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Message Publié : 08 Oct 2007, 11:13
par Barikad
Le Plan B vient de sortir. J'y ai pioché cet article qui m'a fait sourir et qui fera sourir, j'en suis certain, un forumeur inscrit sous le pseudonyme de "Proudhon"
:17:
("Le Plan B" a écrit :
Wikipedia souffre de calvitie

Des individus peu scrupuleux détournent à leur profit l'encyclopédie en ligne Wikipedia pour la transformer en tract autopromotionnel. Le Plan B a peut-être identifié l'un d'eux...

« En 1997, sa maîtresse l'accuse publiquement de l'avoir forcé à faire une fellation sous la menace d'une arme, un 357 Magnum. » Cette précieuse information concerne Patrick Balkany. Elle figure sur la notice Wikipedia de ce proche de Nicolas Sarkozy, maire de Levallois-Perret. Est-ce pour préserver sa pudeur que Balkany est devenu un des champions des modifications de la page Wikipedia qui lui est consacrée, laquelle a été corrigée plus de cent fois ? Ce fut en tout cas sans résultat : la fellation y figure toujours.
Wikipedia est, on le sait, cette encyclopédie accessible sur Internet. Les 8 millions de notices qui la composent font appel au savoir de tous et sont susceptibles d'être modifiées par tous. L'article consacré à Raymond Barre fut ainsi amendé et complété cent trois fois le 25 août dernier, jour de son décès. Certains sont tentés de profiter de ce projet d'éducation populaire aux fins d'assurer leur promotion... La CIA avait tenté de le faire : elle a été repérée et une bronca internationale s'est ensuivie(1).
Mais la place que cette encyclopédie réserve à des personnalités françaises est-elle toujours justifiée ? Les données sont-elles toujours fiables ? Le Plan B a enquêté. La longueur comparée de la notice consacrée à certains noms pris au hasard conduit déjà à s'interroger : Georges Clemenceau (journaliste révolutionnaire, dreyfusard, chef de guerre, président du Conseil) : 27 200 signes ; Louis Rossel (héros de la Commune, seul officier à l'avoir soutenue) : 11 000 signes ; Édith Cresson (première femme nommée à Matignon, renvoyée après une campagne sexiste mémorable) : 8 300 signes ; Henri Alleg (militant communiste, auteur de La Question, récit de la torture dont il fut victime pendant la guerre d'Algérie) : 3 450 signes ; Philippe Corcuff (« chouchou » d'Edwy Plenel(2) et ancien chroniqueur de Charlie Hebdo) : 15 115 signes. Il semble y avoir un intrus dans ce classement. Et ce n'est pas Clemenceau...
Le Plan B a poursuivi l'enquête. L'article consacré à Philippe Corcuff paraît avoir été travaillé avec une minutie maniaque, tant il révèle une foule d'informations très secondaires sur un personnage qui ne l'est pas moins. La moindre production y est répertoriée. Un doctorant aurait-il choisi de vouer sa vie à l'œuvre de l'ancien chroniqueur chauve de Charlie Hebdo ? Le fichier central des thèses universitaires est formel : l'ex-protégé d'Edwy Plenel ne fait à ce jour l'objet d'aucun travail de recherche.

