Page 1 sur 1

Message Publié : 03 Juil 2004, 18:54
par Valiere
Reprendre en pratique
la critique du sport
L’EE a une longue tradition de critique du sport de compétition et de sa logique aliénante d’abrutissement, de manipulation et de répression. Du numéro historique de "Partisans" (1) aux divers numéros du "Chrono Enrayé" qui ont structuré l’implantation de l’EE dans un SNEP (2) totalement inféodé à l’idéologie stalino-stakhanoviste de la tendance Unité et Action, de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT) et du PCF admirateur du "bilan globalement positif" du socialisme réellement existant, en passant par la fondation de la revue "Quel Corps ?" en 1975, les campagnes de boycott du Mundial fasciste en Argentine en 1978 (COBA) et des Jeux olympiques du KGB (Kossyguine, Gromiko, Brejnev) à Moscou en 1980, les dénonciations du rugby apartheidiste en Afrique du Sud et le rallye néo-colonialiste du Paris-Dakar, l’EE (3) a maintenu - vaille que vaille - une continuité militante dans la contestation de "l’opium sportif" (4).

A
l’inverse, et de manière presque caricaturale, la quasi totalité des " forces de gauche" (5) - du PCF au PS, en passant par les centrales syndicales, les Verts, les associations de lutte anti-impérialistes et les diverses sectes se réclamant du mao-stalinisme - se sont progressivement vautrées dans l’apologie béate et benoîte du "sport-culture", du "sport-éducation", du "sport-intégration", du "sport-citoyenneté". À l’extrême gauche trotskyste également, à de rarissimes exceptions près, le sport a été, lui aussi, l’objet d’une sorte de fascination populiste à mesure que cette extrême gauche s’est substituée au PCF en se rapprochant des "masses populaires". Abandonnant toute forme de critique marxiste de l’idéologie dominante, ces vaillants propagandistes de l’ouvriérisme trotsko-syndicaliste, finirent par considérer le sport capitaliste (et bien entendu aussi le sport encaserné du capitaliste d’État totalitaire des pays de l’Est) comme un "acquis de la classe ouvrière", un vecteur de la "culture populaire" ou "prolétarienne", voire un "outil d’émancipation" pour peu que les "forces progressistes" veuillent bien l’arracher à ses "excès", "abus", "déviations", "dénaturations" ou "dérapages".
Aveuglements
Aveuglés par leur passion pour le foot, le rugby, le cyclisme et autres "sports ouvriers", ces supporters benêts de la crétinisation sportive ne purent même pas imaginer que le sport-spectacle capitaliste mondialisé - avec son matraquage télévisé omniprésent, sa sportivisation totalitaire (du sport partout, tout le temps, pour tous) et son infiltration insidieuse dans toutes les institutions sociales - était le fer de lance de la colonisation des esprits par l’idéologie socio-biologique de la concurrence généralisée, de la compétition et de la "gagne" à tout prix (la lutte de tous contre tous), le véhicule de la contre-révolution libérale avec son individualisme ("les eaux glacées du calcul égoïste" dit Marx), son "dépassement des limites" (qui finissent au bas d’un sommet ou au fond de l’océan…), son"héroïsme sportif", son culte de la performance et ses gains mirobolants (le véritable veau d’or de la modernité…), le triomphe indécent enfin de la marchandisation universelle à travers des figures de champions idolâtrés comme des gourous, mercenarisés par une horde de sponsors, capitalisés comme des titres en bourse et anabolisés jusqu’à l’os.
