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Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par bronstein » 28 Jan 2004, 22:12

a écrit :mais c'est vrai que balancer simplement un lien vers un site sur un forum de discute c'est un peu facile


désolé quand je programme mon reveil pour le matin, je ne prévois pas d'avoir a faire un historique du mouvement skinhead avant d'aller au boulot! Si tu avais parcouru le site indiqué tu aurais retrouvé des infos sur le mouvement ( dans Historique). De toute facon, le camarade Louis Panier a fait un exposé tres clair et synthétique, donc pas grand chose a rajouter, je sais, c'est un peu facile...
bronstein
 
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Message par civodul » 29 Jan 2004, 21:04

Pour devancer l'arrivée d'un certain Yul...permet de piger un poil mieux la démarche de certains skins


Situ & skin c’est bien, si tu l’es pas tant pis.
Un dispensable manifeste du skinhead situationniste

1 - Le skinhead situationniste est un skinhead qui pratique la construction de situations, c’est-à-dire la construction concrète d’ambiances momentanées de la vie et leur transformation en une qualité passionnelle supérieure sur le principe d’une révolution permanente de la vie quotidienne à laquelle participent pleins d’autres principes évoqués ci-après, principes qui ne sont plutôt qu’une somme de constatations liées à l’étude du skinhead situationniste dans son milieu naturel. Tout skinhead peut être, s’il s’en rend compte en lisant ceci, un situationniste. Tout situationniste peut devenir skinhead pour les mêmes raisons mais pas du jour au lendemain car il faut pas abuser, Rome ne s’est pas construite en un jour même si tous les chemins y mènent. Dans les deux cas, une intense curiosité culturelle est de mise, curiosité qui se doit d’être portée par un sentiment d’osmose quasi orgasmique, effet que connaissent bien les skinheads situationnistes pour écouter du skinhead reggae. Précisons qu’un vrai skinhead situationniste authentique, peu importe comment il en est arrivé là, se reconnaîtra obligatoirement dans les grandes et petites lignes qui suivent. En fait, un vrai skinhead situationniste n’a que faire de ce texte puisqu’il ne lui énonce que des évidences. Un vrai skinhead situationniste se méfie des manifestes, synonyme de choses figées, et c’est pour cette raison que celui-ci est entièrement dispensable bien que nécessaire. Ce manifeste ne prescrit pas, il dissèque le skinhead situationniste en ses tréfonds inavouables mais ô combien pernicieux pour le spectacle.

2 - Le skinhead situationniste est avant tout une personne issue de la classe ouvrière, que ce soit par filiation ou par affiliation, qu’il ait un emploi ou pas, qu’il travaille ou pas, que ce travail soit d’ordre artistique, salarié, illégal ou pas. En ce sens, le skinhead situationniste est solidaire de toute tentative d’une partie de sa classe visant à créer une situation nouvelle, émancipatrice et révolutionnaire, et ce dans le monde entier. Aucun skinhead situationniste n’a jamais résisté à l’appel de la grève et ne connaît rien de tel pour s’occuper qu’une bonne occupation.

3 - Le skinhead situationniste rejette absolument tout isme -et donc par là toute définition d’un "situationnisme" ou d’un "skinheadisme"- c’est-à-dire la transformation révisionniste et réductrice de sa culture en isme stérile donc en doctrine. Il échappe ainsi au sort peu enviable de l’idéal communiste devenu invisible au profit d’un "communisme" bureaucratique et autoritaire qui n’était que la négation de lui-même. Les ismes ne sont que les instruments par lesquels la pensée dominante de l’époque concernée transforme le mouvement dialectique des idées en doctrines. L’exemple est encore plus flagrant avec la volonté de certains "penseurs" de définir "l’anarchisme" pour ainsi en réduire les possibilités à la seule sphère individualiste d’une compréhension occidentaliste étriquée. Le skinhead situationniste n’a pas l’intention de remplacer un système unique par un autre système unique. Il détruira les représentations faussées du réel ou sera détruit par elles.

4 - Le skinhead situationniste a des références mais pas de leader (pas même Joe Hawkins); il n’est pas marxiste car Marx lui-même ne l’était pas ; il n’est pas plus léniniste, trotskiste, guevariste, bouddhiste et encore moins castriste ou maoïste. Il n’élève pas de statues, de temples ou d’églises et ne met pas de cadavres dans des mausolées. Il laisse les morts aux vers, le ciel aux pigeons et aux astronautes. Bref, il n’idolâtre pas, ne prie pas, ne supplie pas, ne demande même pas mais prend ce qui lui revient de droit.

5 - Le skinhead situationniste reconnaît fondamentalement la division de la société en classes et se méfie ainsi des tentatives perfides de la classe antagoniste à la sienne (la classe possédante) pour récupérer sa rébellion incontrôlée. Le skinhead situationniste ne tient nullement à subir le sort des mods embourgeoisés de force, ou pire, des situationnistes ancestraux dont les écrits sont actuellement disséqués et revendiqués par un de ses pire ennemis qui se pavane avec dans les cocktails : le bobo ("bourgeois bohème"). Cette race puante de récupérateurs mondains est un bien pire ennemi pour le skinhead situationniste contemporain que son ancêtre, le baba. Outre le fait que le bobo se soit approprié un à un certains des repères de classe du skinhead (à savoir les Doc Martens et le crâne rasé), ce résidu de fausse couche publicitaire fait appel à tout l’attirail des mass médias pour "branchétiser" une vision du monde aseptisée là où le baba se contentait de se casser en Inde ou dans un trou paumé, laissant la rue à qui de droit.

