment matérialiste non plus) de discuter de la psychologie et de la psychanalyse en y opposant le réductionnisme neurologique. Alors quid de la psychanalyse? Si on s'en tient à Freud, il me semble (sans être expert) que le problème n'est pas qu'il utilise des concepts comme l'inconscient. C'est que ces concepts me semblent définis de manière assez floue et que les confirmations expériementales semblent loin d'être probante (c'est un euphémisme si, comme il le semble, ses cas exemplaires étaient bidonnés). Bref c'est une théorie non-scientifique du psychisme humain (ou une tentative d'élaborer une théorie scientifique du psychisme humain mais qui a échoué). Et évidemment élaborer une thérapheutique sur cette base ne peut pas être très probant (en laissant de côté le problème de l'honnêté de ceux qui s'y livrent). Mais ce n'est pas une raison pour nier la possibilité d'une compréhension scientifique du psychisme et de ses lois, ou de prôner d'en rester à une approche uniquement neuro-biologique. L'élaboration d'une compréhension scientifique du psychisme reste devant nous (sous le socialisme peut être). Il s'agira alors de faire le tri dans les intuitions de Freud (comme des autres théories existantes). Le bilan ne sera sans doute pas nul, mais y aura quand même du boulot.