L'enfant citoyen dans la ville!

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Valiere » 23 Nov 2008, 08:40

a écrit :L’ENFANT ACTEUR DANS LA VILLE :

PASSER DU MIRAGE ELECTORALISTE A LA REALITE CONSTRUITE

Le nombre de conseils d’enfants et de jeunes continue à se multiplier. Dans la plupart des cas, il ne s’agit que de la pâle copie des conseils municipaux : les électeurs ne sont jamais consultés !
Il faut en revenir aux fondamentaux : le conseil est un espace de dialogue où les enfants informés donnent leurs avis et élaborent des projets réalisables qui pourront aboutir grâce à l’aide des adultes.
Il est possible de changer de braquet et de se préoccuper de tous les enfants et pas seulement de certains .
La démarche participative et la formation ouverte à tous sont deux vecteurs de transformation contribuant à faire vivre une citoyenneté pleine et entière et non de pure forme.

Le conseil d’enfants ou de jeunes est en vogue…

Au cours des élections municipales de mars 2008, toutes les listes en présence , ou presque, ont annoncé leur intention d’apporter un nouveau souffle au conseil d’enfants existant ou d’en créer un….
Les campagnes électorales voient fleurir les promesses !

Il serait temps d’élaborer un diagnostic rigoureux relevant le décalage entre les intentions et les actes afin d’ essayer de sortir du train train et de se donner clairement l’objectif de rendre les mineurs des acteurs et auteurs de la vie sociale locale.

Ah la citoyenneté ! Ce serait comme la prose de Mr Jourdain : tout le monde la pratiquerait, tout le monde ou presque. Il faudrait à peine gratter le vernis pour découvrir la réalité qui bien souvent est très loin des intentions affichées. Les comités ou conseils de quartiers ne sont « parfois » que des coquilles vides ou des chambres d’information.

Quand on aborde la question de la citoyenneté des mineurs, on a l’impression de prêcher dans le désert.
Pour beaucoup de responsables politiques qui, par ailleurs, prônent la démocratie participative « au propre ou au figuré », l’enfant est un citoyen en devenir et pas un citoyen ici et maintenant.
Les différents ministères de l’Education nationale ponctuent l’année scolaire par des journées citoyennes, qu’il s’agisse de la défense de l’environnement, de la santé publique, de la prévention routière. L’objectif visé est de sensibiliser et de former …
Des Municipalités, constatant des carences en termes de citoyenneté dans leur territoire de juridiction proposent aux enseignants des interventions gratuites dans les communes : le tri des déchets ou le ramassage des déjections canines.
L’empilement des campagnes menées à la va vite conduit à « surcharger la mule » ;
Les enseignants ont du mal à réaliser un programme qui doit supporter une réduction régulière du nombre d’heures d’enseignement….
Tout ceci pour transformer l’enfant en simple consommateur et désespérer nombre d’enseignants !

Les campagnes « gadget » sont tout sauf de la citoyenneté !

UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE !

Des instituteurs ont décidé de proposer à leurs élèves les différents sujets annuels et de leur demander d’en choisir un qui serait traité collectivement.
D’autres vont plus loin en informant leurs élèves sur les possibilités offertes en termes de campagnes et en laissant le choix entre l’existant et d’autres idées issues du débat organisé en assemblée de classe.
C’est un premier pas prometteur qu peut amorcer une démarche réellement participative et active : les enfants commencent par choisir et décider pour ensuite conduire leur projet de A jusqu’à Z avec l’aide de leur maître d’école… On se situe là au sommet de l’échelle de participation de Roger Hart et loin des pratiques de l’enfant manipulé ou même de la démocratie de pure forme.
J’entends déjà certains défenseurs de l’école d’hier dénoncer le « pédagogisme » !, cet hydre démoniaque !
Ce n’est vraiment pas la peine de crier aux loups ! ou du moins ne cherchons pas le loup au sein des écoles, il se trouve dans certains ministères et pas autre part !
Les enseignants « école moderne » peuvent à la fois d’insurger contre l’appauvrissement des programmes et à la fois prôner et faire vivre une pédagogie active qui prend appui sur les motivations, les envies des enfants.
Evitons ici le faux débat et les faux procès..
Tout n’est pas choix et certains enseignements indispensables passent inévitablement par des apprentissages dits traditionnels: le jeu peut être un outil mais parfois il faut passer par la case apports méthodologiques ou par le par cœur.
Il faut mettre un terme aux débats de sourds entre des  reconstructeurs qui seraient des réactionnaires et des innovateurs qui refuseraient d’enseigner les bases indispensables.

