Une nouvelle stratégie

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par freretuck » 25 Avr 2012, 10:56

Bonjour à tous,

L'histoire du mouvement ouvrier est fascinante. Des générations de militants sincères ont donné leur temps, leur énergie et leur vie pour la construction d'un monde meilleur en lieu et place d'un capitalisme inhumain. Leur rendre hommage est la moindre des choses au vu de tout le chemin parcouru.

Oui, mais voilà. Nous sommes en 2012. Et jamais le capitalisme n'a été aussi généralisé, aussi globalisé. Jamais les ressources de la planète n'ont été à ce point monétisées, financiarisées, objet de la spéculation la plus sauvage et de la quête du profit le plus illimité.

Les forces politiques les plus puissantes et les plus pures (et l'on peut rendre hommage à l'histoire de Lutte Ouvrière et son engagement sincère et entier en faveur des ouvriers) n'ont pas été en mesure de renverser la tendance. Chaque jour, à chaque minute, l'exploitation de l'homme par l'homme se poursuit. Le patronat continue d'exploiter les salariés, pour le plus grands bénéfice des banques et des investisseurs.

La vie économique est le fondement de la lutte de classe. Celle-ci apparaît quotidiennement, dans le fonctionnement permanent de la vie économique. D'un côté, les prolétaires, obligés de survivre en vendant leur force de travail. De l'autre côté, la bourgeoisie, détentrice du capital, exploitant les prolétaires pour accumuler davantage de capital. Chaque jour, à chaque minute, les travailleurs se font déposséder de leur force de travail et ne récupèrent qu'une partie de leur richesse sous forme de salaire.
Et cela va depuis des décennies, bientôt des siècles.

Rien ne semble s'opposer à ce fonctionnement diabolique qui maintient les travailleurs en état de survie, en équilibre précaire entre endettement, précarité et exploitation quotidienne. N'oubliez pas ce que je vous dis. Nous sommes tous des prolétaires. Des salariés. Des consommateurs. Nous sommes des millions dans ce cas.

A demain.

Fraternellement.

Frère Tuck.
freretuck
 
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Message par redspirit » 25 Avr 2012, 14:29

Je me retrouve entièrement dans ton beau message freretuck, mais je n'ai pas compris quelle était la nouvelle stratégie que tu voulais proposer. Faire de la propagande à partir des bases du marxisme ?
redspirit
 
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Message par Jacquemart » 25 Avr 2012, 14:54

Attendre Robin des Bois ?
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Message par freretuck » 26 Avr 2012, 09:02

Le fonctionnement capitaliste de la société domine le monde. A chaque instant, des masses astronomiques d’argent sont créées, échangées ou dépensées par des milliards d’individus. La vie économique est devenue le fondement de la vie sociale de toute l’humanité. On est consommateur et salarié avant d'être citoyen. L’argent est devenu le référent universel par lequel se forge une représentation partagée du monde et de son évolution.

I – LE CAPITALISME

Les richesses créées depuis le développement des échanges commerciaux modernes au début du Moyen-âge et plus encore depuis les débuts de l’ère industrielle sont considérables. Elles ont permis à la population de croître et d’élever considérablement son niveau de vie général : le confort matériel a progressivement permis à des centaines de millions d’individus de vivre mieux et plus longtemps que leurs parents.
Et pourtant, le système capitaliste sur lequel repose la base des échanges économiques est en train de s’autodétruire. Son fonctionnement dérive au gré des décisions des acteurs économiques. Les États et les particuliers s’endettent massivement et souvent s'appauvrissent. Les entreprises cherchent à produire de la croissance, source de richesses et de capital. Les investisseurs accumulent du capital mais de moins en moins pour produire. Ils accumulent pour accumuler davantage. Le système se déséquilibre et court régulièrement de crise en crise, fragilisant davantage les États, sacrifiant les entreprises, appauvrissant les peuples au profit des seuls investisseurs qui tirent les ficelles de l’ensemble du système.
L’économie capitaliste est organisée de manière complexe et mondialisée. Néanmoins, son fonctionnement quotidien peut être décrypté. La circulation du capital peut être représentée pour comprendre la nature des relations économiques entre les principaux acteurs de l’économie et les conséquences financières qui en découlent.