6 - Le skinhead situationniste n’est pas dupe d’un culte rendu au "spirit of 69" (et encore moins à travers une quelconque " bible" fourre-tout) car, hormis le fait qu’il refuse tout immobilisme historique, il sait pertinemment que la mouvance skinhead, en tant que rébellion de la jeunesse face à l’ordre établi et en tant que positionnement de classe de ladite jeunesse, est bien antérieure à cette année-là. Néanmoins il s’y réfère intrinsèquement car "l’esprit de 69" exprime toute la dialectique de sa mouvance. En effet, le nombre 69, outre l’avantage d’être une position sexuellement paritaire, est l‘expression même de cette dialectique qui fonde la base des contradictions et inversions sémantiques de ladite mouvance. Notons qu’un des groupe phare du skinhead situationniste est et restera (malgré les renoncements fallacieux de son chanteur sur le tard) Sham 69 qui débarrassa le punk rock de ses oripeaux mondains pour le ramener à l’expression prolétaire donc populaire qu’il mérite, sans concession au spectacle ni épingle à nourrice infantilisante. Notons surtout que cette année 69 érotique fut bercé par certains des hymnes les plus enthousiasmants du skinhead reggae, dont le terrible "Liquidator" n’est pas un des moindre. C’est enfin en 69 que paru le dernier numéro de l’indispensable revue de l’Internationale Situationniste, ce qui n’est pas rien.

7 - Il ne fait aucun doute pour le skinhead situationniste que le skinhead reggae est révolutionnaire puisqu’il est le fruit d’une interconnexion entre les situations sociales et psychogéographiques de deux peuples pour une même classe et que le punk ne l’est pas moins puisqu’il procède d’une démarche hautement situationniste d’un retour aux sources rebelles et anticonformistes du rock’n’roll et, en s’alliant avec le reggae, a su renouveler les deux genres pour tirer la mouvance skinhead, la musique populaire (par et pour le peuple) et la conscience de classe hors de l’oubli où croyaient les avoir enterré leurs ennemis historiques. Par extension, la richesse de la musique skinhead –rythm’n’blues, ska, soul, rocksteady, early reggae, rub a dub, punk, oi !, etc.- fait de cette mouvance à la fois la plus diversifiée et la plus cohérente des cultures “rock’n’roll”. Le skinhead situationniste peut, selon ses goûts, ajouter à cette liste des genres moins généralement écoutés mais aussi propres à la culture populaire (hard-core, ragga, garage, rockabilly, psychobilly, musette, hip-hop, etc.) et sait obtenir ainsi un panel de toutes les musiques ayant exprimé un tant soit peu les aspirations libératrices de la classe ouvrière ces 100 dernières années. Évidemment, les musiques afro-américaines et jamaïcaines n’ont pas été des moindres et tout skinhead situationniste qui se respecte se plaît à en parcourir les tenants et les aboutissants, pratiquant par là une dérive musicale des plus réjouissantes. Car pouvoir passer des Skatalites aux 4Skins pour atterrir sur un morceau de Wilson Pickett en moins d’une poignée de minutes est la preuve de la symbiose dialectique du skinhead avec les musiques fondatrices des différentes étapes historiques de sa mouvance. A l’alternance des rythmes apparemment incompatibles s’oppose une homogénéité du sens véhiculé : Ôde à une vie intense, sans entrave; chronique d’un quotidien aliéné; dénonciation du spectacle et de la justice de classe,… Tout procède d’une rage de vivre similaire. Et qu’importe la connerie déviante d’un ou deux individus comme le premier chanteur des 4 Skins suscités face à la radicalité jouissive de morceaux tels "One law for them". Le skinhead situationniste véritable est autant conscient de la complexité des situations que de ce que celles-ci révèlent de l’état du monde. Et surtout, les paroles du R’n’B, du ska ou de la oi ! lui parlent de son quotidien directement vécu, même à 30 ans d’intervalles, l’adéquation entre les thèmes du passé et les situations du présent n’étant que le signe de la vérité historique du sens véhiculé.

8 - Le skinhead situationniste pratique la dérive autant que faire se peut. Il connaît par conséquent très bien la psychogéographie de la ville où il dérive régulièrement. Mieux, il connaît, via les réseaux, les fanzines et les disques, la psychogéographie skinhead de son pays et généralement celle des pays et continents avoisinants. Ainsi, tout à ses dérives, il saura éviter ou fréquenter tel ou tel quartier selon les rencontres (fâcheuses ou amicales) qu’il sait pouvoir y faire et selon le désir qu’il a de les faire.

9 - Le skinhead situationniste rejette la violence quand elle s’exerce à son encontre. Cependant, et cela fait partie de sa vision dialectique du monde, il peut l’appliquer pour exprimer un antagonisme de classe, notamment face aux défenseurs de l’ordre, qu’il s’agisse de nervis nazis, d’intellectuels bobos ou de policiers dans l’exercice de leur fonction.

10 - Si un aspect important du skinhead situationniste est sa capacité à cerner et utiliser le second degré, user et abuser de l'humour en gros, que ce soit comme fin en soit ou comme moyen de se sortir des situations difficiles dans lesquelles il se met par sa tendance à monopoliser plus que de raison la parole, en particulier après quelques verres, le skinhead situationniste rejette la provocation à laquelle il préfère la libre expression de ses idées en toutes circonstances. Notons que si cette libre expression peut être perçue par d’autres comme une provocation, elle n’est que l’expression sincère de son authenticité et de son humour plus ou moins raffiné. Tendre le bras ou arborer des symboles cultivant une certaine ambigüité politique sous couvert satirique ne l’intéresse pas, il rejette ce genre d’infantilisme qui ne sert que ses ennemis et détracteurs. Il n’aime guère les quiproquos et toute assimilation à ce qu’il n’est pas et ne sera jamais, à savoir un raciste et un abruti décérébré au service du Capital.

