Clémenceau, de Michel Winock
Par Nicolas Pomiès
Vendredi 7 décembre 2007
article publié dans la lettre 571
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Clémenceau, de Michel Winock, Éditions Perrin, 2007, 568 pages, 24 euros.
Un esprit à courte vue me dit récemment qu' être curieux de la vie et de la personnalité de Clémenceau, c'était comme être admirateur de Mussolini.
Cet "ami" aux idées courtes,lui même disciple ab absurdo du vieux Léon Trostki, me ressortit tous les vieux poncifs contre Clémenceau pour me prouver que le jeune militant républicain révolutionnaire proche de Blanqui avait mal tourné comme Mussolini s'était écarté de la classe ouvrière.
Lire Clemenceau, de Michel Winock, permet de rompre définitivement avec cette vision manichéenne des hommes et de l'histoire.
On découvre dans cette formidable biographie un Clémenceau emplis de certitudes toujours pondérées par l'analyse, le réalisme et la volonté de paix. Révolutionnaire formé par l'enfermé, il se sépare de Blanqui en préférant le suffrage universel à l'insurrection du vieux comploteur.
Proche des idéaux communards, il choisi cependant la lutte parlementaire et refuse la guerre civile.
Pour lui l’individu libre,l’intervention de l’État solidaire, la Laïcité républicaine, la justice sociale et le patriotisme généreux sont sa boussole contre toute idéologies et manouveuvres idéologiques massifiantes.
La biographie de Winock marque une étape dans la nécessaire déconstruction de la caricature encore dominante d’un homme d’État qui, de héraut de la gauche radicale se serait mué en assassin des ouvriers (on lit comment il tenta à chaque mouvement sociaux de négocier avec la CGT pour calmer les anarcho-syndicalistes ), en affreux réactionnaire. Vision obtuse que dément la lecture de l'ouvrage. Sans rien lui concéder de ses faiblesses ni de ses erreurs, Winock, nous livre un ouvrage parsemé de longues citations toutes choisies avec justesse. On lira avec délectation ses déclarations contre l'article 4 de la loi de 1905, lui qui voulait une vraie loi laïque et non un compromis boiteux. Winock nous délivre une vision équilibrée, précise, sans compromissions d'un fauve capable d’une orientation humaine et sociale, un « premier flic de France » bien plus pragmatique qu’on n’a dit, un chef de guerre qui n’était pas l’apprenti dictateur ou le jusqu’au boutiste dénoncé par ses ennemis puis les enfants du trotskisme. Winock décrit aussi un parfait honnête homme, féru d’arts, de lettres et de sciences et de culture. Un vrai républicain honnête dont on se prend à rêver qu'il revienne remettre la République française de 2007 sur les rails de 1789.
Clémenceau, de Michel Winock, Éditions Perrin, 2007, 568 pages, 24 euros.