Quatre types d’acteurs économiques interagissent entre eux et font tourner l’économie :
- les institutions publiques, au premier rang desquelles l’Etat et les collectivités ;
- les entreprises, employant les salariés pour créer de la richesse ou capital ;
- les « particuliers », terme générique pour désigner chaque personne dans sa dimension économique (salarié et consommateur) et politique (citoyen) ;
- les investisseurs enfin, fonds d’investissements, banques et assurances qui financent l’ensemble du système en « créant » du capital et en l’accumulant de manière systémique.

Chaque acteur a ses intérêts propres et interagit différemment avec les autres acteurs :



Cette représentation de la circulation du capital permet de révéler comment des échanges apparemment équitables (chacun donne et reçoit de tous les autres) sont porteurs d’inégalités.
Les particuliers, les entreprises et l’Etat reçoivent du capital sous forme de prêts ou de crédits de la part d’investisseurs pour se financer, mais en retour doivent le rembourser avec un intérêt. Tout va bien lorsque dans l’intervalle entre le prêt et son remboursement, on a pu développer du capital : les entreprises y parviennent souvent.
En revanche, dès lors qu’aucune richesse n’est créée avec ce capital, que ce soit pour développer des infrastructures et des services publics pour l’Etat, ou quand un particulier s’achète une voiture ou un logement, chacun doit trouver ailleurs les intérêts du prêt : les Etats ont recours à l’impôt, les particuliers travaillent plus et au final tous ont tendance à s’endetter.
Le schéma suivant permet de mettre à jour les processus d'enrichissement entre les principaux acteurs économiques. La tendance à l'enrichissement et à l’endettement pour chaque acteur est représentée par un chiffre en fonction du nombre de type de flux de capitaux qu'il donne et qu'il reçoit des autres acteurs.



Les entreprises et leurs salariés, dirigeants et employés, travaillent chaque jour davantage pour assurer une rentabilité dont profitent directement une couche d’investisseurs en voie d’enrichissement accéléré : banques, assurances, fonds d’investissements et dans une moindre mesure rentiers et investisseurs individuels.
Au 19ème siècle, Karl Marx a démontré que la société portait en son sein deux classes sociales aux intérêts irréconciliables : les prolétaires tenus de vendre leur force de travail pour survivre, et les bourgeois (entrepreneurs et rentiers) s’employant à investir des capitaux afin de produire davantage de capital.
De nos jours, les particuliers sont les prolétaires modernes, obligés de vendre leur force de travail afin de survivre, et les bourgeois d’hier sont devenus les investisseurs d’aujourd’hui. Les grandes entreprises leur ressemblent par leurs moyens d'investissement considérables, tandis que les patrons de PME et les petits commerçants ont tendance à s’endetter et travailler davantage pour se développer et permettre aux investisseurs de réaliser des bénéfices par les prêts qu’ils leur consentent.
Ces investisseurs, peu nombreux, souvent invisibles du grand public, toujours discrets, sont les grands gagnants des règles actuelles et continuent de pressurer le système en augmentant les différences de répartition des richesses. Aucun obstacle, ni réglementaire (politique), ni technique (économique), ni idéologique (intellectuel) n’empêche une telle évolution.
Partout, la quête du profit individuel s’impose comme une nouvelle religion au détriment de la recherche de progrès collectifs. La loi du plus fort progresse au détriment de toute notion de justice, de développement durable ou d’épanouissement personnel et collectif.
La croissance de la Chine cache mal l’enrichissement réel de l'investisseur, la fragilisation de l’Etat et la précarisation du travailleur chinois. Les émeutes de la faim en Afrique ne sont que le produit de la plus sauvage spéculation financière sur les matières premières agricoles.
Aujourd’hui, le capitalisme semble donc plus que jamais imposer ses règles, mais se révèle néfaste au développement harmonieux et durable de l’humanité. A ce titre, la question de son remplacement par une organisation économique plus efficiente et durable se pose.

