Altermondialiste et lutte de classe

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Louis » 28 Sep 2003, 14:29

J'ai trouvé ça sur un site altermondialiste (un de plus) C'est signé de Naomi Klein, une des figures les plus en vue du mouvement altermondialiste (auteur de "no logo", une sorte de bible chez ces gens là...) Question : est il dans ces propos question d'un mode de domination inssuportable, ou uniquement une petite révolte de nature petite bourgeoise devant la dureté des temps ? Moi, j'aime bien ce texte, et je pense qu'il est tout a fait représentatif d'un renouveau de la critique sociale Et vous, qu'en pensez vous ?

CITATION En 1812, des ouvriers tisserands et des fileuses britanniques firent des descentes dans les ateliers du secteur textile : ils détruisirent, à la masse, les machines utilisées pour la production industrielle qui s’y trouvaient. Selon les Luddistes1, ces nouvelles machines-outils avaient éradiqué des milliers d’emplois, brisé les liens communautaires, et ne méritaient que destruction. Le gouvernement britannique répliqua en faisant appel à une troupe composée de 14 000 soldats, afin de réprimer sévèrement la révolte et de mettre à l’abri de la casse le matériel industriel.
Deux siècles après, venons en, par un de ces surprenants raccourcis de l’Histoire, à une autre usine de textile, mais celle-ci située à Buenos Aires : l’usine Brukman, très exactement, où l’on confectionne des vêtements pour homme depuis cinquante ans. Ici, c’est la police anti-émeute qui est venue s’en prendre aux machines à coudre ainsi qu’aux 58 ouvriers qui ont risqué leur vie pour les protéger du saccage. Lundi dernier, l’usine Brukman fut l’objet de la pire répression que Buenos Aires ait connu depuis près d’une année. Les forces de l’ordre ont expulsé les ouvrières en pleine nuit, transformant le site et ses alentours en une zone militaire surveillée à la mitrailleuse et gardée par des chiens d’attaque. Interdites d’entrer dans l’usine pour exécuter une commande exceptionnelle de 3 000 paires de pantalons, les ouvrières, accompagnées d’une foule im-mense, ont annoncé leur intention de reprendre quand même le travail. À 5h de l’après-midi, une cinquantaine de couturières, revêtues de bleus de travail seyants, avec cette allure provocante de mères de famille soucieuses du budget familial, se sont avancées jusqu’au cordon établi par la police. L’une d’entre elles a poussé une barrière : elle est tombée ; les ouvrières de chez Brukman, se tenant par le bras, ont alors lentement pénétré le périmètre interdit. A peine avaient-elles parcouru quelques mètres que la police se mit aussitôt à tirer : gaz lacrymogène, canons à eau, premières balles en caoutchouc, puis, carrément, le plomb. La police chargea aussi les mères de la plaza de Mayo. Elles arboraient pourtant sur la tête leurs foulards blancs, le nom de leur enfant « disparu » brodé dessus… Des douzaines de manifestants furent blessés à cette triste occasion. La police utilisa même le gaz lacrymogène à l’intérieur d’un hôpital où certains des manifestants avaient trouvé refuge.