Le comble de la confusion fut atteint en 1998 lorsque les Bleus, c’est-à-dire les " Blacks-Blancs-Beurs", devinrent champions du monde de foot en battant le Brésil. La "gauche de la gauche", dite "100% à gauche", pouvait se donner le ridicule - le journal Rouge en tête - de mêler ses voix au concert unanimiste de la marée tricolore, hurlante, trépignante et bavante (la bière est la vraie boisson de l’effort…) sous le prétexte démagogique d’accompagner "l’immense bonheur populaire" pour reprendre l’expression de L’Humanité. "La cause du peuple", clamaient autrefois les admirateurs du grand nageur Mao. La cause du foot, avaient surenchéri les apôtres du "front unique ouvrier", de "l’avant garde ouvrière et du front de classe". Christian Piquet, rédacteur à Rouge, se distinguait dans le trotsko-populisme grégaire et légitimait la passion de tous ces militants "lutte de classe" scotchés devant leurs écrans de télévision en vibrant dans la même "exultation collective". Footeux, métallos, cheminots, postiers, mêmes ébats, mêmes combats ? Piquet, qui devait sans doute confondre licenciements et hors-jeu, lock-out et coup franc, voyait dans le déchaînement nationaliste ("cette vague qui allait tout emporter sur son passage" selon son dire) une "prise de parole dans un espace qui offrait l’occasion, si rare, d’exprimer une aspiration massive à une autre société, à un autre destin, fraternel et commun. Une forme d’insurrection joyeuse et insouciante" (Rouge, 16 juillet 1998). Le socialisme par les terrains de foot (6)…
Résister au totalitarisme
sportivisé
Alors que s’annoncent ces prochains mois les Championnats d’Europe de football au Portugal et les Jeux olympiques d’Athènes, et au-delà, en 2008 (7), les Jeux du despotisme asiatique à Pékin, il est grand temps de reconstituer une ligne critique, dans et hors les syndicats, dans et hors l’école ou l’université. Récemment, pour le dire tout de go, nous n’avons pas pu bouder notre plaisir d’avoir vu les défaites des équipes de football de Marseille et de Monaco, tout en espérant qu’elles se prolongeront par celle de l’équipe de France au prochain Euro 2004. Le défaitisme sportif est en effet notre vraie ligne de conduite, militante, politique.
Autrement dit, face à la sportivisation mondialisée des esprits, face à la délitescence de la conscience politique laminée par les ravages du sport comme organisation structurelle de la vie quotidienne, quatre tâches prioritaires s’imposent aujourd’hui.
l Critique de l'économie politique du Capital et théorie critique du sport
Le corpus théorique de la critique est déjà largement constitué (8). Il suffit pour les militantEs de le (re)lire et de l’approfondir. Nous considérons que la Théorie critique du sport est à présent un élément essentiel de la critique de l’économie politique du Capital. Notamment sur les points suivants :
- l’idéologie idolâtrique des champions, prétendus modèles pour la jeunesse, comptes bancaires ambulants (9) et propagandistes à leur "insu de plein gré" des manipulations biologiques et du dopage (10).
- le spectacle sportif omniprésent, dans et hors les stades (11). La sportivisation télévisuelle est un facteur décisif du matraquage idéologique de l’espace public et de banalisation de tous les thèmes de la mondialisation libérale.
- le mode de production sportif comme double et prolongement du mode de production capitaliste. Le développement des valeurs sportives maffieuses (combines, escroqueries, trafic…).
- les institutions sportives - notamment le Comité International Olympique (CIO) et la Fédération Internationale de Football (FIFA) - comme agences intégrées à la pieuvre organisationnelle de l’Empire capitaliste qui régule les flux monétaires, les investissements de capitaux et les politiques commerciales à l’échelle de la planète (FMI, OMC, G8, Banque mondiale, etc.).
l Critique idéologique
La critique du sport est un élément décisif de la critique idéologique contemporaine, aussi bien des mécanismes de la servitude volontaire, de la peste émotionnelle de masse, du fascisme, de la répression sexuelle ou de la sportivisation des esprits.
l Critique de l'éducation sportive
La critique de l’hégémonie du sport comme supposée éducation corporelle et facteur de santé. Le sport à l’école et sa didactique pavlovisée à la soviétique ont transformé les enseignants d’EPS en sergents-recruteurs du sport fédéral. La collaboration école-clubs sportifs, voulue par tous les gouvernements de gauche et de droite, est un aspect parmi d’autres de l’intrusion des intérêts économiques et des officines idéologiques dans l’espace scolaire. Critiquer le voile islamique à l’école est tout à fait indispensable, mais critiquer le sport en tant que facteur de domestication est tout aussi nécessaire.
l Campagne de boycott des JO
L'EE (12), fidèle à sa tradition de solidarité internationaliste, se doit d’initier une campagne de boycott des Jeux olympiques de Pékin qui auront lieu en 2008. Aussi bien dans les syndicats que dans le mouvement altermondialiste - étrangement silencieux sur la question de la colonisation sportive du monde -, Emancipation se doit d’intervenir pour développer les initiatives de boycott d’une des dictatures les plus féroces de la planète. Sans oublier "nos" propres Jeux olympiques de 2012, pour lesquels un consensus s’est fait jour en France…
Jean-Marie BROHM (Hérault)
& Marc PERELMAN (Paris)
(1) Partisans, n°43 ("Sport, culture et répression"), Paris, François Maspero, juillet-septembre 1968 ; réédité en Petite collection Maspero en 1972 et 1976.
