Vous aimez les fables ?

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Zelda » 21 Juin 2010, 19:11

Bonjour.

Vous aimez les fables, les vraies, pas celles que nous racontent les politiciens bonimenteurs ?

De Monsieur FLORIAN, dont la plus connue est "l'aveugle et le paralytique", merveilleuse fable sur "la situation de handicap".

Cette fable très drôle : =D>

Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)
a écrit :
L'avare et son fils

Par je ne sais quelle aventure,
Un avare, un beau jour, voulant se bien traiter,
Au marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,
Les compta, rangea, recompta,
Ferma les doubles tours de sa double serrure,
Et chaque jour les visita.
Ce malheureux, dans sa folie,
Les bonnes pommes ménageait ;
Mais lorsqu'il en trouvait quelqu'une de pourrie,
En soupirant il la mangeait.
Son fils, jeune écolier, faisant fort maigre chère,
Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs, et va dans ce réduit,
Suivi de deux amis d'excellent appétit.
Or vous pouvez juger le dégât qu'ils y firent,
Et combien de pommes périrent.
L'avare arrive en ce moment,
De douleur, d'effroi palpitant.
Mes pommes ! Criait-il : coquins, il faut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.
Mon père, dit le fils, calmez-vous, s'il vous plaît ;
Nous sommes d'honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n'avons mangé que les bonnes.
Zelda
 
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Message par Zelda » 21 Juin 2010, 19:19

Celle-ci aussi est très jolie, sur les faiseux, et les commenteux. :-P
Toujours de Florian.

a écrit :Le lierre et le thym

Que je te plains, petite plante !
Disait un jour le lierre au thym :
Toujours ramper, c'est ton destin ;
Ta tige chétive et tremblante
Sort à peine de terre, et la mienne dans l'air,
Unie au chêne altier que chérit Jupiter,
S'élance avec lui dans la nue.
Il est vrai, dit le thym, ta hauteur m'est connue ;
Je ne puis sur ce point disputer avec toi :
Mais je me soutiens par moi-même ;
Et, sans cet arbre, appui de ta faiblesse extrême,
Tu ramperais plus bas que moi.

Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires,
Qui nous parlez toujours de grec ou de latin
Dans vos discours préliminaires,
Retenez ce que dit le thym.


Et encore une mignonne de Florian :

a écrit :La chenille

Un jour, causant entre eux, différents animaux
Louaient beaucoup le ver à soie.
Quel talent, disaient-ils, cet insecte déploie
En composant ces fils si doux, si fins, si beaux,
Qui de l'homme font la richesse !
Tous vantaient son travail, exaltaient son adresse.
Une chenille seule y trouvait des défauts,
Aux animaux surpris en faisait la critique,
Disait des mais, et puis des si.
Un renard s'écria : messieurs, cela s'explique ;
C'est que madame file aussi.


Celle-là est super aussi.
Elle me fait tout de suite penser à un collègue, qui a ce genre d'attitude. :sygus:
Je ne sais pas pourquoi, les fables parlent bien des gens, des vraies gens.

Toujours Florian, on va dire que c'est ma journée Florian.