11 - Le skinhead situationniste ne confond pas sa gauche et sa droite. Il sait où sont ses intérêts de classe, non pas sur l’échiquier de la politique politicienne mais sur celle de la lutte de classe. Et il (re)connaît sa classe. Mais, toujours aussi méfiant face aux utilisations légères de mots en isme, il ne peut qu’être critique vis-à-vis de l’utilisation parfois abusive du terme "skinhead" par des structures et organisations souvent figées dans des schémas primaires et réducteurs de cette culture. En outre, il se méfie de ce que d’aucuns peuvent entendre en se déclarant "communistes" ou "anarchistes", appellations galvaudées par les querelles stériles de chapelles et de partis. Refusant toute instrumentalisation, le skinhead situationniste préfère bien souvent se retrouver dans des associations et rassemblements autonomes de précaires, de prolétaires et de chômeurs où l’action quotidienne et radicale face à la classe dirigeante prime sur toute volonté de prosélytisme et de grandes phrases en isme. Pour le skinhead situationniste, un badge de Prince Buster est plus révélateur qu’un A cerclé ou qu’un quelconque drapeau (ce bien que le rouge soit le plus beau). Mais malgré ses réticences, ou en raison de celles-ci, le skinhead situationniste ne se prive pas d’apporter sa critique et son aide aux individus dont le combat va, du moins partiellement ou occasionnellement, dans le même sens. Prenant les leçons du passé pour ce qu’elles sont, il accepte et encourage bien souvent une démarche unitaire, la lutte contre les ennemis de classe étant à ses yeux primordiale et le sectarisme une voie de garage pour intellectuels figés dans l’immobilisme le plus cadavérique. Or, le skinhead situationniste aime par-dessus tout le mouvement.

12 - Selon le principe établi voulant que deux intellectuels assis aillent moins loin qu’une brute qui marche, le skinhead situationniste a à coeur de mettre la théorie à l’épreuve de la pratique et méprise ceux, y compris au sein de sa classe, dont les prétentions théoriques dissimulent la peur de l’action, ou pire, la non-application au quotidien de leurs beaux principes. De fait, il se fait l’ennemi absolu de toute tentative de récupération politicienne de sa critique sociale. Le politicien qui fait son fonds de commerce de la soif de liberté de la classe ouvrière risque un retour de flamme décisif s’il croise un skinhead situationniste authentique. Pour autant, l’apoliticien est un ennemi aussi mortel car loin d’élever la conscience de classe du skinhead, il l’abaisse à un nihilisme aveugle et individualiste débouchant au mieux sur une intégration sociale factice et embourgeoisée au prix du renoncement à toute révolte, au pire sur une complaisance envers des attitudes provocatrices et fascisantes d’individus voyant dans le skinhead une recrue de choix pour de basses besognes au détriment de la classe ouvrière dans sa diversité ethnique et culturelle. Le fasciste est –à l’instar du capitaliste dont il est issu- l’ennemi historique du skinhead, celui qui a osé usurper son nom et son apparence au détriment de ses origines. Ce révisionnisme, alimenté par les mass média, est la pire plaie qu’ait à subir tout skinhead véritable. Le skinhead situationniste a comme tâche historique de rétablir la vérité à travers son opposition violente à toute présence fascisante et tout amalgame médiatique. Cette "réhabilitation" nécessaire, qui n’est pas une justification personnelle mais une remise au point culturelle et historique, passe majoritairement par l’utilisation des musiques skinheads et de leur contenu intellectuel comme armes contre la désinformation ambiante, quoique d’autres ustensiles contondants puissent être occasionnellement usité.

13 - Le skinhead situationniste rejette toute discrimination portant sur la couleur ou les mœurs sexuelles des individus. Sa mouvance n’émet aucune doctrine, donc aucun interdit d’ordre homophobe ou sexiste. Rien ne saurait dailleurs empêcher sans perte et fracas un(e) skinhead d’être gay, hétéro ou bi si ça lui chante. Pour autant, il n’apprécie guère l’appropriation de ses codes vestimentaires par une partie de la petite bourgeoisie homosexuelle en mal de sensations fortes. Cette animosité est évidemment d’ordre social et ne procède d’aucun racisme sexuel, elle ne découle donc pas d’une quelconque homophobie mais d’une réelle conscience ouvrière de son oppression par le spectacle se voulant omniprésent et ceux qui en sont à l’origine ou, pire, le perpétuent. Elle s’applique par voie de conséquence à toute canaille bourgeoise voulant se faire passer pour ce qu’elle ne saurait être.

14 - Le skinhead situationniste connaît les vertus régénératrices pour le corps et l’esprit d’une intense activité sexuelle pratiquée évidemment dans le respect du/de la/des partenaire(s) et hors des rapports sexuels marchandés. Connaissant ses classiques, il sait combien l’écoute du rude reggae a des vertus stimulantes pour l’imagination et la durée des échanges de plaisir. La danse et l’amour sont les activités physiques obligées (avec la marche à pied) de tout skinhead situationniste qui se respecte, même si d’autres arts, sports et exercices sont couramment pratiqués. Il y cherche moins la performance que la félicité et, en cela, considère sexe, soul et reggae comme éminemment révolutionnaires car constructions concrètes de situations jouissives. Sentir le rythme bercer chaque moment d’une vie intense est tout l’attrait d’une existence saine dans "l’esprit de 69 ".