(2) Syndicat des professeurs d’éducation physique et sportive, alors adhérent, comme le SNES, à la Fédération de l’Education nationale (FEN).
(3) La vraie, c’est-à-dire celle qui a toujours refusé l’asservissement à une ligne politique dictée bureaucratiquement de l’extérieur, par l’OCI naguère, la LCR aujourd’hui…
(4) Pour un bilan de toutes ces luttes, voir L’Opium sportif. La critique radicale de l’extrême gauche à Quel Corps ? (Textes présentés par Jean-Pierre Escriva et Henri Vaugrand), Paris, L’Harmattan, 1996. Cette anthologie représente aujourd’hui un précieux instrument pour celles et ceux qui voudraient repartir à l’assaut du monstre sportif.
(5) Pour la droite le sport est de toutes les façons une évidence intouchable, au même titre que le secret bancaire, la domination éternelle du capital ou l’horizon indépassable du "libre marché"...
(6) Un éminent syndicaliste enseignant, Samuel Johsua, s’est même fait le supporter inconditionnel de la culture foot, en particulier à l’Olympique de Marseille, club progressiste s’il en est… (Cf. Rouge, n°1786, 25 juin 1998.).
(7) Voir Jean-Marie Brohm, Marc Perelman et Patrick Vassort, "Les héros mythifiés de l’olympisme", Le Monde diplomatique, juin 2004.
Socialisons les temples
du capitalisme sportif
On ne peut pas être anticapitaliste et accepter sans rien dire ce déballage de l'idéologie dominante au travers des JO d'Athènes. Le sport n'a jamais porté les vertus que le CIO, mafia réactionnaire, voudrait bien lui donner. Les JO restent une exploitation commerciale de grande envergure, une fabuleuse manifestation à la propagande nationaliste et une vitrine indécente de la richesse et des valeurs des pays du Nord ; le tout, sous prétexte d'honorer la fraternité.
Les JO sont un vaste marché du profit rapporté par le muscle de populations à qui on offre souvent comme unique perspective de développement l’exhibition dans des stades. Stades remplis d'une population à qui on laisse la liberté d'exprimer ses pulsions violentes et racistes dans une arène, évitant ainsi toute contestation de l'ordre établi. Les Jeux Olympiques sont la victoire de la bourgeoisie sur la lutte des classes ! Athènes renoue bien avec les marchés aux esclaves de l'Antiquité : émissaires des riches démocraties libérales du Nord se rendant, chéquier à la main, remplir leur panier des futurs athlètes de nos clubs de demain.
Après le pillage des richesses naturelles, soulignons le vol des exploits des pays pauvres et rappelons que, sur ces nombreux appelés du Sud, beaucoup finissent aussi à la rue, rejoignant les cohortes de sans-papier et de précaires. Alors que dans nos fauteuils, nous serons gavés d'images de coureurs drogués, dans les coulisses d'autres seront en train de nous préparer un avenir moins radieux.
Ce sport-là a bien une fonction : il véhicule la domination idéologique du capitalisme en ayant intériorisé toutes les valeurs de la bourgeoisie. On y retrouve la compétition, le malheur et l'exclusion du vaincu, l'élitisme, le rendement mais aussi le nationalisme, le sexisme sans oublier la spiritualité. Les JO et autres manifestations de ce genre placent les populations sous l'hégémonie bourgeoise en les intégrant à leur idéologie ultra-réactionnaire.