a écrit :Le chat et la lunette

Un chat sauvage et grand chasseur
S'établit, pour faire bombance,
Dans le parc d'un jeune seigneur
Où lapins et perdrix étaient en abondance.
Là, ce nouveau Nembrod, la nuit comme le jour,
A la course, à l'affût également habile,
Poursuivait, attendait, immolait tour-à-tour
Et quadrupède et volatile.
Les gardes épiaient l'insolent braconnier ;
Mais, dans le fort du bois caché près d'un terrier,
Le drôle trompait leur adresse.
Cependant il craignait d'être pris à la fin,
Et se plaignait que la vieillesse
Lui rendît l'oeil moins sûr, moins fin.
Ce penser lui causait souvent de la tristesse ;
Lorsqu'un jour il rencontre un petit tuyau noir
Garni par ses deux bouts de deux glaces bien nettes :
C'était une de ces lunettes
Faites pour l'opéra, que par hasard, un soir,
Le maître avait perdue en ce lieu solitaire.
Le chat d'abord la considère,
La touche de sa griffe, et de l'extrémité
La fait à petits coups rouler sur le côté,
Court après, s'en saisit, l'agite, la remue,
Etonné que rien n'en sortît.
Il s'avise à la fin d'appliquer à sa vue
Le verre d'un des bouts, c'était le plus petit.
Alors il apperçoit sous la verte coudrette
Un lapin que ses yeux tout seuls ne voyaient pas.
Ah ! Quel trésor ! Dit-il en serrant sa lunette,
Et courant au lapin qu'il croit à quatre pas.
Mais il entend du bruit ; il reprend sa machine,
S'en sert par l'autre bout, et voit dans le lointain
Le garde qui vers lui chemine.
Pressé par la peur, par la faim,
Il reste un moment incertain,
Hésite, réfléchit, puis de nouveau regarde :
Mais toujours le gros bout lui montre loin le garde,
Et le petit tout près lui fait voir le lapin.
Croyant avoir le temps, il va manger la bête ;
Le garde est à vingt pas qui vous l'ajuste au front,
Lui met deux balles dans la tête,
Et de sa peau fait un manchon.

Chacun de nous a sa lunette,
Qu'il retourne suivant l'objet ;
On voit là-bas ce qui déplaît,
On voit ici ce qu'on souhaite.


Très bon aussi ça, et pour le coup, inattendu. Je l'ai relue deux fois.

a écrit :
Le château de cartes

Un bon mari, sa femme et deux jolis enfants
Coulaient en paix leurs jours dans le simple ermitage
Où, paisibles comme eux, vécurent leurs parents.
Ces époux, partageant les doux soins du ménage,
Cultivaient leur jardin, recueillaient leurs moissons ;
Et le soir, dans l'été, soupant sous le feuillage,
Dans l'hiver, devant leurs tisons,
Ils prêchaient à leurs fils la vertu, la sagesse,
Leur parlaient du bonheur qu'ils procurent toujours.
Le père par un conte égayait ses discours,
La mère par une caresse.
L'aîné de ces enfants, né grave, studieux,
Lisait et méditait sans cesse ;
Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse,
Sautait, riait toujours, ne se plaisait qu'aux jeux.
Un soir, selon l'usage, à côté de leur père,
Assis près d'une table où s'appuyait la mère,
L'aîné lisait Rollin ; le cadet, peu soigneux
D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes,
Employait tout son art, toutes ses facultés,
A joindre, à soutenir par les quatre côtés
Un fragile château de cartes.
Il n'en respirait pas d'attention, de peur.
Tout à coup voici le lecteur
Qui s'interrompt. " Papa, dit-il, daigne m'instruire
Pourquoi certains guerriers sont nommés conquérants,
Et d'autres fondateurs d'empire ;
Ces deux noms sont-ils différents ? "
Le père méditait une réponse sage,
Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir,
Après tant de travail, d'avoir pu parvenir
A placer son second étage,
S'écrie : " Il est fini ! " Son frère, murmurant,
Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage ;
Et voilà le cadet pleurant.
" Mon fils, répond alors le père,
Le fondateur c'est votre frère,
Et vous êtes le conquérant. "


Une petite classique mais qui fait toujours plaisir

a écrit :Le jeune homme et le vieillard

« De grâce, apprenez-moi comment l'on fait fortune,
Demandait à son père un jeune ambitieux.
- Il est, dit le vieillard, un chemin glorieux :
C'est de se rendre utile à la cause commune,
De prodiguer ses jours, ses veilles, ses talents,
Au service de la patrie.
- Oh ! trop pénible est cette vie ;
Je veux des moyens moins brillants.
- Il en est de plus sûrs, l'intrigue... - Elle est trop vile ;
Sans vice et sans travail je voudrais m'enrichir.
- Eh bien ! sois un simple imbécile,
J'en ai vu beaucoup réussir. »


Il a des chutes d'anthologie :

On lui doit aussi le fameux "Pour vivre heureux vivons cachés" dans sa fable, le Grillon.
Et "Puis lui dit : chacun son métier,
Les vaches seront bien gardées." dans la fable le Vacher et le Garde-chasse.