A demain,

fraternellement,

Frère Tuck.
freretuck
 
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Message par Mike Balard » 26 Avr 2012, 19:01

Magistral, professeur TUCK! =D>

Même si l'on n'apprend rien de bien neuf, il faut dire que c'est très bien démontré.

J'ai hâte de lire la suite.
Mike Balard
 
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Message par freretuck » 27 Avr 2012, 08:39

Bonjour à tous,

Aujourd'hui :

II – LA CRITIQUE POLITIQUE DU CAPITALISME

Le capitalisme exerce son pouvoir sur les domaines économique, politique et médiatique.

Au niveau économique, les circuits économiques marchands représentent 90 % du PIB. La finance non solidaire représente plus de 99% des actifs en circulation en France.

Au niveau politique, les gouvernements ont développé un cadre réglementaire favorable aux investisseurs : niches fiscales, exonération d’impôts pour les plus grandes entreprises, non-intervention dans le fonctionnement des marchés financiers, recours croissant à l’emprunt privé. Les États sont massivement endettés depuis 40 ans et s’endettent chaque année un peu plus, notamment par le vote de budgets en déficit. Pour éviter de s’endetter trop vite, on cherche à réaliser des économies sur les mécanismes de redistribution des richesses : infrastructures confiées au privé, fermeture de services publics, disparition des aides sociales et fiscales en faveur des particuliers. Chaque année, davantage de personnes sont poussées vers la précarité et la pauvreté alors même que la production de richesse continue d'augmenter. Face à eux, quelques partis d'opposition critiquent cette situation : à gauche, quelques aménagements fiscaux sont proposés.
A l'extrême gauche, un changement plus radical est préconisé, notamment par une prise de contrôle plus importante du pouvoir politique sur les pouvoirs économiques et financiers.

Enfin, les médias de masse et les groupes de réflexion acquis aux thèses économiques libérales contribuent à assurer la légitimité du système économique actuel et proposent peu de moyens permettant de prendre la distance nécessaire à toute réflexion critique. La presse économique relaye quotidiennement les attentes, les craintes et les désirs des investisseurs, ces nouveaux dieux de l’économie qui font la pluie et le beau temps sur les marchés, donc sur l'économie, donc sur la société toute entière.

Sur ces trois fronts économique, politique et médiatique, le capitalisme est aujourd’hui prédominant. On peut en représenter la force sur les deux principaux plans économique et politique, afin de montrer la situation de ses contre-pouvoirs par une schématisation des rapports sociaux existants à ce jour :

- au niveau politique, l’expression du suffrage universel critique au système actuel, que l’on peut identifier approximativement par le vote de gauche se traduit par la maîtrise de quelques cercles de pouvoir, principalement au niveau local. Les institutions politiques nationales et surtout internationales restent marquées par un attachement au capitalisme et à ses tendances accumulatrices.

- au niveau économique, la part du secteur non marchand hors services publics, regroupée sous l’appellation générique d’Économie Sociale et Solidaire (ESS), est en progression mais son influence reste souvent limitée à un niveau local et sa place au cœur du monde financier est absolument marginale.



Le système capitaliste est dominant aujourd’hui mais il n’en a pas toujours été ainsi. Le capitalisme a été contesté et même menacé dans le passé, mais il s’en est toujours remis. Il faut comprendre pourquoi.

La critique du capitalisme naît au début du 19ème siècle avec les premières théories socialistes d’Owen, Saint-Simon et Fourier. Quelques décennies plus tard, une critique structurée apparaît avec la théorie économique de Marx et la fondation de la première Internationale ouvrière en 1864.

Marx considère qu’une prise de pouvoir politique est nécessaire pour établir un nouveau système économique. A sa suite, au début du 20ème siècle, Lénine (puis les mouvements se réclamant du communisme) pense que seule une conquête exclusivement politique et centralisée du pouvoir permettra de changer le système.
Avec la prise de pouvoir politique, le pouvoir économique suivrait. Cette lecture léniniste des écrits de Marx et Engels a marqué l’ensemble de la critique du capitalisme au 20ème siècle : tous les mouvements hostiles au capitalisme, qu’ils soient socialistes ou communistes ont axé leur action sur la seule prise du pouvoir politique, délaissant toute action économique contre le fonctionnement même du capitalisme… pour le plus grand profit des capitalistes.

