On reste dans le vieux? A la même époque de la loi de pureté et du décret de Villers-Cotterêts, Charles Quint ne se formalisait pas. Il parlait diverses langues, comme semble l'indiquer ce qu'il disait lui-même :
«
J'ai appris l'italien pour parler au pape; l'espagnol pour parler à ma mère; l'anglais pour parler à ma tante; l'allemand pour parler à mes amis; le français pour me parler à moi-même. »
Peut-être avait il plusieurs manuscrits Assimil? C'est à Assimil que je veux en venir. Capiche? Pour en finir avec cette histoire de résistance, de langue.
Assimil, c'est cette célèbre méthode d'apprentissage des langues a produit des livres pour le corse, l'occitan, le breton, le basque. Et pas mal de velléitaires micro-nationalistes ont appris dans ces volumes. Les précautions préliminaires des volumes occitan, basque, breton nous éclairent un peu, même beaucoup. Pour terminer cette discussion sur "Résister à la langue unique", je trouve amusant de vous les donner à lire. Surtout en tenant compte de l'époque où ils furent rédigés, voici une quarantaine d'années. Avec les châteaux cathares qui furent construits… après les cathares, ça ne manque pas d'intérêt.
On commence par le volume
L'occitan sans peine, édition Assimil. Certes ce volume date un peu, il est de 1985 avec un copyright de 1975, mais lisez donc. Justement, c'est le fait qu'il date d'une quarantaine d'années qui est intéressant. Ça montre ce qu'était cette langue. D'abord un extrait de la préface du volume :
L’apprentissage de la langue repose, dans l’ensemble, sur le dialecte linguistiquement reconnu comme central, mais, à partir de là, l’auteur ne prétend pas imposer un «occitan» abstrait et artificiel qui risquerait de n’être plus qu’un sabir savantasse. Tout au contraire, il souligne la réalité des divers parlers provençaux, languedociens, gascons, limousins, auvergnats. Le lecteur, l’étudiant, qui se sera ainsi initié à l’occitan aura, dès lors, toute facilité pour approfondir la connaissance particulière du parler qui lui sera le plus cher.
Pas si simple, en fait! Maintenant, un extrait de l'introduction du même volume :
Ecrire l’assimil-occitan présentait au départ de grandes difficultés, à cause des problèmes que pose notre langue.
Actuellement, la langue d’oc s’écrit selon deux graphies fort différentes ; la graphie qualifiée de «mistralienne» (et qu’il serait plus exact d’appeler «roumanillienne») et celle qu’utilisent les écrivains dits «occitanistes», appelée classique ou régulière. Voilà donc le premier problème qu’il fallait résoudre. […]
Peut-être aurait-on pu présenter un assimil-occitan pour chacun des grands dialectes de la langue d’oc : languedocien, gascon, provençal, nord-occitan. C’était morceler faussement la langue d’oc et trahir à la fois nos ancêtres et notre langue. Il fallait donc choisir. Du point de vue de l’écrit, le problème était peu important, puisque la graphie classique choisie permet d’unifier considérablement la langue d’oc. Pour l’oral, il en allait autrement.
Mouaih, mouaih… Mais merde, résistez au dialecte unique! Révoltez-vous.
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Ouvrons le manuel Assimil du basque. Le titre
Basque unifié (initiation) nous met déjà une puce à l'oreille (English without toil, c'était pas English unifié…). Ce volume Assimil date de 1996. Voici un extrait de l'introduction, qui commence fort :
Quel basque devrez-vous apprendre ? Car il existe un certain nombre de dialectes basques disséminés sur un territoire plutôt restreint que se partagent la France et l’Espagne. Depuis plusieurs années, une langue basque unifiée et normalisée (Y enskara batua) a été introduite au Pays basque, tant du côté français que du côté espagnol. […]
C’est celle que les fonctionnaires doivent apprendre s’ils veulent travailler au Pays basque espagnol, celle qui est utilisée lors des concours de recrutement d’enseignants basques en France (CAPES), et c’est donc celle que vous devez apprendre d’abord, quitte plus tard à vous adapter à un dialecte particulier. Il est plus facile de commencer par le basque unifié pour ensuite passer aux autres variétés que de faire l’inverse.
On comprend mieux l'anecdote que rapportait Nadia. Je l'ai donnée dans le sujet "Langues régionales, nationalisme régional ?"