Lutte anticapitaliste
ou soumission sportive
Comment peut-on lutter contre le capitalisme et fermer les yeux sur cette collaboration ? Nous devons nous montrer solidaires de tous les travailleurs qui se battent dans tous les pays candidats à l’organisation de ces compétitions où les droits sociaux sont peu ou pas respectés (c'est à dire tous !), ceux qui se battent contre le joug capitaliste, contre les annexions, les colonisations, la guerre.... Nous devons replacer le sport dans une optique de lutte de classes.
Refusons cette collaboration avec l'idéologie bourgeoise et cette marchandisation des activités sportives : dénonçons le sport d'Etat, le sport de l'argent et du profit. Nous avons probablement raté la mobilisation contre les JO d’Athènes, ne ratons pas les prochains.... à Pékin. Dès aujourd'hui évoquons une position de boycott et réfléchissons aux alternatives à ce venin capitaliste.
Eric DURUPT
Haute-Loire
(8) Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, Le Football, une peste émotionnelle, Paris, Les Éditions de la Passion, 2002 ; Marc Perelman, Les Intellectuels et le football, Les Éditions de la Passion, 2002 ; Patrick Vassort, Football et politique, Les Éditions de la Passion, 1998. Voir également Jean-Marie Brohm, Les Meutes sportives. Critique de la domination, Paris, L’Harmattan, 1993.
(9) Un simple exemple, parmi des milliers d’autres, qui peut donner de quoi rêver aux chômeurs et petits salariés. Le brave Robert Pires, membre de l’équipe de France de foot : "Je gagne entre 229 000 et 305 000 euros par mois. C’est ma fourchette [...]. Moi, on me propose cette somme, je prends, c’est tout." (Les Inrocks SO Foot, "Euro 2004, le foot rencontre la culture", mai 2004, p. 44). Le foot ne rencontre jamais la culture, comme le clament les postmodernes branchés des Inrockuptibles, mais toujours le fric dans sa nauséabonde indécence cynique.
(10) Voir notamment Quel Corps ?, Critique de la modernité sportive, Paris, Les Éditions de la Passion, 1995 ; Jean-Marie Brohm, Les Shootés du stade, Paris, Paris-Méditerranée, 1998.
(11) Marc Perelman, Le Stade barbare, Paris, Mille et une nuits, 1998.
(12) Devenue Emancipation. NDLR.

Message Publié : 03 Juil 2004, 20:30
par zarta
complètement d'accord =D>
je voulais juste rajouter que dernièrement il y a eu une émission tv au sujet du dopage qui montrait comment les "propriétaires" d'une équipe de cycliste se comportaient comme de véritables dealers internationaux et ne parlaient en fait jamais de sport mais de "produit" à acheter, vendre, cacher, transporter...
mais je voulais aussi un peu tempéré car je pense que le sport pratiqué par des individus (hors compétition) peut être un vecteur de santé : j'ai de grâves problèmes de dos et pour aller mieux, il me faut me muscler le dos et donc pratiquer un peu ... ce qui me fait pas mal de bien. Sinon je devrais prendre des tonnes de doliprane - ce que je sens mal...

Message Publié : 03 Juil 2004, 23:04
par Valiere
oui il ne faut pas confondre sport et activités physiques ludiques... Ceci étant dit, voici dans le même numéro de l'Emancipation, excellente revue continuatrice de l'Ecole Emancipée créée en 1910, un autre article que voici
Valière

MORTELLE ÉCHAPPEE OU L'ENFER DES STADES
Le sport : école de la vie ?
“Le sport est l’activité humaine la plus proche de la guerre et qui ne soit pas mortelle“. Cette "forte pensée" de Ronald Reagan, rapportée par le journal "L’Equipe" en mai 1981, a aujourd’hui un goût d’autrefois.
Déjà, en 1981, il était possible d’écrire une histoire des tueries et des victimes du sport. Ensuite, les années 80, avec l’essor des meutes sportives notamment autour du football, ont montré au Heysel et dans d’autres endroits du monde que le stade pouvait être au sens propre un champ de bataille dont on ne se relève pas.
Ces violences de beaufs avinés se perpétuent sur tous les stades d’Europe où les tueries collectives sont empêchées par des déploiements toujours plus impressionnants de forces de police. Elles ne font plus la une de la presse spécialisée, il ne faut pas effrayer les sponsors.