En effet, les syndicats, parfois puissants, n’ont joué qu’un rôle mineur dans la construction globale des rapports de force sociaux et se sont souvent révélés subordonnés aux acteurs politiques. Le syndicalisme de type révolutionnaire a bien cherché à s'en affranchir. Mais si la grève générale et le boycott peuvent impacter ponctuellement le processus de production, le circuit d’investissement qui irrigue en continu l’économie toute entière n'est en rien fragilisé.

Les initiatives économiques alternatives au capitalisme comme le mutualisme ou le mouvement coopératif sont restées à leur niveau de développement du 19ème siècle, forgé sans structuration particulière ni optique de changement global du système capitaliste. « L’économie sociale et solidaire » (ESS) est souvent restée cantonnée à occuper une place économique centrée sur des secteurs peu concurrentiels, délaissés par les investisseurs et parfois dénigrée par les opposants politiques au capitalisme.

On peut représenter graphiquement le positionnement des principaux mouvements critiques au capitalisme en fonction de la nature de leur action (politique ou économique) et de leur vocation (locale ou globale), ce qui permet de situer assez rapidement le spectre des contestations au capitalisme.



Une sorte de mouvement en faucille permet d'englober l'ensemble des mouvements critiques au capitalisme. On peut également deviner le manche d'un marteau dont il ne manque plus que la masse : un trou béant se révèle au niveau d’une action anti-capitaliste de type économique globalisé.

Au 20ème siècle, des forces politiques puissantes se sont levées pour changer l’ordre du monde. A chaque fois, les puissances financières relayées par leurs alliés politiques et militaires ont su faire échouer ces tentatives.

La révolution russe a coûté une guerre civile à l’URSS qui brisa net l’élan révolutionnaire en Europe en 1920. Les fronts populaires d’Espagne et du Chili furent renversés par des coups d’Etat militaires conservateurs en 1936 et 1973. En 1981, le programme de François Mitterrand n’a pas résisté deux ans face au « Mur de l’Argent » et à ses armes économiques : effondrement des bourses, fuite des capitaux, dévaluations, emprunts forcés qui forcèrent un gouvernement socialiste à ouvrir la parenthèse d’une Rigueur jamais refermée depuis.

Dans le contexte de mondialisation actuelle, les capitaux peuvent fuir à tout moment et l’économie s’effondrer sous la pression des spéculateurs à la moindre alerte. Ce qui a été possible pour l’Islande, l’Irlande et la Grèce hier le sera demain pour la France, et ce dans des proportions beaucoup plus importantes et dramatiques qu’il y a trente ans, au vu de la mondialisation des échanges et de l'interdépendance de chaque économie nationale au reste du monde. La spéculation sur la dette française est possible dès le lendemain de l'élection présidentielle. Les investisseurs votent avec leurs billets et savent toucher un pays là où ça fait mal : au cœur de ses finances.

Le capitalisme est un système économique organisé au niveau mondial de manière très structuré. Or, la critique du capitalisme a historiquement été de nature principalement politique ; elle est aujourd'hui faible et divisée. De là vient peut-être son échec historique.

Les mesures politiques modérées sont vouées à l'échec dès leur création. Le keynésianisme des années 1930 n'a pas empêché l'accroissement durable des inégalités et la survenue de nouvelles crises. L’Etat-providence se révèle chaque jour plus fragile face aux coups de boutoir des investisseurs organisés mondialement. Plusieurs décennies après sa conception, la taxe Tobin n'est toujours pas appliquée en dépit du bon sens le plus élémentaire.

Les projets politiques plus radicaux sont pertinents, utiles et certainement nécessaires au renversement du capitalisme. La conquête du pouvoir politique et l'application de règles contraignantes pour le capital et la finance peut toucher ponctuellement le fonctionnement du capitalisme sur un territoire déterminé. Mais il ne remet pas en cause ses lois fondamentales. Les investisseurs parviennent tôt ou tard à conserver leur capital, sauvegarder leurs intérêts économiques, rétablir leurs circuits d'échange et continuer leur processus d'enrichissement au détriment du plus grand nombre.