Voici donc un cliché de la république d’Argentine, pris moins d’une semaine avant les élections présidentielles. Les cinq prétendants principaux promettent tous de remettre au travail le pays ravagé par la crise. Pourtant, les ouvrières de Brukman, dont le seul crime a été de vouloir en découdre avec la confection de costumes gris passe-partout, sont traitées comme de dangereuses délinquantes, voire des criminelles. Pour-quoi ce Luddisme d’état ? Pourquoi cette violence faite à des machines ? Parce que Brukman n’est pas n’importe quelle usine : elle est l’une des deux cents usines « occupées » à travers le pays, depuis plus d’un an et demi, qui ont été remises en marche par leurs ouvriers. Ces différentes usines em-ploient plus de 10 000 personnes sur tout le territoire argentin, produisant aussi bien des tracteurs que de la crème glacée, elles sont ou deviennent une réponse politique autant qu’une réponse économique à la crise actuelle.
« … Ils ont peur de nous parce qu’en démontrant que nous pouvons faire marcher une usine, nous faisons également la preuve que nous pourrions gouverner le pays… » C’est ce que nous a déclaré l’ouvrière Célia Martinez de chez Brukman, durant la nuit de lundi. « Voilà pourquoi le gouvernement a décidé de nous réprimer… »
À première vue, Brukman ressemble à toutes les autres usines de fabrication de vêtements de par ce vaste monde. Elle est semblable aux usines de Mexico ou de Toronto, même si les procédés de fabrication diffèrent quelque peu ou prou… L’atelier de confection de Brukman est rempli de femmes penchées sur leur machine à coudre, les yeux fatigués, les doigts courant au-dessus du tissu et du fil. Ce qui rendrait Brukman différent tiendrait à son environnement sonore particulier. Il y a, bien sûr, le hurlement habituel des machines, le sifflement attendu de la vapeur, mais il y a également cette musique folklorique bolivienne qu’émet un lecteur de cassettes à l’arrière de l’atelier et le ton tranquille des voix des ouvrières plus âgées penchées au-dessus des plus jeunes en train de leur montrer comment faire de nouveaux points. « Ils ne nous permettaient pas de quitter notre siège auparavant… Ni d’écouter de la musique pendant le travail… Pourtant, cela ne fait pas de mal et donne plus de pêche »… commente Célia Martinez.
A Buenos Aires, chaque semaine apporte des informations concernant telle ou telle occupation : ici, un hôtel « quatre étoiles » fonctionne désormais grâce à son personnel d’entretien ; un peu plus loin, un supermarché est géré par ses employés. Ailleurs encore, une compagnie aérienne de desserte locale se transforme en coopérative, une décision prise par les pilotes et le personnel au sol. Ces usines en autogestion sont acclamées partout dans le monde, plus spécialement dans la presse (confidentielle) qui se réclame encore du trotskisme. Par contre, dans la grande, l’importante presse économique, comme The Economist notamment, ces occupations sont rapportées sur un ton dramatique, décrites comme une lourde menace remettant en cause le principe sacré de la propriété privée. La vérité se trouve quelque part entre ces deux appréhensions divergentes. Chez Brukman, par exemple, le personnel ne s’est pas emparé des moyens de production. Ils ont eu juste à se baisser pour s’en saisir, suite à l’abandon des propriétaires légaux. L’usine était en perte de vitesse depuis plusieurs années ; les dettes envers les fournisseurs s’accumulaient et, au cours des cinq derniers mois, les couturières ont vu leurs salaires se réduirent comme une peau de chagrin, passant de 100 pesos par semaine à 2 pesos seulement – même pas assez pour le prix d’un trajet en autobus. Le 18 décembre, les ouvrières ont décidé qu’il était temps d’exiger une prime de transport. Les propriétaires de l’usine, s’appuyant sur leur manque drastique de créance actuelle, ont demandé aux ouvrières d’être patientes, d’attendre, tandis qu’ils se mettaient en quête d’argent frais. « Nous les avons attendus jusqu’en fin d’après-midi… Nous les avons attendus toute la soirée ! » explique Martinez. « Personne n’est revenu ! »
