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Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 15 Oct 2020, 16:53
par yannalan
Il y a des cours dans ces langues à Paris. Il y a des gens qui font du breton ou d'autres langues ailleurs que dans leur région. Faudrait éviter les caricatures. Et les idées réactionnaires ne manquent pas en français... Suffit d'ouvrir la télé...

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 15 Oct 2020, 18:14
par Plestin
yannalan a écrit :Il y a des cours dans ces langues à Paris. Il y a des gens qui font du breton ou d'autres langues ailleurs que dans leur région. Faudrait éviter les caricatures. Et les idées réactionnaires ne manquent pas en français... Suffit d'ouvrir la télé...

C'est sûr, mais ce que je voulais dire c'est qu'il peut y avoir les deux manières, réac ou pas réac, d'aborder la question. Pas réac, ça veut dire exempt de nationalisme (macro ou micro). Et bien sûr qu'il existe des cours de breton ou autre à Paris ou ailleurs, mais je trouve que ça pourrait faire sens un enseignement plus large de la diversité des langues humaines, qu'elles soient régionales ou nationales, et non un enseignement limité à une minorité de gens dont les origines ou le métier ou une appétence personnelle les poussent à s'y intéresser.

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 16 Oct 2020, 06:00
par Gayraud de Mazars
Adiu cars amics,
Salut camarades,

yannalan a écrit :Il y a des cours dans ces langues à Paris. Il y a des gens qui font du breton ou d'autres langues ailleurs que dans leur région. Faudrait éviter les caricatures. Et les idées réactionnaires ne manquent pas en français... Suffit d'ouvrir la télé...


Cela est juste comme l'écrit le camarade Yannalan évitons les caricatures ! Comme on dirait en breton, "stourm a ran war bep tachenn" - je me bats sur tous les terrains...

Sur Paris, le Club occitan de Noisy-le-Grand/Marne-la-Vallée et l'association L'Aperò Occitan, anime des cours d'occitan, en lien avec L'Institut d'Estudis Occitan (IEO), et cela depuis de très nombreuses années... Mais aussi à Barcelone par le CAOC (Cercle d'Agermanament Occitano-Català)... On pourra s'en étonner, mais l'occitan fait aussi l'objet de recherches à l'université de Nagoya au Japon ! Cela ne sont que de minces exemples, de la présence de l'occitan à l'échelle internationale...

Fraïralament,
GdM

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 28 Oct 2020, 17:20
par com_71
Clin d'oeil pour GdM. Je ne pense pas être hors-sujet :
Le Point, 28/10/2020 a écrit :À Bonifacio, le crépuscule de la langue aux « 150 locuteurs »
Dans la cité médiévale de l'extrême sud de la Corse, un vieux parler ligure cohabite depuis huit siècles avec le français. Quelques irréductibles le pratiquent encore… De notre correspondant à Bastia, Julian Mattei

En déambulant dans les étroites ruelles de la haute ville de Bonifacio, à deux pas des falaises de calcaire sculptées par l'érosion, l'environnement architectural donne l'étrange impression de faire un bond de plusieurs siècles en arrière. Ici, au cœur de cette petite cité médiévale, commune la plus méridionale de France métropolitaine, souvent désignée comme « l'île dans l'île », tout porte la marque de l'histoire. Dans la vieille citadelle ceinturée de remparts, à l'extrême sud de la Corse, les façades des monuments sont imprégnées de l'architecture romane. Le Palazzo pubblico rappelle le siège du pouvoir génois et les aqueducs à même le sol relient encore les demeures médiévales bâties à flanc de falaise.

Les plus chanceux entendront peut-être une langue aux lointains accents que l'on reconnaît comme d'origine ligure. Car entre les murs de la citadelle de Bonifacio subsiste encore, avec une incroyable résistance, ce que d'irréductibles locuteurs se plaisent à appeler « leur langue ». « A se lengua », comme l'écrivent les linguistes soucieux de laisser une trace de ce bonifacien ne figurant même pas sur la liste des langues régionales de France.

« Les derniers Mohicans »

Dans la cité des falaises, quelque 150 personnes font vivre ce parler local qui cohabite discrètement avec le français et le corse. « C'est la langue de nos racines, elle fait partie de notre identité, même si on ne la parle plus que dans quelques familles aujourd'hui », explique Anne-Marie Zuria. À 63 ans, cette Bonifacienne de souche fait partie du dernier cercle des locuteurs – « les derniers Mohicans », dit-elle, avec un sourire en coin – qui ont baigné dans cette langue et entretiennent encore la flamme.