Jean-Hubert de La Boule superstar
Chacun peut intervenir dans la rédaction d'un article sur Wikipedia, à une condition : qu'il laisse trace de son passage. Ses modifications sont « signées » par l'immatriculation de son ordinateur (ou « adresse IP »). Si l'intervenant préfère ne pas communiquer son adresse IP, il doit se choisir un pseudonyme (qu'il peut changer à volonté). Dans tous les cas, les modifications et leurs dates sont accessibles en cliquant sur l'historique de la notice. La notice « Philippe Corcuff » a intrigué Le Plan B. Le 19 janvier 2006, la biographie de l'ex-chroniqueur de Charlie Hebdo comportait 1070 signes. Apparemment, un-e inconnu-e a jugé que ce n'était pas assez. Grâce aux modifications survenues le 20 janvier 2006 entre 5 heures et 6 h 30 du matin(3), la taille de l'article a été multipliée par huit ! Le mystérieux internaute nous a notamment appris que Corcuff « s'est efforcé de proposer une lecture différente de la sociologie de Bourdieu, mettant l'accent sur son affinement "postmarxiste" de la critique sociale, tout en pointant aussi certaines contradictions et certaines limites ». On a également découvert que « les auteurs qui ont le plus marqué son parcours sont Machiavel, Proudhon, Marx, Rosa Luxemburg, Walter Benjamin, Ludwig Wittgenstein, Maurice Merleau-Ponty, Emmanuel Levinas et Pierre Bourdieu ».
«  [Ce] n'est plus une encyclopédie libre, c'est un hébergeur gratuit de CV et de publicité personnelle... dommage », commente un internaute à la rubrique « Discussion ». Interrogé par Le Plan B, Philippe Corcuff a admis avoir modifié sa notice dans Wikipedia, mais « seulement au début, pour faire des corrections de date ». Quant aux administrateurs de Wikipedia, ils n'interviennent que dans le cas de sujets sensibles, comme « Adolf Hitler » ou « Islam ».
Un inconnu peut certes bichonner sa biographie, mais comment peut-il se faire connaître des internautes qui ne s'intéressent pas à sa page wikipedia, voire - horreur ! - qui ne soupçonnent pas son existence ? Rien n'est plus simple. Il suffit de greffer son nom sur la notice de personnalités plus connues, avec le cas échéant un lien Internet renvoyant à ses propres « travaux ». Un étudiant boutonneux de Sciences-Po, quelque Jean-Hubert de La Boule (nom choisi au hasard), aura tout intérêt à « parasiter » la notice de Marx ou de Bakounine en se présentant comme leur alter ego ou leur concurrent le plus redoutable. Le résultat est presque assuré : une tendre et candide lycéenne risque de choisir le (faux) débat Marx/de La Boule pour thème d'exposé plutôt que le (vrai) choc Marx/Bakounine...
Un seul clic sur l'adresse IP de l'intervenant ou sur son pseudonyme permet de localiser toutes les interventions effectuées sur l'ensemble des notices. Le 17 octobre 2006, un certain « Proudhon 2 » a ainsi investi Wikipedia. Entre 15 h 34 et 16 h 58, il modifia les articles consacrés à « Charlie Hebdo », à « Pierre Bourdieu », à « Théorie du complot », à « Noam Chomsky », à « Sociologie pragmatique » et à « Philippe Corcuff ». Analysant chacune des modifications opérées par « Proudhon 2 » sur les notices considérées, Le Plan B a découvert... qu'elles citaient toutes Philippe Corcuff_ ! Dorénavant, et jusqu'à nouvel ordre(4), s'informer sur Chomsky, Charlie Hebdo, Bourdieu, etc., ce sera aussi s'informer sur Corcuff.
Clémentine Autain a aussi été visitée, tout comme Acrimed, PLPL, Alain Accardo, etc. Sans oublier la chanteuse de rap Keny Arkana, dont nul ne peut plus ignorer que « le sociologue Philippe Corcuff a rapproché ses textes altermondialistes du langage néo-zapatiste du sous-commandant Marcos au Mexique (1). » La note (1) renvoie à un article (amphigourique) paru en mars 2007 dans Politis. Auteur de l'article ? Philippe Corcuff.
À ce jour, les pages de Socrate, Cassius Clay, Mussolini, Rika Zaraï, Dieu, Milou et Achille Zavata ne renvoient pas encore à Philippe Corcuff. Jusqu'à une prochaine insomnie ?


Notes :
(1) Voir Jonathan Fildes, « Wikipedia "shows CIA page edits'" », BBC News, 15.8.07.
(2) Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde, Fayard, Paris, 2003, p. 364.
(3) La phrase « Son parcours politique est fluctuant : Mouvement des citoyens, LCR... » est ainsi devenue « Son parcours politique est varié ».
(4) Comme ces articles sont évolutifs, de nouvelles modifications ont pu intervenir depuis la rédaction de cet article. Mais les anciennes demeurent toutes répertoriées.

Le Plan B n°10 (octobre - novembre 2007)