15 - Le skinhead situationniste n’utilise les drogues qu’à des doses modérées –pour lui. Il trouve souvent dans la boisson de quoi annihiler les derniers restes de morale judéo-chrétienne ou autre qui pourraient réfréner les résurgences libératrices de son subconscient. Par ailleurs, il tâche d’acquérir une maîtrise des effets de l’alcool afin de ne pas faire ce qu’il pourrait regretter à jeun ni se sentir dépourvu au coin d’une rue. Le skinhead situationniste sait que si l’alcool peut éventuellement l’aider à combattre ses ennemis, il ne doit pas aider ses ennemis à l’abattre. Refusant de devenir "esclave" d’une quelconque drogue, il sait s’arrêter quand il n’y a plus rien à boire. Cette tendance le met généralement au ban de nombre de débits de boisson, ce qui peut devenir une preuve de la pérennité de ses expériences de dérive et de la solidité de sa connaissance en psychogéographie urbaine. Un skinhead situationniste peut aussi ne pas boire s’il pense que cela l’aliène plus qu’il ne le libère, mais ça reste particulièrement rare. Et même dans ce cas assez improbable, rejetant toute doctrine, il ne saurait faire de prosélytisme “straith-edge” contre ses compagnons buveurs, sauf si son état non-alcoolémique lui fait entrevoir des abus néfastes pour les individus en question. Si l’usage de drogues autres reste à son appréciation, remarquons que toutes drogues atténuant durablement les capacités physiques et mentales du skinhead situationniste sont généralement proscrites par lui-même. Connaissant l’histoire parfois tragique de sa mouvance, le skinhead situationniste ne tient guère à finir toxicomane, l’ivresse de la vie étant sa préférée.

16 - Le skinhead situationniste rejette tout élitisme, même et surtout s’il provient de ses propres rangs. Il laisse cette attitude réactionnaire aux mods passéistes (qui pratiquent par leur pseudo-survivance un effroyable contresens historique et sémantique) et aux skinheads "traditionalistes à l’arrêt". Faisant sienne la phrase du situationniste Asger Jorn, "Le passé culturel doit être réinvesti ou disparaître.", le skinhead situationniste considère la tradition comme étant en perpétuelle mutation, se nourrissant de ses interprétations successives. Pour autant, il s’insurge et combat ceux qui voudraient la brader (mass médias et fascistes) aussi bien que les chantres de l’immobilisme cités plus haut. Il ne veut guère offrir une vision figée d’un "âge d’or", préférant vivre au présent l’histoire riche, dialectique et complexe de sa culture. Il rejette donc l’appellation de "culte" à connotation religieuse, sectaire et doctrinale, tout comme le terme de "mouvement" auquel il préfère celui de "mouvance", plus vague donc plus proche de cette complexité historique. Il fustige ainsi tous les raccourcis visant à appauvrir ladite complexité au profit d’un manichéisme réducteur.

17 - Si le bonehead, faux skinhead mais vrai fasciste, est, à l’instar du capitaliste son père, l’ennemi juré du skinhead situationniste, les mass médias et leurs amalgames douteux comptent parmi les pires propagateurs de cette peste brune chez les jeunes agités attirés par le côté spectaculaire intrinsèque à toute (dés)information concernant les skinheads. Il convient donc de rejeter avec force toute tentative réductrice de définir la mouvance skinhead via des reportages ou études de tâcherons bourgeois ne sachant qu’étaler idées reçues et imageries fantasques sans laisser voir la richesse du métissage culturel qui maintient en vie cette mouvance depuis plus de 30 ans et lui donne ce rayonnement international. Ecrire soi-même sa propre histoire à travers ses propres réseaux de classe reste une nécessité absolue pour le skinhead situationniste qui sait qu’il n’y a pas de meilleur objectivité historique que la somme des subjectivités de ceux qui font l’Histoire et souvent des histoires.

18 - Si le skinhead situationniste peut aimer le football et participer aux tribulations des tribunes d’une équipe particulière, il sait également se parer contre tout chauvinisme qui l’éloignerait de sa vision internationaliste du monde et le verrait s’affronter contre ses frères de classe pour le plus grand plaisir de son ennemi, les mass médias. Pour autant, la mixité des tribunes peut le conduire à lutter contre les forces de l’ordre (supporters d’extrême droite et flics) aux côtés d’autres jeunes et donc changer la vision de ces derniers vis-à-vis de la mouvance skinhead, ce qui prouve que le hooliganisme n’est pas que la maladie infantile du skinhead situationniste mais également un élément épisodiquement important de cohésion sociale des cultures urbaines. Cependant, dans son refus des ismes et son amour de la rue comme lieu psychogéographique de ses dérives, le skinhead situationniste préfère la manifestation publique à l’enfermement dans un stade. Il y évite tout cortège trop dirigiste et se regroupe avec quelques boissons dans l’espoir de pouvoir approcher vers la fin de l’après-midi les matins du grand soir. A cet effet, il sait se faire discret et bouger par petits groupes organisés, se retrouvant grâce à ses codes vestimentaires, reconnaissables par lui et les siens même dans leur sobriété (de tenue) requise pour l’occasion. Il ne recherche pas d’emblée l’affrontement car le skinhead situationniste hait la provocation (policière), mais s’y pare et reste sur ses positions jusqu’à la limite de l’arrestation -qu’il sait la plupart du temps éviter grâce à ses connaissances psychogéographiques- afin de profiter de ce champ de liberté spontanée qu’offre l’émeute urbaine.

19 - Le skinhead situationniste est par nature pour la réappropriation des moyens de production et par extension pour la répartition des richesses. Se refusant absolument à dépouiller ses pairs du peu durement acquis, il n’a pas ce genre de scrupules en ce qui concerne les marchandises aux mains du commerce. S’il bannit le vol à l’intérieur d’une même classe, il pratique cette répartition au détriment des entreprises et commerces bourgeois autant que faire se peut. Il est évident que les produits de la culture populaire diffusés dans des échoppes tenues par des militants de cette même culture sont à l’abri de ses visées. En effet, la haute conscience de classe du skinhead situationniste et son désir ardent de conformer ses actes à sa pensée ne sauraient s’attaquer qu’à des sociétés pratiquant des prix prohibitifs sur des denrées de première nécessité (alcool, disques, livres, bouffe, fringues), en fait à toute société ne pratiquant pas la gratuité alors que le profit engendré ne profite qu’à des intérêts privés d’entreprises et de commerces capitalistes participant à une marchandisation du monde.