Quant à ces enseignants jugés à la va vite comme des rétrogrades, ils peuvent se laisser convaincre et évoluer assez vite… Il suffit de partir d’une base d’accord et de se donner les moyens pour qu’en bout de course les enseignants quelque peu réservés évoluent en s’apercevant qu’une dynamique positive s’instaure sur l’établissement avec une baisse du nombre d’incivilités, une implication d’enfants et l’émergence de propositions intéressantes.
Dans une école de Villejuif, après une demi journée de discussion, prise sur le temps de travail, les instituteurs ont décidé de faire vivre la citoyenneté des mineurs. Pour éviter les clivages et faciliter le « tous ensemble » les enseignants ont limité le cadre de la concertation à la gestion de la récréation. Peu à peu, l’évaluation collective positive a fait bouger les digues et après une année de fonctionnement, tous les adultes ont voulu aller plus loin et élargir le champ de compétence du conseil…. Attention ! les enfants ne devenaient pas rois, ils donnaient leurs avis et le conseil des maîtres restait souverain.

Alors qu’au début des années 70, de nombreux conseils d’enfants ont vu le jour et se sont maintenus, très peu de ces structures de concertation ont permis aux mineurs de devenir des acteurs dans des domaines où ils sont directement concernés.
Au mieux les enfants élus par leurs pairs peuvent émettre des propositions d’aménagements qui sont reprises par le conseil municipal dans le cadre de travaux commandés, au pire quelques propositions seulement sont mises en œuvre, les enfants restant là pour la décoration : élus ils se retrouvent dans le monument aux morts le 8mai afin de pallier la désaffection de ces cérémonies par leurs parents.

Quelques municipalités ont essayé de conjuguer au présent le verbe participer et de renoncer à toute manipulation directe ou indirecte des enfants.
Quelques décideurs ont essayé de construire des conseils d’enfants sur le principe de la démocratie participative rompant avec l’habitude qui voulait que les élus décident tout à la place de leurs mandants…
Le va et vient élus - électeurs est difficile mais c’est le seul qui permet une implication du plus grand nombre.

Pour ce faire il est nécessaire à la fois de donner des moyens de fonctionnement aux conseils, d’intéresser les enseignants qui peuvent laisser un temps dans les classes ou à l’école aux comptes rendus réguliers de mandats et à la fois de former les élèves à la prise de parole et à l’organisation des débats.
En l’absence d’un temps formalisé, accepté par l’instituteur de la classe, aucun compte rendu de mandat n’est possible…La démocratie participative devient alors un vœu pieux.

La fonction  du conseil d’enfants est de donner la parole à toute une tranche d’âge et de lui permettre de se concerter afin de formuler des propositions d’actions ou de transformation qui soient  traduites en projets réalisables.
L’erreur serait de transformer le conseil d’enfants en un espace où des enfants élus pourraient avoir des activités ludiques entre eux et  se comporter comme beaucoup de conseils municipaux adultes qui décident sans consulter la  population.

Aucune démocratie participative d’enfants n’est possible à l’échelle d’un territoire si les enseignants sont opposés au projet ou même s’en désintéressent.  C’est souvent là où le bât blesse quand une école ou un enseignant refuse d’organiser les élections ou de laisser un lieu et un temps pour que les élus, représentants puissent consulter leurs mandants.