Depuis 1993, avec son association Dì Ghi di Scé, elle s'efforce de maintenir ce vieux parler de matrice génoise, qui doit avoir l'âge de son implantation dans la cité, lorsque Bonifacio devint colonie de la République de Gênes, à la fin du XIIe siècle. Contrairement aux autres présides génois de l'île, la cité des falaises a préservé quelques bribes de son parler ligure. Aux yeux des linguistes qui ont exploré le sujet, son maintien est sans doute un fait unique en Corse et à l'échelle de la France entière. « Pendant sept siècles, Bonifacio a vécu détachée du reste de l'île, comme une sorte de zone franche génoise, jusqu'à la conquête française de 1769, raconte Alain di Meglio, adjoint au maire délégué à la culture et professeur des universités. En prenant possession de la ville, les Génois avaient opéré une colonisation par substitution de la population en place, ce qui explique en partie cette enclave ligure et la pérennité du bonifacien. »

Durant des siècles résonne ainsi dans la citadelle ce parler qui attise la curiosité. Comme Alain di Meglio, bon nombre de Bonifaciens considèrent cette langue comme un marqueur fondamental de leur identité propre. Si bien que le Corse arrivant dans la cité des falaises se sent étranger à ce parler local qu'il ne peut comprendre. Aujourd'hui, les rares fois où on l'entend, c'est au détour d'une discussion au Café niçois, une petite institution de la vie locale aux allures hors du temps. Dans cette petite ville de 3 000 résidents permanents, qui voit défiler chaque été plus de 2 millions de touristes, ceux qui s'attachent à préserver cette pratique ne se bercent pas d'illusions sur sa disparition prochaine. Ceux qui le parlent couramment aujourd'hui ont tous passé la cinquantaine. Si la transmission orale des vieilles familles, y compris au sein de la diaspora, a été une réalité jusqu'aux années 1960, le renouvellement générationnel et démographique lui a porté un coup fatal.

Le bonifacien, c’est un morceau de notre âme.

À de rares exceptions près, les jeunes n'accrochent pas. Sans enseignement au sein de l'école publique, l'érosion opère inéluctablement depuis plus de deux siècles et le dernier cercle de locuteurs se résout difficilement à voir cette langue disparaître. Certes, il existe de maigres écrits dispersés et quelques lexiques de linguistes passionnés qui laisseront une empreinte de ce bonifacien assimilé à un dialecte, mais son expression, essentiellement orale et limitée à quelques échanges informels entre Bonifaciens, en fait une langue purement symbolique, dont le rayonnement ne dépasse pas les murs de la cité. Malgré tout, une chronique en bonifacien est publiée dans le bulletin municipal de la ville, devenu la seule vitrine officielle de ce patrimoine immatériel. « C'est le destin d'une enclave linguistique. Une langue est éteinte quand elle n'a plus de locuteurs de naissance, ce qui est en passe d'être le cas, considère Alain di Meglio. Nous sommes sans doute la dernière génération. Malgré tout, on espère laisser une trace et maintenir un souffle. Car c'est aussi un morceau de notre âme. »


https://www.lepoint.fr/societe/a-bonifa ... or=CS3-190

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 28 Oct 2020, 17:58
par Gayraud de Mazars
Salut Com,

Merci pour cet article bien triste sur la langue ligure à Bonifacio, car une langue qui disparait, c'est un monde qui part avec, chaque génération doit la porter au sinon, c'est la catastrophe...

Le linguiste Claude Hagège expliquait :

Les langues, explique-t-il, sont un peu comme les espèces animales : elles vivent, meurent, cèdent aux assauts des prédateurs.


Dans un article de l'express d'il y a vingt déjà on pouvait lire et c'est encore juste...

https://www.lexpress.fr/informations/un ... 40290.html

"Il existe aujourd'hui, dans le monde, environ 5 000 langues parlées. Une langue disparaît tous les quinze jours ! Vingt - cinq chaque année. Faites le compte : dans un siècle, si rien n'est fait, nous aurons perdu la moitié de notre patrimoine linguistique, et sans doute davantage à cause de l'accélération due aux prodigieux moyens de communication. Ce phénomène affecte les langues indonésiennes, néo-guinéennes et africaines (plus de la moitié des 860 langues de Papouasie-Nouvelle-Guinée sont en voie d'extinction, la moitié des 600 langues indonésiennes est moribonde), mais il concerne aussi les autres langues de la planète, menacées par l'anglo-américain. C'est un véritable cataclysme, qui se produit dans l'indifférence générale."


En France la langue la plus menacée reste l'Arpitan, ou le Franco - Provençal... Il disparait sous nos yeux !

Comment meurt une langue ?