20 - Si dormir n’est pas son métier, le skinhead situationniste ne songe pas tout le temps au labeur. Il éprouve un certain mal à établir des plans de carrière ou à se préoccuper d’une éventuelle retraite, occupé qu’il est à vivre sans temps mort pour jouir sans entraves. Si la production de biens sociaux est une idée qui n’a rien pour lui déplaire, donner une partie de sa vie pour que quelques privilégiés aillent se bronzer à St Tropez ou pour maintenir sur pied cette société l’excite nettement moins. Comme beaucoup de ses compères, il se retrouve souvent dans des emplois précaires qui ne lui laissent pas toujours le loisir de (sur)vivre et s’épanouir hors des heures de labeur dans la tentative de pouvoir transformer ses véritables activités passionnées en vrai travail producteur de sens collectif et de bonheur dans sa pratique, transformation qui passe entre autres par l'abolition pure et (plus) simple (que l'on pense) du salariat au profit de l’autogestion des moyens de production. A ce titre, le skinhead situationniste sait avec la vigueur de l'évidence et une connaissance certaine des travaux manuels que la hiérarchie c'est comme les étagères, plus c'est haut moins ça sert. Il sait aussi que le sabotage est un des principaux outils de l’exploité en colère et qu’un petit grain de sable peut enrayer une grosse machine.

21 - A la paix sociale, le skinhead situationniste privilégie le conflit social, seul espace d’exercice critique des situations révolutionnaires. Refusant toute hiérarchisation, le skinhead situationniste tend à l’application de la démocratie directe et participative et s’efforce donc d’appliquer les décisions collectives en ce qu’elles amènent les individus à l’autogestion de leur vie et au bonheur collectif inaliénable. Un vrai skinhead situationniste est avant tout un individu autonome, qui produit lui-même les lois auxquelles il se soumet. Expérimenter ces lois sur soi-même au lieu de les imposer moralement aux autres est tout l’art de la création de situations révolutionnaires. Pour autant, le skinhead situationniste n’est pas un individualiste, il sait que ce qui est bon pour lui est bon pour sa classe et inversement. Il rejette toute dérive communautariste aussi bien que tout "libéral libertarisme" prôné par le gauchisme individualiste (se réclamant la plupart du temps de l’anarchisme ou du plus vil aparatchisme) qui ne veut qu’être calife à la place du calife. Pour le skinhead situationniste, en digne fils (et fille) de la classe ouvrière, point n’existe de substitut autre au calife que de vrais conseils populaires, approuvés et révocables par tous car tous participeront.

22 - Une des tâches historique du skinhead situationniste est de faire sortir sa culture du système spectaculaire marchand ou mieux, de la créer hors de ce système. Ainsi, il revendique et soutient toute production alternative visant à contrecarrer les calculs marchands des profiteurs du "business" culturel. Si le piratage sans profit et le vol à l’étalage sont largement utilisés, la création de producteurs et diffuseurs indépendants est encouragée du moment qu’elle n’utilise pas les signes et les méthodes du spectacle. Ce qui distingue fondamentalement la production alternative skinhead situationniste de celle des hippies et de leurs descendants est la volonté de détruire et remplacer le système spectaculaire marchand et non-pas d’exploiter des champs de production dans son ombre. L’alternative encouragée par les skinheads situationnistes est une alternative offensive. Toute alternative non offensive ou visant à aménager le système spectaculaire marchand sera un jour ou l’autre dévoré par ce dernier. Ce refus d’un status-quo illusoire est ce qui distingue fondamentalement le skinhead situationniste du skinhead d’appartement (et de son avatar moderne, le cyberskin), consummateur de sa propre existence.

23 - Enfin, le skinhead situationniste méprise tout individu affirmant que les vrais situs sont morts et les vrais skinheads aussi, que ces mouvances sont à reléguer aux oubliettes de l’Histoire avec les mots "lutte" et "classes" et que, de toute façon, la fin du dernier millénaire a vu la fin de l’Histoire. Il n’est même pas la peine de préciser que celle-ci suit son cours et qu’elle verra crever un à un les charognards de la pensée utopiste. L’utopie skinhead situationniste n’est pas irréalisable mais irréalisée. Et encore, elle se réalise au présent dans les actes de résistance quotidiens des skinheads situationnistes et dans leur quête constante du "way of life" que l’on peut résumer au vieil adage: Vivre sans temps morts, jouir sans entraves (en anglais: Sex, droogs & Rock’n’roll). L’affirmation vivante de l’existence véridique des skinheads situationnistes est une preuve de sa vérité historique. Il y a toujours des cultures populaires vivantes, il y a toujours des agités, il y a toujours des situations révolutionnaires, il y a toujours des skinheads, il y a toujours des situationnistes. Ceux qui hurlent au passéisme ne s’aperçoivent pas qu’ils sont en train de pourrir debout, de concert avec leur monde trépané et leurs ismes à rallonge. Emporterons-t-ils la nappe dans leur agonie, c’est toute la question. Mais pas un skinhead situationniste ne perdra le temps d’aller gerber sa bière sur leur tombe.


Communiqué de l’Internationale Skinhead Situationniste, Cellule Combattante Yul Brynner In Sta-Prest



De quelques termes usités à travers une assez courte unité de temps:

Skinhead: Individu aux cheveux courts, de sexe féminin ou masculin, issu de la classe ouvrière et fervent amateur de musiques jamaïcaines.

Situationniste: Celui qui s’emploie à construire des situations.

Skinhead situationniste: Membre de l’Internationale Skinhead Situationniste.

Skinhead reggae: Style de l’early reggae des années 69-71 marqué par l’utilisation de l’orgue Hammond. Par extension, musique jamaïcaine des années 60-70 écoutée par les skinheads.

Psychogéographie: Etude des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus.

Psychogéographique: Ce qui manifeste l’action directe du milieu géographique (et de son contenu socio-culturel) sur l’affectivité.

Dérive: Mode de comportement expérimental lié aux conditions de la société urbaine: technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Se dit aussi, plus particulièrement, pour désigner la durée d’un exercice continu de cette expérience.