Allez, changeons de région, on se lit l'introduction du volume d'Assimil :
Le Breton sans peine, tome I, édition 1978 :
La langue bretonne est unie, mais non point uniforme; elle connaît des inflexions dues aux différents terroirs. Bref, le breton s’est trouvé ramifié en dialectes, et même en parlers. […].
Nous tiendrons compte, dans notre méthode, de l’existence de dialectes, dans une mesure raisonnable. Pour autant, nous n’écrirons le breton que d’une seule façon : en effet, les différences dialectales ne sauraient affecter l’écriture de la langue. […] Aucun dialecte ne sera privilégié, ni non plus, espérons-le, sacrifié, encore que les traditions orthographiques aient fait la part belle au dialecte du Léon et au sous-dialecte du Haut-Vannetais, et encore que le dialecte vannetais dans son ensemble ait été, jusqu’à présent insuffisamment intégré dans la langue écrite unique.
Nous vous proposerons donc un breton moyen, standard : si vous prononcez convenablement, si vous vous conformez aux règles de la phonétique bretonne telles que vous les découvrirez progressivement, si vous exploitez astucieusement le registre des doublets et des synonymes, vous serez en mesure de vous faire comprendre. En outre, si vous le souhaitez, vous pourrez accentuer les caractéristiques de tel ou tel parler, pour peu que vous souhaitiez vous «enraciner» davantage dans tel ou tel terroir, soit que vous ayez décidé de vous y fixer, soit que vous-même (ou vos parents) en soyez originaire. Vous aurez à cœur, néanmoins, de ne pas vous enfermer dans un parler aux traits trop fortement marqués, au point que l’intercompréhension s’en trouverait compromise.
OK, OK, oui, c'est cela, oui… On comprend qu'il ait fallu trois volumes (!) pour enseigner le breton, "le", enfin, le breton, les bretons – et faut faire gaffe pour ne pas compromettre «
l'intercompréhension» :
A présent, dans le domaine du breton, les éditions ASSIMIL mettent à la disposition du public trois ouvrages qui sont la suite l’un de l’autre :
Une "Initiation au breton” : il s’agit d’un petit volume de 192 pages, destiné à tous ceux qui abordent l’étude du breton pour la première fois, et où a été maintenue la division traditionnelle entre breton KLT (dit ”du Finistère”, mais qui l’est également ”des Côtes-du-Nord”) et breton vannetais (dit ”du Morbihan”). L’ambition de ce petit manuel est d’être une "initiation” précisément, destinée à faciliter l’étude de la langue dans l’ouvrage principal qu’est ”Le breton sans peine” [en 2 volumes].
Et le Gascon? Ah bin là, désolé : je n'ai rien, faut pas exagérer. Il y a un
Gascon de poche, édition Assimil, mais c'est tout ce que je sais. Oui, je sais, avec le pseudo que j'ai, je pourrais quand même faire un effort. Mais je ne connais que le gascon d'Edmond Rostand : Mille dious ! -Capdedious ! -Mordious ! -Pocapdedious !
Et le corse? hop, le corse? On va encore m'accuser d'avoir des préférences. Bon, alors, voici l'introduction de
Le corse sans peine, éditions Assimil, copyright 1974 :
Le corse, parlé partout du Nord au Sud de l’île, a un vocabulaire unique et une syntaxe unique.
Sachez aussi que cette langue a une orthographe – et une seule – employée depuis deux siècles par de très nombreux écrivains, poètes et journalistes. […]
S’il n’y a, nous l’avons dit, qu’une seule langue corse, celle-ci revêt parfois des inflexions différentes selon que celui qui la parle est originaire du Nord ou du Sud de l’île. Mais ces variantes n’altèrent en rien la communication. Corses du Nord et Corses du Sud se comprennent toujours sans la moindre difficulté.
Vous êtes contents? y'a rien à dire Ite missa est. Pour le reste, restons sur un proverbe corse que j'aime bien répéter :
Saccu ghjotu ùn po stà arritu. C'est à dire : Un sac vide ne tient pas debout.
Voilà, voili, n'oublions pas de remercier le logiciel de reconnaissance de caractères qui permet de partage quelques petites choses. Gayraud va encore dire que je suis prolixe. Mais ce n'est qu'en apparence, je fais copier-coller, copier-coller, c'est pas trop fatiguant. c'est le clic souris qui souffre.
Ah, un PS: c'est fort instructif de lire le "French without toil" d'Assimil. Faut être pervers, j'en conviens. On comprend tout, sans avoir besoin de traduire.