Le passé enseigne qu'une action politique radicale se révèle systématiquement insuffisante et parfois même contre-productive pour modifier les rapports de force le moment venu si d’autres leviers ne sont pas actionnés en même temps contre le capital. Il convient dès lors de déterminer lesquels.

A demain,

et merci pour vos encouragements,

Bien fraternellement,

Frère Tuck
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Message par com_71 » 27 Avr 2012, 12:22

(freretuck @ vendredi 27 avril 2012 à 09:39 a écrit :

Le passé enseigne qu'une action politique radicale se révèle systématiquement insuffisante et parfois même contre-productive pour modifier les rapports de force
Par contre une pédagogie présentée (abusivement) comme socialement neutre... :roll: :roll:

"la révolution russe a coûté une guerre civile à la Russie"
salopards de bolchéviks... :roll: :roll:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Gaby » 27 Avr 2012, 12:36

(com_71 @ vendredi 27 avril 2012 à 13:22 a écrit :
(freretuck @ vendredi 27 avril 2012 à 09:39 a écrit :

Le passé enseigne qu'une action politique radicale se révèle systématiquement insuffisante et parfois même contre-productive pour modifier les rapports de force

Par contre une pédagogie présentée (abusivement) comme socialement neutre... :roll: :roll:

"la révolution russe a coûté une guerre civile à la Russie"
salopards de bolchéviks... :roll: :roll:

Tu tronques sa phrase.

Quant à la "neutralité sociale" d'un individu, ce n'est jamais qu'une façon peu élégante de le traiter de bourgeois. Autant le faire directement.

En tout cas les graphiques me font sourire. Complètement arbitraires, parfois absurdes.
Gaby
 
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Message par com_71 » 27 Avr 2012, 20:10

(Gaby @ vendredi 27 avril 2012 à 13:36 a écrit :
Tu tronques sa phrase.


La voila entière :

a écrit :La révolution russe a coûté une guerre civile à l’URSS qui brisa net l’élan révolutionnaire en Europe en 1920.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par freretuck » 28 Avr 2012, 09:18

Bonjour à tous,

Aujourd'hui, avant-dernier épisode de mon propos. Vous êtes de plus en plus nombreux à lire le sujet et je vous remercie pour cet intérêt.


III – Que faire ? (1)

La critique politique du capitalisme est en panne. Tout le monde s’accorde sur le diagnostic. Personne n’est en mesure de délivrer un traitement global et efficace. Les stratèges de la révolution prolétarienne, autrefois si diserts, ne peuvent ou ne veulent plus s’exprimer. Certains présentent de très pertinentes solutions locales pour un désordre global, d’autres proposent des idées tenant davantage du vœu pieux que d'une volonté avérée.

Il est temps de reprendre espoir et initiative. De contrer le capitalisme dans sa globalité. De l’atteindre en son cœur, à travers ses propres contradictions. De tirer profit de sa force pour mieux l'affaiblir.
La mise au point d'une stratégie globale et réfléchie est nécessaire pour mener à bien une critique efficace du capitalisme. La stratégie politique est nécessaire mais pas suffisante.

Une critique du capitalisme doit fondamentalement être liée à la proposition d’une alternative concrète et à sa construction effective sans attendre une échéance imprécise. Une telle construction est possible aujourd'hui.

Une nouvelle société ne peut émerger que des flancs de l'ancienne société. On ne fait pas table rase du passé. Toute révolution n'est que l'évolution d'une situation suffisamment mûre pour être visiblement modifiée à brève échéance.
Le capitalisme est une organisation avant tout économique, qui imprime sa marque sur les terrains politiques et intellectuels. La clé de sa disparition et de son changement se trouve en son sein même.

Comme le féodalisme portait en germe les conditions économiques d'émergence et de développement du capitalisme moderne, de même le capitalisme porte en germe les conditions économiques d'émergence et de développement d'une nouvelle société, adaptée aux besoins de l'immense majorité de la population.