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Message par Stanislas » 30 Jan 2004, 10:03

Civodul,

En gros, c'est la continuité des " Saint-Just en blouson noir " de 69-72, si j'ai pigé. Remarque j'ai peut-être pas pigé.
Stanislas
 
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Message par Stanislas » 30 Jan 2004, 13:39

Daté de 1995 - O tempora, o mores (autres temps autres moeurs, mais en latin c'est plus chic),
Texte criticable mais intéressant - texte intéressant à critiquer. Perso, je trouve que c'est intéressant mais criticable.

Hurlements en faveur des situationnistes.

1.
Dans le cadre d'un monde qui a été essentiellement transformé, les situationnistes ont réussi. Cette réussite se retourne contre le situationnisme qui n'attendait rien d'autre que le renversement de l'ordre social dominant. Mais en même temps le retard intervenu dans l'action des masses qui s'emploient à ce renversement, conservant et aggravant, avec les autres contradictions du capitalisme évolué, les mêmes impuissances de la création culturelle, maintient l'actualité du situationnisme et en favorise de multiples répétitions dégradées. Le monde post-moderne a rattrapé l'avance formelle que le situationnisme avait sur lui.

2.
Le situationniste est la "redécouverte et l'achèvement" de la critique de l'économie politique marxienne appliquée aux conditions modernes de l'exploitation capitaliste.

3.
La brillante application du concept marxien du fétichisme de la marchandise aux thématiques de la production culturelle, du jeu, de l'urbanisme, de la vie
quotidienne ou encore de la communication et des mass-media renouvelle la théorie de Marx en même temps qu'elle rend définitivement risibles les dogmes sclérosés du "marxisme" ( de ses penseurs et de ses partis).

A tous les jeunes gens inclinés par nature au dépassement et au jeu, au refus du travail et du pouvoir, nous ne souhaitons qu'une chose : qu'ils rayonnent à jamais d'intelligence et de grâce ou, ce qui revient au même, qu'ils lisent les numéros de juin et de décembre 1958 de l'Internationale Situationniste. Encore aujourd'hui ils riront de l'interprétation économiciste et "scientifique" de la lutte de classe et leurs yeux brilleront au contact de l'ironie, des beaux sarcasmes, de l'éclatante révolte mariée à la rigueur et à l'intelligence d'une pensée vivante et libre.

4.
Les situationnistes sont également héritiers de la carence du projet du jeune Marx qui consista en une compréhension de la praxis dominée par la catégorie hégélienne du négatif, autrement dit du prolétariat dans les catégories marxiennes de la dialectique. La récupération, falsification actuelle du situationnisme est le produit de cette carence, car là où le prolétariat s'est perdu le concept de Spectacle a été aussitôt saisi et retourne par les idéologues du pouvoir. La carence des situationnistes se reflète bien évidemment dans les limites des luttes révolutionnaires du prolétariat de son époque.

5.
La critique radicale de l"'existant" conduit les situationnistes à l'achèvement de la pratique et de la théorie du mouvement révolutionnaire ouvert par Marx et à la nécessité de son dépassement. Ce dépassement dont toutes les conditions étaient contenues dans '68 n'a nulle part été réalisé ni pratiquement ni théoriquement.

6.
Le système de la domination n'ayant nulle part été subverti, et ceci menaçant de durer plus longtemps que prévu, la catégorie du spectacle interpelle encore le devenir d'une pensée radicale. C'est d'ailleurs à son aune qu'on pourra toujours reconnaître une telle pensée d'un fatras néo-marxiste ou d'un délire d'halluciné post-moderne, et n'aurait-elle contribue qu'à une telle oeuvre de santé mentale, qu'elle mériterait déjà notre pleine reconnaissance.

7.
Dans le monde réellement inverse, le vrai est un moment du faux.

Ce détournement du texte hégélien contient l'héritage des situationnistes pour les générations à venir. C'est précisément en franchissant ce point limite que la théorie marxienne entre en crise.

Si le Spectacle est bien la carte du nouveau monde, carte qui recouvre exactement son territoire, si le Spectacle réunit le séparé mais le réunit en tant que séparé, toute recherche d'une définition du "Négatif' à même d'abolir cette séparation est désormais vaine.

Au moment où le capitalisme subordonne tout l'existant à sa propre domination, plus rien ne distingue l'image de la chose, la copie de l'original, la représentation de la réalité, le vrai du faux. Le négatif n'a plus aucune "extériorité" sur laquelle se fonder.

La méthode dialectique ( le caractère inséparable de la théorie de Marx et de la méthode hégélienne malgré son renversement vers une compréhension de la lutte, et nullement de la loi), non seulement n'est plus suffisante, mais, dans les conditions du capitalisme contemporain, elle se renferme dans la description des dispositifs de fonctionnement du pouvoir, sans les menacer.

C'est l'honneur des situationnistes d'avoir conduit la dialectique jusqu'à son point de désintégration, dans l'impasse qui la contenait, au-delà de Marx.

8.
Avant mai '68 la théorie révolutionnaire converge de plus part vers le point de non-retour de critique de la dialectique.

"La différence d'essence et phénomène, sans laquelle, selon Marx, toute science serait inutile est, historiquement comprise, la différence qui concerne une transformation possible ".

La différence révolutionnaire entre essence (valeur) et phénomène (valeur d'usage) permet de saisir la possibilité de comprendre la "naturalité" du capitalisme comme "apparence". Mais si la société entière se réduit à une seule dimension (valeur), s'estompent toutes les différences d'une logique de l'essence. Ce constat parapherait-il la mort de la théorie révolutionnaire ?

La caducité des catégories telles qu'aliénation et réification trouve son origine dans une modification essentielle de la forme de la marchandise. Ses éléments constitutifs - la valeur d'usage et la valeur d'échange qui se manifeste en usurpant la forme naturelle de la première - sont entrés dans une constellation qualitativement différente(selon H.J. Khral et le mouvement révolutionnaire allemand) : Le Spectacle (selon les situationnistes).

