(El convidado de piedra @ samedi 27 octobre 2007 à 22:06, fil "surréalisme" a écrit :Ni Rousseau (source d'inspiration des jacobins et des révolutionnaires français) , ni Hölderin (voir l'article de Lukacs à son égard) ni Shelley (plutot un révolutionnaire) sont romantiques (le Schlegel jeune il me semble que non plus mais c'est à rechercher, après oui).
Le problème avec ta conception du romantisme, c'est que tu pars sans aucune définition, et que tu décides qui est romantique et qui ne l'est pas en fonction de "sont-ils réactionnaires ou pas". Or romantique ça n'est pas synonyme de réactionnaire.
Le romantisme est un courant artistique (enfin surtout artistique, il a aussi un versant politique et philosophique mais ce sont un peu des annexes). Il y a des pré-romantiques au XVIIIème siècle qui déjà, commencent à affirmer que la vérité et/ou la beauté se trouvent dans les sentiments et non dans la raison (Richardson par exemple, que personne ne lit plus mais qui a eu une influence importante sur Diderot et Rousseau). C'est déja une idée romantique et non plus classique. Il y en a d'autres qui revendiquent l'importance de leur expérience personnelle et subjective : Rousseau par exemple (j'y revient plus tard). On peut le résumer comme une "réaction du sentiment contre la raison". Mais il faut d'abord conmprendre qu'il s'agit d'abord d'une esthétique avant d'être une philosophie. Et quand les romantiques s'aventurent sur le terrain philosophique, ou quand les philosophes utilisent les idées du romantisme, le plus souvent bien sûr c'est réactionnaire (et pour cause, le romantisme est une réaction aux lumières), mais pas toujours : pour ne prendre qu'un exemple, les textes de Victor Hugo contre la peine de mort sont romantiques, c'est sur la base du sentiment de révolte que l'on a en voyant un homme conduit à la mort qu'il s'oppose à la guillotine. Il y a plein d'autres exemples, relit l'article de Löwy (qui n'est pas si mauvais que ça).
Revenons à Rousseau : tu écrit qu'il n'est pas romantique parce qu'il est une "source d'inspiration des jacobins et des révolutionnaires français". Mais ça ne prouve absolument pas qu'il n'était pas romantique, puisque ça ne se réfère en rien à ce qu'est le romantisme ! Rousseau ce n'est pas que "du Contrat Social". C'est aussi le "Discours sur les sciences et les arts", un monument de réaction que Voltaire ne lui pardonnera jamais. C'est aussi le "Discours sur l'origine de l'inégalité entre les hommes", que Votaire n'aimait pas non plus parce qu'il l'avait très bien compris : c'est ce livre qui va servir de référence absolue à la critique romantique de la société capitaliste, mais c'est aussi celui dont Marx s'inspire le plus ouvertement. Et surtout, Rousseau c'est "les Confessions", ouvrage phare du romantisme puisque le but de ce bouquin et de chercher à travers sa propre expérience une justification subjective à ses idées, en invoquant très souvent le sentiment contre la raison.
Un extrait des "Confessions" pour illustrer le romantisme de ce pré-jacobin : Le jeune Jean-Jacques a été sévèrement puni pour avoir été accusé, à tort selon lui, d'avoir brisé un peigne.
a écrit :Je n'avais pas encore assez de raison pour sentir combien les apparences me condamnaient, et pour me mettre à la place des autres. Je me tenais à la mienne, et tout ce que je sentais, c'était la rigueur d'un châtiment effroyable pour un crime que je n'avais pas commis. La douleur du corps, quoique vive, m'était peu sensible, je ne sentais que l'indignation, la rage, le désespoir. Mon cousin, dans un cas à peu près semblable, et qu'on avait puni d'une faute involontaire comme d'un acte prémédité, se mettait en fureur à mon exemple, et se montait, pour ainsi dire, à mon unisson. Tous deux dans le même lit nous nous embrassions avec des transports convulsifs, nous étouffions ; et quand nos jeunes cœurs un peu soulagés pouvaient exhaler leur colère, nous nous levions sur notre séant, et nous nous mettions tous deux à crier cent fois de toute notre force : Carnifex Carnifex Carnifex.
Je sens en écrivant ceci que mon pouls s'élève encore ; ces moments me seront toujours présents quand je vivrais cent mille ans. Ce premier sentiment de la violence et de l'injustice est resté si profondément gravé dans mon âme, que toutes les idées qui s'y rapportent me rendent ma première émotion ; et ce sentiment, relatif à moi dans son origine, a pris une telle consistance en lui-même, et s'est tellement détaché de tout intérêt personnel, que mon cœur s'enflamme au spectacle ou au récit de toute action injuste, quel qu'en soit l'objet et en quelque lieu qu'elle se commette, comme si l'effet en retombait sur moi. Quand je lis les cruautés d'un tyran féroce, les subtiles noirceurs d'un fourbe de prêtre, je partirais volontiers pour aller poignarder ces misérables, dussé-je cent fois y périr. Je me suis souvent mis en nage, à poursuivre à la course ou à coups de pierre un coq, une vache, un chien, un animal que j'en voyais tourmenter un autre, uniquement parce qu'il se sentait le plus fort. Ce mouvement peut m'être naturel, et je crois qu'il l'est ; mais le souvenir profond de la première injustice que j'ai soufferte y fut trop fortement lié pour ne l'avoir pas beaucoup renforcé.
Voila, le romantisme révolutionnaire, c'est pas le Che qui l'a inventé, c'est Rousseau !