Et enfin

Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
Chagrin d'amour dure toute la vie.

car "l'ingrate Sylvie" l'a quitté. :hinhin:

Je suis étonnée que cette chute ne soit pas passée à la postérité, elle est chouette. :wub:

a écrit :Le rossignol et le paon

L'aimable et tendre Philomèle,
Voyant commencer les beaux jours,
Racontait à l'écho fidèle
Et ses malheurs et ses amours.
Le plus beau paon du voisinage,
Maître et sultan de ce canton,
Elevant la tête et le ton,
Vint interrompre son ramage :
C'est bien à toi, chantre ennuyeux,
Avec un si triste plumage,
Et ce long bec, et ces gros yeux,
De vouloir charmer ce bocage !
A la beauté seule il va bien
D'oser célébrer la tendresse :
De quel droit chantes-tu sans cesse ?
Moi, qui suis beau, je ne dis rien.
Pardon, répondit Philomèle :
Il est vrai, je ne suis pas belle ;
Et si je chante dans ce bois,
Je n'ai de titre que ma voix.
Mais vous, dont la noble arrogance
M'ordonne de parler plus bas,
Vous vous taisez par impuissance,
Et n'avez que vos seuls appas.
Ils doivent éblouir sans doute ;
Est-ce assez pour se faire aimer ?
Allez, puisqu'amour n'y voit goutte,
C'est l'oreille qu'il faut charmer.
Zelda
 
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Message par Eglantine » 21 Juin 2010, 21:19

Attends, attends,
que je relise tout ça,
=D>
Eglantine
 
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Message par Zelda » 27 Juin 2010, 10:17

Je suis en train de "feuilleter" sur internet le recueil "Contes et Fables" (1888) du grand Tolstoï.
Elles sont toutes simples, en prose, mais j'aime bien.
Mes "bonnes feuilles"

a écrit :LE VIZIR ABDOUL

FABLE


Le schah de Perse avait un grand vizir qui était très-juste.

Un jour, le vizir se rendait chez le schah; sur sa route il vit un commencement de révolte. Aussitôt qu’on l’aperçut, on [  73 ]arrêta son cheval, on l’entoura et on le menaça de le tuer s’il ne faisait pas ce qu’on voulait.

L’un d’entre eux fut même assez audacieux pour lui tirer la barbe.

Quand il fut laissé libre, le vizir se rendit chez le schah, le supplia de venir en aide à son peuple et de ne point punir ses agresseurs.

Le lendemain matin, un épicier vint trouver le grand vizir.

Celui-ci lui demanda ce qu’il voulait. L’épicier répondit :

— Je viens dénoncer celui qui t’a insulté hier; je le connais, c’est mon voisin, on l’appelle Nagi; envoie-le chercher et punis-le.

Le vizir renvoya l’épicier et fit appeler Nagi.

Nagi, comprenant qu’on l’avait dénoncé, [  74 ]arriva plus mort que vif, et se jeta aux pieds du vizir.

Le vizir le releva et dit :

— Je t’ai non pas envoyé chercher pour te punir, mais pour te prévenir que tu as un mauvais voisin; il t’a dénoncé! Méfie-toi et évite-le.

a écrit :
L’AVEUGLE ET LE LAIT
FABLE


Un aveugle de naissance demanda à un voyant :

— De quelle couleur est le lait ?

Le voyant lui répondit :

— La couleur du lait est comme le papier blanc,

— Eh quoi, demanda l’aveugle, [ 116 ]est-ce que cette couleur est aussi soyeuse au toucher que le papier ?

Le voyant répondit :

— Non, elle est blanche comme la farine est blanche.

— Comment? reprit l’aveugle; est-elle aussi molle et pulvérisée que la farine ?

— Non, répondit le voyant, elle est tout simplement blanche comme le lièvre blanc.

— Alors, reprit l’aveugle, elle est aussi velue et aussi douce que la peau du lièvre ?