Quand toute la vie est subordonnée à l'accumulation capitaliste, la loi de la valeur perd sa pertinence heuristique. Car alors on ne peut plus définir ni déterminer une "mesure du temps" (selon l'Autonomie italienne).

Les théories révolutionnaires des années 60 ont fait briller le reflet lugubre du miroir du Spectacle en mettant en abyme sa tautologie. C'est là, par-delà leurs singularités et leur valeur, leur grandeur commune et leurs limites.

9.
Comment percer la grande métaphore du capital devenu capitalisme mondial intégré ?

Les théories qui ne fondent plus la rupture avec le capitalisme sur le renversement de la méthode dialectique nous ouvrent-elles de nouvelles alternatives ? On veut bien le croire. Pour autant le rapport (ou le non-rapport) entre "processus de subjectivation" et "dispositifs de pouvoir", entre "appareils d'État" et "machine de guerre" constitue-t-il un dépassement certain de cette impasse théorique où se sont désintégrés les situationnistes ?

10.
La lie post-moderne de la non-pensée - qui est en réalité la soumission à un tel degré conceptuel qu'elle est devenue néant - a fait sienne le concept de "Société du Spectacle" en le retournant et en le séparant de son rapport dialectique avec le concept et la pratique des "situations". La pensée post-moderne tire sur tout ce qui vit et tue tout ce qu'elle pense. La pensée post-moderne en général, comme inversion complète de la critique, est le mouvement du non-vivant dans la sphère des idées.

11.
Situation construite : "Moment de la vie, concrètement et délibérément construit par l'organisation collective d'une ambiance unitaire et d'un jeu d'événements."

12.
La construction des situations, riche programme abandonné aux friches par les situationnistes mêmes, nous introduit au cœur d'une critique radicale de l'existant et concerne encore, par ses enjeux, toute notre actualité.

"La crise actuelle de la vie quotidienne s'inscrit dans les nouvelles formes de la crise du capitalisme, formes qui restent inaperçues de ceux qui s'obstinent à supputer l'échéance classique des prochaines crises cycliques de l'économie.

Ce n'est pas un mouvement culturel d'avant-garde, même ayant des sympathies révolutionnaires, qui peut accomplir cela. Ce n'est pas non plus un parti
révolutionnaire sur le modèle traditionnel, même s'il accorde une grande importance à la critique de la culture. Cette culture et cette politique sont usées : ce n'est pas sans motif que la plupart des gens s'en désintéressent. La transformation révolutionnaire de la vie quotidienne, qui n'est pas réservée à un vague avenir mais placée immédiatement devant nous par le développement du capitalisme et ses insupportables exigences, l'autre terme de l'alternative étant le renforcement de l'esclavage moderne, cette transformation marquera la fin de toute expression artistique unilatérale et stockée sous forme de marchandise, en même temps que la fin de toute politique spécialisée.
Ceci va être la tâche d'une organisation révolutionnaire d'un type nouveau, dès sa formation."

Ces voix ont-elles trouvé des interlocuteurs depuis qu'elles ont retenti sur la surface de la terre, un été de 1961 ?
Stanislas
 
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Message par sophie » 30 Jan 2004, 13:45

article tiré de Rouge de cette semaine
http://www.lcr-rouge.org
(abonnez vous!!)

a écrit :Rock alternatif
    Revenant ou fantôme ?   



   
        Le rock alternatif suscite un nouvel engouement.
Mais si les papys sont de retour sur le devant de la scène, force est de constater que l'heure n'est pas au renouveau... 



  Le retour des Bérurier noir, groupe phare du rock  alternatif (plus d'un million de disques écoulés depuis leur  création), près  de quinze ans après leur autosabordage en beauté à l'Olympia  en 1989, a de quoi susciter de nombreuses interrogations et un certain scepticisme.  Le succès rencontré par leur concert - et normalement unique  prestation - lors des "Transmusicales" de Rennes ne laisse en tout  cas planer aucun doute : personne ne peut leur dénier un rôle  unique dans l'histoire du rock français, ni minimiser le pouvoir de  mobilisation qu'ils ont apparemment encore conservé, y compris auprès  d'une jeunesse que l'on pensait anesthésiée par le mauvais rap  ou la soupe rock à la Kyo. Suite presque involontaire, du moins selon  la version officielle, des retrouvailles organisées à l'occasion  du DVD Même pas mort (1) (sorte de testament visuel réalisé par  un compagnon de route, François Bergeron), ce mémorable passage à Rennes  a quasiment totalement occulté les autres prestations, de Stéphane  Eicher aux prestigieux Gangstarr en passant par le prometteur Cody Chesnutt.  Evidemment, le tout fut relevé d'une touche "old school",  avec les inévitables incidents, largement prévisibles, entre  des organisateurs dépassés par l'affluence, les relents de punks à chien  et les habituelles provocations policières. Au final, quatre cents personnes  impliquées, trois cents grenades lacrymogènes contre mille canettes  de bière, quelques blessés, vingt-huit interpellations et cinq  condamnations en comparution immédiate - de huit jours à quatre  mois de prison ferme. Pour couronner l'ambiance, la droite locale en a profité pour balancer son antienne sécuritaire.



Punk's not dead ?