La violence est donc renvoyée aux faits divers du sport (voir encadré). Aujourd’hui cependant, un autre drame se noue dans l’enceinte des stades, sur les terrains d’entraînement et les salles de musculation : celui de la mort en direct, voire en léger différé comme disent les présentateurs sportifs.

E
n effet, les champions sportifs des années 70 et 80, ces années de la science au service du dopage, ces années à partir desquelles le dopage est devenu la condition même de la performance sportive, ces champions-là ont tous aujourd’hui leur carrière derrière eux et nous assistons tout simplement à leur mort.
A ce titre, l’agonie du footballeur argentin Diego Maradona est plus qu’un fait divers qui nous conterait la descente aux enfers d’un grand sportif qui aurait mal "géré" sa fin de carrière. Maradona est plutôt le symbole d’une génération de sportifs qui a participé à l’explosion du sport-spectacle. Et, pour que le spectacle soit grand, il fallait que le champion soit bien là, toujours présent au grand rendez-vous du petit écran, sans états d’âme, toujours au plus haut niveau, jamais blessé ou en tout cas, toujours capable de jouer, soit avec une piqûre (1), soit avec un peu de cocaïne.
Les stars de la Dope
Lorsqu’on pense dopage, c’est immédiatement le cyclisme qui vient à l’esprit avec ses morts à fréquence de plus en plus rapide, ses scandales constants, ses seringues plein les hôtels et qui ne sont à personne, ses dopés "à l’insu de leur plein gré", ses dirigeants corrompus, ses médecins-sorciers capables d’injecter au départ d’une étape des hémoglobines habituellement destinées aux animaux, ses directeurs de course aux déclarations anti-dopages toujours plus fracassantes et ses journalistes très souvent aveugles voire complices. Arrêter cette foire, stopper toute compétition pendant au moins un an serait une véritable mesure de santé publique.
Il ne se passe pas une semaine sans révélation ou inculpation d’un acteur du cyclisme mondial dans une affaire de dopage. Dans ce sport où les "stars" sont bien moins nombreuses et moins concernées qu’ailleurs par les salaires en millions d’euros (2), le courage, l’acceptation de la souffrance, l’endurance à l’effort sont des valeurs qui forgent les légendes et l’idée qu’on ne monte pas quatre cols alpins dans la même journée en buvant de l’eau d’Evian est totalement acceptée et banalisée, aussi bien par le milieu que par les commentateurs ou les spectateurs qui s’agglutinent le long des routes pour voir passer le Tour de France.
Le dopage fait lui-même partie de la légende pour mieux dissimuler qu’il est un élément du rapport de domination entre un patron et son salarié : "Quand on est coureur, si on refuse de prendre des produits, l’année suivante on est dans la rue" (Le Monde, 4 mai 2004) déclare Jésus Manzano, un coureur espagnol qui a parlé pour ne plus "risquer" sa vie.
Le dopage dans le cyclisme est tellement évident, historique et banalisé qu’il constitue un bon paravent pour les autres sports. Le milieu du football tire ainsi argument de son caractère collectif et tactique pour tenter de nous faire croire à l’immaculée reprise de volée. Il lui faut garder cette image sous peine de voir s’éloigner les multinationales qui le sponsorisent et qui sont d’un autre poids économique que les "partenaires" du cyclisme. Car dans tout cela, il faut bien voir que le sport spectacle, le cyclisme comme le football, a surtout à voir avec le retour sur investissement.
La culture du rendement…
du Capital
Même s’il est le grand oublié de la critique de la part des mouvements alter-mondialistes, le sport est un élément important de la diffusion normalisante de la pensée libérale, ne serait-ce qu’à travers l’uniformisation marchande des loisirs qu’il opère partout dans le monde y compris dans les pays du Sud. Ceux-là constituent des réservoirs de muscles et de légendes à venir, et l’attribution de la coupe du monde de football 2010 à l’Afrique du Sud doit bien être considérée comme une reconnaissance de ce rôle par les instances internationales du capitalisme footbalistique.
Le sport est d’abord et avant toute chose un énorme marché. D’après la commission européenne, il représente à lui seul 3% du commerce mondial. Le marché mondial des seuls articles de sport est évalué à près de 200 milliards d’euros (source : L’Equipe magazine, 20 mars 2004).