— Non, répondit le voyant, la couleur blanche est comme la neige.

— Alors, reprit l’aveugle, elle est aussi froide que la neige ?

Et, malgré tous les exemples que le voyant citait à l’aveugle, celui-ci ne pouvait se représenter la couleur blanche du lait.


a écrit :
LES CHACALS ET L'ÉLÉPHANT
FABLE


Les chacals avaient mangé toute la chair morte de la forêt, et ne trouvaient plus rien pour se nourrir.

Un vieux chacal médita sur le moyen de se procurer des vivres.

Il alla trouver l’éléphant et lui dit :

— Nous avions un tzar, mais il devint si bête, qu’il nous donnait des ordres impossibles à exécuter. Nous voulons aujourd’hui nommer un autre tzar, et mon peuple m’envoie te chercher; chez nous, la vie est douce, nous t’obéirons en tout, nous t’honorerons, viens dans notre royaume !

L’éléphant consentit et suivit le chacal. [  150 ]Celui-ci l’emmena dans un marécage, où l’éléphant s’embourba.

Et le chacal lui dit :

— Maintenant, commande! nous sommes prêts à exécuter tes ordres.

L’éléphant répondit :

— J’ordonne que vous me retiriez de là !

Le chacal se mit à rire et reprit :

— Prends ma queue avec ta trompe, et je vais te retirer tout de suite.

L’éléphant surpris répliqua :

— Tu ne peux me retirer avec ta queue !

— Pourquoi donc ordonner ce qu’il est impossible d’exécuter ? reprit le chacal; c’est précisément pour cela que nous avons renvoyé notre premier tzar.

L’éléphant périt dans le marécage, et les chacals le dévorèrent.

a écrit :
LE LOUP ET LA POUSSIÈRE
FABLE


Un loup cherchait à dérober un agneau et suivait la direction opposée au vent, afin que la poussière que soulevait le troupeau le dérobât aux regards.

Le chien de garde l’aperçut et lui cria :

— C’est inutile, mon loup, de marcher dans la poussière; tu auras mal aux yeux. [ 154 ]Et le loup lui répondit :

— Voilà précisément le malheur, mon petit chien, c’est que j’ai mal aux yeux depuis bien longtemps, et l'on dit que la poussière que soulève un troupeau est un excellent remède pour la vue.

a écrit :
LE RENARD ET LE BOUC
FABLE


Un bouc avait soif; il descendit dans un puits, but et devint si lourd qu’il ne put remonter; alors, il se mit à gémir. Le renard l’aperçut et lui dit :

— Quel sot tu fais ! Si tu avais autant d’esprit dans la tête que de poils à la barbe, tu aurais avant de descendre songé au moyen à prendre pour remonter.

a écrit :
LE JEUNE CERF ET SON PÈRE
FABLE


Un jeune cerf dit un jour à son père :

— Petit père, tu es plus grand et plus agile que le chien, et de plus tu as deux cornes pour te défendre; pourquoi donc le crains-tu ?

Le vieux cerf se mit à rire et dit :

— Tu dis vrai, mon enfant; mais malheureusement, dès que j’entends les aboiements d’un chien, j’ai peur et je m’enfuis.

a écrit :
LA GRENOUILLE ET LE LION
FABLE


Le lion entendit coasser la grenouille et eut peur; il pensa que c’était un grand fauve qui criait de la sorte.

Il attendit un instant, et ne vit rien qu’une grenouille qui sortait de la mare.

Le lion l’écrasa sous sa patte et dit :

— Dorénavant, je ne m’effrayerai plus avant de voir.

a écrit :
LE FAUCON ET LE COQ
FABLE


Un faucon se familiarisa si bien avec son maître, qu’il venait se poser sur sa main dès que celui-ci l’appelait.

Le coq, au contraire, fuyait son maître et criait à son approche.