Après avoir obtenu du concierge les clefs, Martinez et les autres ouvrières ont dormi à l’usine. Depuis, elles la gèrent. Elles ont réglé les énormes factures en retard, attiré de nouveaux clients, trouvé de nouveaux débouchés, et, sans se prendre plus longtemps la tête avec les salaires de cadre et les dividendes à distribuer, elles sont parvenues à se verser des salaires, certes modestes, mais réguliers. Toutes ces décisions ont été prises démocratiquement : au vote, dans des assemblées générales. « Je ne sais pas pourquoi c’était aussi difficile pour les propriétaires de l’usine » ajoute Martinez. « …C’est pourtant facile : il suffit de savoir additionner et soustraire… » Brukman représente une nouvelle forme de lutte syndicale. Elle n’est pas basée sur la forme traditionnelle du débrayage mais, bien au contraire, sur le maintien de la production, un maintien ferme et résolu, quoiqu’il advienne. Ici, pas de dogmatisme, mais du simple réalisme. Dans un pays où 58% de la population vit dans la grande pauvreté, savoir que vous pouvez recevoir un chèque comme paiement de votre salaire, sans avoir, pour subsister, à faire les poubelles ou à mendier, ne se refuse pas.
Le spectre qui hante les usines occupées d’Argentine n’est pas le communisme, mais l’indigence.
Mais ne s’agit-il pas d’un vol qualifié ? Après tout, le matériel industriel appartient aux propriétaires qui l’ont acheté – s’ils veulent le vendre ou le déplacer dans un autre pays, c’est leur droit ; ça les regarde. C’est ce
que le juge fédéral a signifié dans l’ordre
d’expulsion concernant les ouvrières de Brukman : « La vie et l’intégrité physique ne l’emportent pas en droit sur les intérêts économiques »
Sans le vouloir, il a résumé la logique pure et dure de la dérégulation mondiale libérale : le capital doit être laisser libre de chercher les plus bas salaires ainsi que toute opportunité de gains supplémentaires, indépendamment des dégâts qu’il peut provoquer chez les individus, aussi bien qu’au sein des communautés. Les ouvriers des usines occupées argentines ont une vision différente du problème : leurs avocats s’appuient sur le fait que les propriétaires des usines en question ont manifestement violé les principes de base du marché en ne payant ni leurs salariés, ni leurs créanciers, et ce, bien qu’ils aient touché des subventions plus qu’importantes de l’Etat. Pourquoi donc l’Etat ne soutient-il pas ce nouvel état de fait ? Permettre la conservation des salaires et de l’activité en réparation des préjudices subis par les uns et les autres ? Déjà plus d’une douzaine de coopératives ont fait l’objet d’une procédure légale d’expulsion. Les ouvrières de chez Brukman se battent toujours, pour l’instant.
Quand on y repense, les Luddistes, en 1812, se trouvaient tant soit peu dans la même situation que nos ouvrières argentines. Les moyens de production nouveaux remplirent les poches de quelques-uns aux dépens du plus grand nombre. Les ouvriers et les ouvrières du secteur textile de cette époque s’essayèrent à combattre cette logique destructive en cassant les machines. Les ouvriers de Brukman ont un bien meilleur plan : ils veulent protéger les machines et briser la logique habituelle…