Pour perdurer et se développer, cette industrie particulière a besoin de vitrines. La télévision, seule capable "d’intéresser" plusieurs milliards de personnes à un même "événement" au même moment, est assurément la plus importante. Elle organise et planifie la dramaturgie des grandes messes mondiales du sport sur lesquelles peuvent se précipiter les sponsors et annonceurs en tous genre. Dans cette religion-là, on ne chasse pas les marchands du temple. Les droits de retransmission télé explosent entre deux compétitions mondiales et ils s’élèveraient en 2004 à 50 milliards d’euros.
Ensuite, comme toute vitrine, il faut la décorer avec des mannequins. En Europe les plus recherchés et les plus choyés sont les footballeurs. Ils sont par exemple 40 joueurs français à gagner plus de 1 million d’euros par an en évoluant dans des clubs français, anglais, italiens, espagnols ou allemands. A leur salaire, il faut ajouter les contrats publicitaires (Coca-cola, Renault, Nike, Puma, Ford, Adidas, Orange…) et 15 000 euros par match joué avec l’équipe de France. Pour verser de telles rémunérations, l’industrie du sport a besoin d’une exposition maximum de ces "stars". Ils jouent donc beaucoup, dans des compétitions qui se multiplient, qui, du même coup, multiplient les publications "spécialisées" et autres produits dérivés. Les footballeurs les plus connus sont ainsi traités sur le mode "people" des vedettes du show-business ou de la télévision.
A ce tarif-là il n’est pas question d’être longtemps malade ou blessé et les sphères dirigeantes du football mondial ont beau feindre l’inquiétude par rapport à l’augmentation des "cadences" réclamées aux joueurs (plus de 70 matchs par saison contre une quarantaine il y a trente ans pour les joueurs les plus sollicités, pour des carrières professionnelles qui durent aujourd’hui moins de 10 ans), le dopage est bien présent dans le football. Comme ailleurs, le braconnier a toujours un pas d’avance sur le garde-chasse qui, en plus, est aveugle et de mauvaise foi. Ainsi l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), l’agence la plus indépendante des fédérations sportives, s’est vue refuser ses observateurs lors de la dernière coupe du monde de football en Corée en 2002… Cette même agence se trouve très régulièrement en conflit avec les fédérations sportives internationales qui veulent être les seules habilitées à organiser le contrôle anti-dopage…
Les messagers de la nandralone
En juin 2003 à Lyon, Marc-Vivien Foe, joueur camerounais, tombe raide mort en plein match. Mort naturelle… c'est-à-dire que l’autopsie n’a révélé aucune trace de dopage. Fin janvier 2004, Miklos Feher, un joueur hongrois, s’effondre lui aussi en plein match de championnat du Portugal. "Cause naturelle", indique la justice portugaise près de trois mois plus tard. Il est vrai qu’à l’approche du championnat d’Europe des nations qui doit se dérouler au Portugal, un tel décès fait mauvais genre…
En Italie, au cours de l’année 2001, moment où les contrôles commencent à se faire plus pressants, une dizaine de footballeurs ont été contrôlés positifs à la nandrolone. Deux d’entre eux, joueurs de Pérouse, ont évoqué - sérieusement - une contamination par la viande de sanglier… Il faut dire que l’Italie, pays du scandale footbalistique permanent, est aussi le pays où un entraîneur d’un club de haut niveau a fait lui aussi scandale en 1998 en déclarant que le football devait "sortir des pharmacies" et que, au plus haut niveau, le dopage était organisé collectivement par des "pharmacologues professionnels dont la fonction est souvent masquée par un titre du genre nutritionniste" (Le Monde, 19/02/03). Ces révélations ont bien évidemment précipité la fin de sa carrière mais il s’est trouvé au même moment un juge pour s’intéresser à ces affaires et enquêter sur les morts suspectes du football italien.
