
(Libération a écrit :Grève, non-parution et interrogations
Didier Pourquery, directeur délégué de la rédaction de «Libération»
Mercredi matin à l’arrivée dans nos locaux, une drôle d’ambiance. Toutes les conversations tournent autour de la manifestation en cours devant le siège des NMPP (la principale société chargée de la distribution de la presse). 300 ouvriers du Syndicat du livre SGLCE-CGT de ce groupe font grève pour protester contre le plan de restructuration. Ils font savoir que la sortie du Monde de l’après-midi est menacée. On sait ce que cela veut dire : ça sent le kiosque vide le lendemain matin. Les manifestants protestent contre le plan Défi 2010, qui prévoit la fermeture ou la relocalisation de centres de traitement de la presse et un plan de départs de 350 personnes sur 3 000 salariés. Les conditions de départ de ces salariés sont assez favorables, mais il s’agit à l’évidence d’une question de principe. Le syndicat refuse toute fermeture de centre.
A Libé, nous nous installons autour de la table du comité de rédaction et faisons comme d’habitude la critique du journal de la veille et le tour des sujets du jour. Des nouvelles sur le conflit arrivent pendant que nous discutons : un cordon de CRS est installé devant les NMPP et l’ambiance est tendue. Chez nous, le malaise grandit. Ces jours de grève sont plombants. On ne sait pas si le journal sur lequel on va travailler treize heures durant sortira ou non. Nous avons déjà connu ça. Le conflit en question dure depuis plus de neuf mois. Il a sévèrement obéré les ventes du journal lors des grèves précédentes. Cette fois, c’est d’autant plus frustrant qu’en pleine crise économique, nous avons beaucoup de sujets à traiter. C’est alors que nous apprenons qu’un manifestant a été interpellé par les CRS. Message reçu : la sortie du journal est vraiment menacée. Des négos sont en cours, dont on apprend qu’elles se tendent. Nous décidons quand même d’essayer de faire nos 24 pages d’actu. Sans savoir ce qu’il en adviendra. Au fil de la journée, les mauvaises nouvelles tombent. Dans telle imprimerie les ouvriers sont solidaires, telle autre peut tourner mais les journaux resteront à quai. La fédération Filpac-CGT, qui chapeaute la SGLCE, se dit, elle, contre la non-parution des journaux. Perplexes, nous continuons à bosser. Jusqu’au soir, où nous apprenons qu’il n’y a plus aucun espoir de sortir. Nos 24 pages sont prêtes. A l’heure. Nous les mettrons en ligne sur Libération.fr pour que l’info passe quand même. La presse papier va mal ? Tu parles !
C'est sur. Si la presse va mal c'est à cause des grèves des ouvriers de diffusion...