Naomi Klein*  [/quote]
Louis
 
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Message par tk2003 » 28 Sep 2003, 14:34

je ne comprend pas le lien entre ce texte et les discussions avec ATTAC et la CES sur l'humanisation du capitalisme ou l'europe sociale dans le cadre de Maastricht...
tk2003
 
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Message par Louis » 28 Sep 2003, 15:08

voyons ! y'a pas que ATTAC dans la vie... Et l'intéret de ce texte, c'est de présenter une autre approche, celle des altermondialistes américains. Il est quand meme regrettable que tu semble en rester au paysage franco-français... Parce que je suis sur que tu sera d'accord avec moi, l'intéret (si intéret il y a) de ce mouvement, c'est sa "mondialisation heureuse" cad le fait que ce soit un mouvement organisé sur un plan mondial Ca tombe bien, nous trotskystes sommes justement assez raccord avec ce genre d'approche... En tout cas, plus que les souverainistes...

Donc, revenons a Naomie Klein J'avais lu son "no logo" qui m'avait intéressé, mais pas nourri... Et cet article me semble bien représentatif d'un courant majoritaire chez les Altermondialistes, de leur potentiel comme de leur limite (parce que s'il pointe bien la nécessité d'un changement structurel, autant te dire qu'ils n'ont pas le commencement du début de "comment faire ?"
Louis
 
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Message par tk2003 » 28 Sep 2003, 15:29

CITATION voyons ! y'a pas que ATTAC dans la vie... [/quote]

en effet, mais n'est-ce pas ATTAC et la CES qui oganise pour l'essentiel ces regroupements altermondialisation dont jamais rien ne sort si ce n'est de vague texte "pour une europe sociale" et "une autre mondialisation". Pendant ce temps là, les plans de destruction d'emplois se poursuivent tranquillement.
Qu'il y ai des gens bien dans le mouvement alter ou anti mondialisation, ok, mais c'est la même chose au ps et au pc : ca ne retire pas le caractère contre révolutionnaire de ces partis. Si?

Enfin le fait que ces rassemblements et que ce "mouvement" soit présent sur tout les continents n'est pas un bon argument : un syndicat jaune mondiale n'en resterait pas moins un syndict jaune, même s'il se drape dans l'anti libéralisme tout en couvrant les attaques!
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Message par Louis » 28 Sep 2003, 16:11

Attac, pour des tas de raison (des bonnes et des mauvaises) ne tiens pas a se subtituer aux syndicats C'est bien ces derniers et les révolutionnaires qui devraient se saisir des éléments analysés par ATTAC ou copernic pour mener la lutte. C'est d'ailleurs ce qui passe (ou ne se passe pas) Je suis d'accord avec toi pour penser qu'une bonne partie des militants d'attac prennent celui ci comme un substitut a une organisation politique, d'autant plus qu'ils se sentent en désérence qui du pc, qui des verts, qui des diverses "alternatives". On peut le regretter, mais aussi penser que c'est plus quelque chose qui nous interpelle (parce que ça nous renvoie a notre difficulté a proposer une offre politique crédible) que quelque chose sur lequel nous devons avoir un avis tranché et méprisant
Louis
 
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Message par Screw » 28 Sep 2003, 17:30

Attac c'est une boîte à idées réformiste de gauche avec de puissants relais médiatiques et universitaires.
Quiconque a fréquenté Attac sait qu'il y a un gouffre entre la puissance de l'appareil central et la faiblesse sur le terrain.
La figure de Bové ne doit pas dissimuler les difficultés de l'altermondialisme en France (ailleurs, cela varie selon les pays et selon les thématiques).
Screw
 
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Message par tk2003 » 28 Sep 2003, 17:32

CITATION C'est bien ces derniers et les révolutionnaires qui devraient se saisir des éléments analysés par ATTAC ou copernic pour mener la lutte[/quote]

Euh ben moi je me suis plutôt servi de Lénine et de Trotsky. Quelles sont ces éléments analysés qui permettraient aux travailleurs de se saisir d'ATTAC? Je vois pas... D'autant que les trotskistes sont pour le renversement du capitalisme, pas pour son accompagnement sur la gauche, alors qu'ATTAC et la CES...
tk2003
 
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Message par Louis » 28 Sep 2003, 18:33

par exemple, il m'a semblé qu'on avait parlé récemment de retraites ? Evidemment, tu peut dire au prolo inquiet a l'idée de cotiser "ad vitam eternam" que tu t'en fout d'arranger le systeme, que toi ce que tu veux c'est la révolution, la construction du parti révolutionnaire et bla bla bla et bla bla bla... Ben je suis sur que ton ami prolo va dire : ce mec, c'est un braillard !

C'est bien joli, trotsky et lénine Si ça devient "la bible" ça perd aussitot toute son efficacité ! Et Trotsky ou lénine n'ont rien dit sur la façon de se diriger dans ce genre de situation (et pour cause, de leur temps les prolo n'avaient pas de retraite)

Enfin, moi je ne comprend pas : tu accuse tes camarades de cps d'avoir une vue "a-historique" des choses, et toi, tu adoptes les memes oeuillères

Pas très logique tout ça...
Louis
 
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Message par stef » 28 Sep 2003, 19:06

:D
stef
 
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Message par tk2003 » 28 Sep 2003, 19:16

:dry:
tk2003
 
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