La faucon dit un jour au coq :

— Vous autres coqs, vous n’avez pas le sentiment de la reconnaissance; vous êtes bien d’une race servile, vous n’allez à vos maîtres que poussés par la faim. Quelle [  182 ]différence avec nous, oiseaux sauvages! nous sommes forts, notre vol est plus rapide que le vôtre, et cependant, nous ne fuyons pas les hommes; au contraire, nous nous posons sur leur main quand ils nous appellent; nous nous souvenons que nous leur devons notre pain.

Le coq lui répondit :

— Vous ne fuyez point les hommes, parce que vous n’avez jamais vu un faucon rôti, tandis que nous, nous voyons journellement un coq à la broche.

a écrit :
LE RÔLE LE PLUS DIFFICILE


Le mari et la femme discutaient souvent sur le point de savoir lequel des deux dans le ménage avait le rôle le plus difficile; l’homme disait que c’était le sien, et la femme prétendait le contraire.

Un jour d’été, ils changèrent d’occupation : la femme s’en alla aux champs, et le mari garda la maison.

— Fais bien attention, lui dit en partant la femme; fais sortir à temps les vaches et les moutons; donne à manger aux poussins, et prends garde qu’ils ne s’égarent; prépare le dîner avant mon retour, fais les crêpes et bats le beurre; n’oublie pas, surtout, de piler le millet.

La baba donna donc les ordres nécessaires, et partit. [  213 ]Avant que le moujik eût pensé à faire sortir le bétail, les animaux étaient déjà loin, et c’est avec peine qu’il put les rejoindre.

Il revint à la maison, et pour qu’un milan ne pût enlever les poussins, il les attacha l’un à l’autre par les pattes, et fixa l’extrémité de la ficelle à la patte de la poule.

Il avait remarqué que sa femme, tout en pilant le millet, pétrissait la pâte; il voulut donc faire comme elle. Il se mit à pétrir la pâte et à piler le millet; et, pour pouvoir battre le beurre en même temps, il attacha le pot de crème à sa ceinture. « Lorsque le millet sera pilé, pensa-t-il, le beurre sera prêt aussi. »

À peine le moujik eut-il commencé, qu’il entendit la poule crier : « Kirikiki ! » et les poussins piauler. Il voulut courir pour voir ce qui se passait dans la cour, [  214 ]mais il trébucha, tomba, et le pot de crème fut brisé. Cependant, il se précipite dans la cour, et il aperçoit un énorme milan qui saisit un poussin et l’enlève avec les autres, ainsi que la poule. Pendant que le moujik restait bouche bée, le porc pénétra dans l’izba, renversa le pétrin, la pâte se répandit très à propos pour l’animal qui se mit à la dévorer.

Un autre porc se fourra dans le millet, tandis que le feu s’éteignit.

Le moujik rentra et, devant tous ces malheurs, ne sut plus où donner de la tête.

La femme, en revenant, regarde dans la cour : plus de poules; elle dételle vivement le cheval et entre aussitôt dans l’izba.

— Où sont les poussins et la poule ?

— Un milan les a emportés; j’avais attaché la poule et les poussins pour ne [ 215 ]pas qu’ils s’égarent, mais un énorme milan survint et les emporta.

— Et le dîner est-il prêt ?

— Quel dîner ? puisqu’il n’y a pas de feu ?

— As-tu battu le beurre ?

— Mais, non! en courant dans la cour, je me suis heurté et j’ai été culbuté; le pot s’est cassé, et les chiens ont mangé la crème.

— Et qu’est-ce que c’est que cette pâte qui est répandue ?

— Les maudits cochons! pendant que j’étais dans la cour, ils ont pénétré dans l’izba; l’un a renversé le pétrin, et l’autre le millet dans le mortier.

— Comme tu as bien travaillé ! dit la baba. Moi, j’ai labouré mon champ, et je reviens de bonne heure.

— Ah! oui! là-bas il n’y a qu’une chose [  216 ]à faire tandis qu’ici, il faut tout faire à la fois; prépare ceci, soigne cela, songe à tout, comment y arriver ?

— Et moi cependant, j’y arrive chaque jour; ne discute donc plus, et ne dis plus que les babas n’ont rien à faire.
Zelda
 
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