Alors que faire ?
Il est nécessaire et indispensable de convaincre les enseignants récalcitrants , ce qui suppose que les animateurs chargés de faire vivre la « citoyenneté des mineurs » puissent disposer de temps pour rencontrer les enseignants et leur expliquer la fonction du conseil d’enfants .

Quand ce travail est effectué et quand les enseignants sont consultés et régulièrement informés, les différents verrous sautent et le conseil peut fonctionner réellement.

Lors d’une réunion publique qui s’est tenue à Boissy Saint Léger, il y a plusieurs années, la proposition émanant de plusieurs parents voulant que l’administration contraigne les enseignants opposés à la mise en place de conseils d’enfants à obtempérer, a été, heureusement rejeté par l’assistance : !

Chaque enseignant doit rester maître de sa pédagogie dans le cadre du respect des programmes nationaux et toute dérive peut conduire à une municipalisation de l’école….

Les principes d’indépendance de chaque enseignant doivent être respectés et toute dérogation risque d’être improductive en dressant le corps enseignant contre l’ innovation

Seul un travail patient de persuasion peut permettre de déboucher sur un projet commun partagé. La vie montre que les frontières peuvent s’estomper.

Il suffit parfois d’une rencontre comme cette réunion pédagogique traitant de la question de la citoyenneté ou de l’intérêt porté sur un journal de conseil d’enfants, utilisable par les instituteurs dans leur classe.
Les adultes, comme les enfants, eux-mêmes, ne doivent pas être instrumentalisés mais associés. C’est une question principielle mais aussi d’efficacité.
L’existence d’un authentique comité de pilotage du conseil , comprenant des animateurs, des enseignants volontaires et des parents est un bras de levier pour que le projet global soit porté par tous et par toutes.
La frontière entre les personnels intervenant sur le temps scolaire et ceux qui sont chargés des accueils péri scolaires est artificielle. Quand les différents professionnels, co-éducateurs de l’enfant se retrouvent autour d’une même table et apprennent à se connaître, ils peuvent agir de concert.


Et la formation des enfants ?

Très souvent des formations sont organisées à l’intention des élus, localement avec la collaboration d’un mouvement d’éducation populaire ou à l’échelle nationale avec l’ANACEJ ( Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes)
On en revient au système qui privilégie les « délégués »

Pourquoi ne pas proposer une formation ludique qui puisse s’adresser à tous les enfants d’une tranche d’âge ( les 9-11 ) par exemple ? dans le cadre du temps libre : un  ou plusieurs samedis par exemple.

Le programme pourrait s’articuler autour :

- de la connaissance des droits de l’enfant
d’une découverte de la ville et des lieux où peuvent s’exercer les droits de l’enfant : bibliothèque, centre de loisirs, musée;
de la menée de réunion

Il s’agirait d’intéresser et d’impliquer tous les enfants au lieu de ne valoriser que les élus.

Beaucoup d’enfants n’ont que la rue comme espace éducatif aussi, réellement consultés et associés dans une démarche démocratique, ils pourraient, tous ensemble discuter de leur situation et exprimer leurs demandes en termes de loisirs et de structures.

C’est un projet ambitieux mais à la hauteur des enjeux démocratiques et pas du tout démagogique, puisque les droits positifs déclinés dans les articles de la  Convention Internationale des Droits de l’Enfant seraient effectifs.
Tous les enfants seraient informés et consultés dans des domaines où ils sont directement concernés et les élections ne seraient qu’un moyen et non un but en soi.

Dans un an la Convention Internationale des Droits de l’enfant fêtera son vingtième anniversaire et de nombreux conseils d’enfants et de jeunes souffleront leurs trente bougies… En rester à l’état actuel où plus de 95% des conseils sont des structures de démocratie représentative, c’est limiter l’expression et la concertation à une minorité privilégiée…
Il faut aller plus loin et se doter de moyens permettant à tous les enfants d’un territoire donné de devenir de réels acteurs

Jean-François CHALOT
Valiere
 
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