De même que les marchands du Moyen-Age se sont progressivement affranchis de la tutelle du pouvoir féodal d'une poignée de seigneurs de guerre par leur enrichissement progressif et la prise de contrôle de la vie économique, les prolétaires modernes sont en mesure de s'affranchir progressivement de la tutelle des rapports marchands imposés par une poignée d'investisseurs financiers en prenant le contrôle du pouvoir économique. Or, celui-ci réside aujourd'hui aux mains des investisseurs financiers.

Le pouvoir des investisseurs repose sur la détention du capital et leur capacité à le reproduire, ce qui les renforce. Si l'on souhaite s'affranchir d'un tel pouvoir, la seule solution est de prendre le contrôle du cœur du système : celui qui contrôle l'investissement, c'est à dire la reproduction du capital, contrôle le capital. Qui contrôle le capital, contrôle l'économie. Et qui contrôle l'économie, contrôle la société.

Les investisseurs, par leurs méthodes, leurs règles et leurs outils contrôlent l'ensemble du système. Ils sont capables de créer de la richesse ou capital pour leur seul profit, au mépris de toute autre considération. Or, si la richesse créée par le biais des investissements était attribuée non pas aux investisseurs mais réinvestie dans la création et le développement d'activités productives socialement utiles, répondant réellement aux besoins de la population, il serait dès lors possible d'imaginer le développement de circuits économiques productifs, utiles et socialement équitables. Libérés des circuits capitalistiques classiques, ces activités sociales et solidaires seraient porteuses d'émancipation pour les salariés, les consommateurs et par conséquent les citoyens.

Une économie sociale et solidaire existe. Elle représente 10% du PIB et se développe petit à petit. Un embryon de finance solidaire existe également. Avec 3,082 milliards d’euros, il représente 0,075% des actifs bancaires en France. Les circuits d'investissements solidaires sont faibles, morcelés et éparpillés entre différents supports pas toujours efficients ni même solidaires. Les investissements dits « socialement responsables » (ISR) ne sont que des cache-sexe d'entreprises capitalistes très lucratives se livrant à du mécénat ou à des initiatives relevant davantage du marketing que d'un engagement sincère et durable pour l'environnement, les travailleurs ou les consommateurs. Les entreprises dites de croissance verte sont avant tout des entreprises cherchant à s'assurer du profit tout en proposant d'agir ponctuellement pour le respect de la planète. Les dons aux ONG enfin ne permettent pas de développer une activité productive utile à la population et un fonctionnement économique à même de modifier en profondeur les rapports sociaux. De telles initiatives, enserrées dans les mailles de la quête du profit individuel illimité sont par nature limitées dans leur portée. Elles ne permettent de créer ni les richesses suffisantes ni les emplois permettant de s’affranchir durablement des rapports capitalistes de production et d’échange. Par conséquent, de telles initiatives ne peuvent contribuer efficacement à créer un monde plus vivable aux richesses réparties plus équitablement.

Seules, les coopératives de production créent de la richesse équitablement produite et démocratiquement redistribuée. Lorsqu'une entreprise classique abreuve abondamment ses actionnaires au détriment d'une vision à long terme, une coopérative rétribue ses travailleurs librement associés et continue d'investir pour produire mieux. Cette économie productive et solidaire représente le germe et le cœur d'une véritable économie durable, productrice de biens et de services utiles pour l'immense majorité de la population. Cette économie est appelée à se généraliser. Encore faut-il lui donner les moyens de se développer et de se structurer.

Le schéma suivant montre qu’en 2010 , sur les quelque 3 milliards d'euros investis en France dans l'épargne solidaire, seuls 15 % sont fléchés en direction de projets émanant d’entreprises solidaires. Parmi elles, un faible nombre seulement sont des coopératives.



Chaque mois, des projets solidaires ne peuvent éclore, faute de financement suffisant. Aujourd'hui comme hier, le capital constitue pour tous, tenants du système ou opposants, le véritable nerf de la guerre.


A lundi pour la suite et la fin du propos.

Fraternellement,
Frère Tuck
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