Un juge au Pays du sport
Le magistrat Guariniello, intrigué par le décès d’Andrea Fortunato, jeune joueur de la Juventus de Turin (à l’époque club de Agnelli et Zidane) emporté par une leucémie lymphoïde en 1997, décide de lancer une énorme recherche épidémiologique (Le Monde, 16/01/03 et 09/12/03). Elle va porter sur 24 000 joueurs ayant évolué dans le football professionnel italien depuis 1960. Après recherches, nombreuses écoutes des veuves des joueurs décédés, recoupements, le résultat est effrayant : le taux de mortalité des footballeurs italiens est supérieur à celui de la population normale. Sur 400 décès depuis 1960, 70 sont suspects. Sur les 24 000 joueurs pris en considération, le taux de victimes du cancer est double par rapport à celui de la population.
Une maladie rare fait partie de l’étude de Guariniello, la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une pathologie qui atrophie et désintègre progressivement les muscles, le corps semble se vider de sa substance mais le cerveau reste lucide jusqu’au dernier moment. Après trois ans de souffrances, Gianluca Signorini est décédé de cette maladie en novembre 2002, il avait 42 ans. Auparavant, en mai 2001, on a organisé un match en son honneur à Gênes. On l’a posé au milieu du terrain dans son fauteuil roulant, privé de parole, avec ses enfants et sa future veuve à ses côtés. Celui qui allait mourir venait saluer une dernière fois. Ils étaient 30 000 dans le stade, parmi eux il y avait certainement son "soigneur".
Violence dans les stades…
Rien n’a changé, les stades sont simplement devenus les lieux d’expérimentation de la vidéo-surveillance et du quadrillage policier.
n Le bilan des vingt premières journées du championnat d’Italie 2002-2003 (…) est édifiant : le nombre de blessés dans les stades est en augmentation de 200% (il est passé de 258 à 776), celui des situations ayant nécessité l’utilisation de gaz lacrymogènes de 629%, le nombre de matches se terminant avec des blessés est en hausse de 91% (de 76 à 156). (…) Les dégâts dans les trains et les gares se montent à environ 500 000 euros (+ 128%). (…) Le dispositif de sécurité de chaque journée de championnat coûte à l’Etat 32 000 000 euros. Le Monde, 26/02/03
n Sergio Ercolano, 19 ans, n’a pas survécu à sa terrible chute, depuis la tribune du stade d’Avellino. Au cours des affrontements violents qui ont précédé la rencontre de division 2 Avellino-Naples, samedi 20 septembre, le jeune supporter napolitain avait basculé dans le vide, s’écrasant 20 mètres en contrebas. Le Monde, 24/09/03
n Un supporteur du Deportivo La Corogne est décédé dans la nuit du mardi 7 octobre à la suite d’affrontements lors d’un match opposant son club à celui de Compostela. Le Monde, 10/10/03
n Olivier Baraldini, un supporteur de Saint-Étienne âgé de 20 ans, a été blessé à la tête par un coup de feu, samedi 3 avril, aux abords du stade Lesdiguières à Grenoble, peu avant le début de la rencontre de football de Ligue 2 entre Grenoble et Saint-Étienne. Lundi matin 4 avril, il était toujours plongé dans un coma profond. Le Monde, 5/04/04
D. P.
Statistiquement, le juge Guariniello aurait dû trouver un ou deux cas de ce SLA lors de son étude. Il en a trouvé 45 dont 13 sont déjà décédés. Pour certains, les premiers symptômes sont apparus avant l’âge de 40 ans. Là il ne s’agit plus de tricheries pour "tenir le choc", "sauver la saison", "jouer plus haut" ou "tuer le match", il s’agit bien d’assassinats sur ordonnances. C’est

Message Publié : 04 Juil 2004, 22:36
par zarta
apparemment ta dernière phrase est coupée alors je vais finir :
c'est tout simplement carrément gerbant. et encore c'est sans parler du côté chauvinisme et nationalisme que le sport peut réveiller à volonté par les dirigeants politiques d'un parti (ex. comportement de Hitler lors des JO, comportement des Tchèques au championat de hockey de 1969 : les tchèques ont gagné contre les Russes qui venaient de les envahir ; ce qui a provoqué une superbe révolte (coté positif) mais en même temps ça devenait une nation contre une autre ... et les Russes ont pris ce prétexte de la rebellion lors du match pour virer définitivement les dirigeants tchèques partisans des changements de 1968, autre exemple des hooligans de tous les pays nationalistes aux accents parfois carrément nazis)