Elle est généralement la victime d'une autre langue dominante, propre à ceux qui possèdent le pouvoir et l'argent ou s'imposent par l'armée, les médias, l'école; cette autre langue dispose d'une hégémonie politique, économique, sociale, et, surtout, elle a du prestige.

Fraternellement,
GdM

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 28 Oct 2020, 18:58
par artza
J'ai dans un coin de ma mémoire l'existence d'un village grec en Corse.
Cargèse je crois.

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 29 Oct 2020, 15:35
par Cyrano
Oui!!!
Avec sur une place de Carghèse, un énorme micocoulier (je crois que c'est comme ça que ça s'appelle).
Et tout le monde parlait le corse.

Je ne comprends pas ces larmes sur certaines langues parlées par une douzaine de personnes, y compris la chèvres et les chiens errants. Quand une langue disparaît, c'est un monde... mouaih, parfois c'est bien qu'un monde ou la moitié du village ne parlait pas à l'autre moitié disparaisse, un monde avec ses croyances, ses préjugés imbéciles.
J'ai quatre ou cinq bouquins sur les parlures berrichonnes mais je ne regrette pas ce monde disparu.

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 29 Oct 2020, 19:14
par Gayraud de Mazars
Salut camarade Cyrano,

Cyrano a écrit :J'ai quatre ou cinq bouquins sur les parlures berrichonnes mais je ne regrette pas ce monde disparu.


La preuve que tu es concerné par les parlers berrichons, que je ne connais absolument pas, car tu en possèdes quelques livres. Peut être es - tu locuteur toi même sans le savoir, ou tu comprends ce qui est dit, que tu es un comprenant. Mais quelle misère par contre que tu ne regrette pas que ce dialecte qui étaient très vivant, soit en voix de disparition... Le sujet et la cause linguistique minoritaire des langues dites régionales en France, c'était un tabou pire que le tabou sexuel, ma grand - mère [maïdina] qui m'a appris la Lenga d'Oc, refusait de la parler en public, cela restait la lenga du foyer, de l'ostal... Elle disait c'est pas bien de parler le "patois", c'est vulgaire et grossier...

A cada cop que parli l'occitan, ai la sensacion, d'onorar e aimar, une vielha Dona, que va trespassar... A chaque fois que je parle occitan, j'ai l'impression, d'honorer et aimer une vieille Dame, qui va mourir...

Fraïralament,
De Cor e d'Oc,
GdM

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 31 Oct 2020, 12:06
par Cyrano
Doucement, doucement, cher Gayraud de Mazars ! Le berrichon, ce n'est pas vraiment une langue, c'est un patois roman qui voisinait avec le parler d'Ile de France. Y'a même un abbé qui disait que le berrichon était le vrai parler de Rabelais.
Le latin vulgaire parlé par les francs qui vont le mâtiner d'accent germanique devient un patois parlé dans toute l'Ile de France – ce patois lui-même va dériver en plusieurs patois très voisins les uns des autres : celui de Paris et sa région, le normand, le picard, le berrichon. Le Français est donc ce patois qui a réussi.

Bref, tout ça pour dire que le berrichon n'a rien à voir avec les langues d'oïl ou avec le breton ou le flamand. Oui, je m'y intéresse (comme je peux m'intéresser à la vie des indiens, ou à je ne sais quelle marotte étrange) mais je ne lèverai pas le petit doigt pour demander l'apprentissage des mots et tournures berrichonnes.

Franchement, parler des valeurs que ces langues véhiculaient, c'est comme nous rabâcher, en ce moment, le retour aux valeurs de la République.
Quand je lis que Cabrel dit : «Il faut qu'on retrouve nos caractères profonds.», mais c'est quoi, les caractères profonds? Comme Béranger, je suis né dans p'tit village qu'a un nom pas du tout commun, et c'est vrai. Un jour dans le Berry Républicain, journal local, ô joie ! je vois que ça parle de mon p'tit village : deux paysans s'étaient battus à coup de fourches. Ah, ces caractères profonds, comme dit Cabrel.

Re: Résister à la langue unique...

Message Publié : 02 Nov 2020, 15:29
par Cyrano
A la fois en lien avec ce sujet de la langue unique, et aussi avec le prolifique Alain Rey, c'est l'exercice particulier auquel se livre RFI (Radfio France International):
Chaque jour, un bulletin d'information en français facile:
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/journal- ... is-facile/
et sa transcription en texte:
https://savoirs.rfi.fr/fr/apprendre-ens ... ais-facile

C'est un exercice étrange et intéressant, peut-être en héritier lointain du travail de Georges Gougenheim avec son dictionnaire fondamental du français.