Qu'aujourd'hui ce groupe, qui n'eut auparavant jamais droit  aux honneurs de la télé, en tout cas pas à la hauteur de sa portée,  puisse attirer 6 000 personnes et provoquer un tel engouement n'est néanmoins  guère rassurant sur la santé globale de la musique hexagonale,  notamment sur son versant militant. Ce revival s'inscrit par ailleurs dans  l'air du temps, qui réhabilite le keupon (punk) en le déshabillant  de tout ce qui en faisait un mouvement instable et libertaire (au sens culturel  du terme) - il suffit de voir la multiplication des soirées punk dans  les boîtes branchées parisiennes. Sans compter que, tous courants  musicaux confondus, la reformation se répand comme une épidémie.  Même les légendaires Métal urbain, ancêtres les plus  conséquents du punk hexagonal, ont repris du service.
  De fait, le fond du problème reste de savoir s'il s'agit davantage d'une  nostalgie bien compréhensible et éminemment respectable - la  réhabilitation d'un rock alternatif, qui quoiqu'on en dise ou pense,  constitua une fantastique expérimentation concrète et ambitieuse  de contre-culture - ou, au contraire, d'un appel d'air trouvant un écho  réel et inespéré auprès de nouvelles générations  en manque de modèles charismatiques ? Chacun peut y répondre à sa  manière, la suite révélera la véritable nature  de cet événement et confirmera les espoirs des uns ou les réticences des autres.



Epopée générationnelle



Le bon côté de ce remue-ménage est de remettre sans conteste  en lumière l'épopée générationnelle et urbaine  de la jeunesse des années quatre-vingt (des choses intéressantes  se sont déroulées en France après 1968, qui l'eut cru  ?). Après avoir subi une traversée du désert médiatique,  dont l'objectif était de minimiser l'impact qu'avait eu cette scène,  dans sa diversité (fanzines (2), graphs, associations, mouvance redskin,  etc.), sur la culture populaire, cette histoire singulière mais significative  connaît un regain évident d'intérêt et une reconnaissance  enfin méritée (en grande partie grâce au travail minutieux  et patient d'un label comme Crash disques (3), qui a régulièrement  réédité les disques de cette période, comme ceux  de Ludwig von 88). De fait, le rock alternatif n'a pas fini de faire couler  de l'encre. Quasi inexistant au début des années 1980, le rock  français est devenu institutionnel et commercial. La marge de manoeuvre  reste donc immense pour ceux qui désirent développer une alternative  médiane entre l'amateur sans ambition et la major sans conscience.
  Toutefois, il ne faut pas tordre le bâton dans l'autre sens et se voiler  la face. L'alternatif est mort également parce qu'il s'est cogné la  tête, jusqu'à vomir son cerveau, sur ses propres limites : face  au fonctionnement des structures et des labels (voire la fin chaotique de Bondage),  son sectarisme, parfois efficace, finalement stérile ; son décalage  vis-à-vis des musiques émergeantes (hip-hop, house), qui le coupa  des nouvelles dynamiques à l'oeuvre au sein de la culture populaire  ; ses relations complexes et jamais simples avec la politique et notamment  l'extrême gauche (et réciproquement)... Comme toujours dans ces  cas de figures, les retrouvailles (entre un groupe et son public, entre quadras  ayant ou non lâché l'affaire), aussi heureuses soient-elles, ne  doivent pas masquer les causes du divorce. La société française  et le monde de la musique se sont profondément transformés depuis  1989. Les Béru et le rock alternatif constituent définitivement  une part intégrante de notre héritage partisan et festif qui, à l'instar  des moments magiques comme juin 1936, maintient en vie l'idée que "tout  est possible". Ce sont les vaincus qui ont le plus besoin de mémoire. Et de passer à autre chose.



King Martov



1. Wagram / Folklore de la zone mondiale : 1 CD best of,  agrémenté de  quelques nouveaux morceaux. 2 DVD, dont des extraits des trois derniers concerts à l'Olympia  en 1989, une mine d'images, d'archives et deux longs entretiens.
  2. Le fanzine Barricata du Rash (Red & Anarchist Skinhead) a publié dans  son dernier numéro un très bon dossier sur le phénomène  Béru, 4 euros port compris, au Rash, c/o Crash disques, 21 ter, rue  Voltaire, 75011 Paris, ou à la librairie La Brèche.
  3. Crash disques vient de sortir une compilation retraçant le parcours  d'un des groupes les plus intègres de la scène alternative : Les Thugs, Road Closed 1983-1999.
sophie
 
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Message par Stanislas » 30 Jan 2004, 15:46

De la philosophie du punk et des " malheurs de Sophie " (bibliothèque rose, par la Kontest de Cigüe)
Dans le même genre : "Greil Markus - Lipstick Traces", très controversé.

(Anselm Jappe (Krisis) a écrit :Best-seller aux Etats-Unis. Il retrace l'histoire des mouvements culturels souterrains et de la transgressivité culturelle, de Dada et des premiers surréalistes à travers les lettristes et les situationnistes, jusqu'au mouvement 'punk', avec des excursions vers les anabaptistes de Münster, les canheurs de la Commune de Paris, etc. Ce livre a visiblement été écrit par un journaliste : il contient un riche matériel narratif et iconographique. Ecrit avec un brio qui fait défaut à d'autres livres traitant de cette question, il est une bonne introduction à l'atmosphère lettriste; mais les raprochements effectués entre les phénomènes (par exemple l'Internationale situationniste et les Sex Pistols) sont arbitraires et témoignent d'un manque de compréhension historique.

... Et de toute problématique politique, à mon avis, outre le jugement de Jappe.

Sinon c'est un bon bouquin. :smile:
Stanislas
 
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Message par louis panier » 31 Jan 2004, 15:16

Il est bien ce king Martov, synthétique, de l'humour, une bonne plume... un sens certain de l'autodérision dans le choix de son pseudonyme...
On aimerait bien le croiser!
louis panier
 
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Message par sophie » 31 Jan 2004, 17:21

Tu peux le croiser toutes les semaines dans ROUGE!!
sophie
 
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Message par boispikeur » 31 Jan 2004, 17:23

Il peut aussi (et surtout?) le croiser sur le Redforum justement!
(Et peut-être tous les matins dans son mirroir? je ne sais pas jusqu'où va l'humour du sieur Panier)
boispikeur
 
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