Irak éditorial

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par com_71 » 20 Fév 2003, 00:40

(éditorial LO @ 17-02-2003 a écrit :S'OPPOSER A LA GUERRE ANNONCEE CONTRE L'IRAK, MAIS SANS FAIRE DE CHIRAC LE REMPART QU'IL N'EST PAS

    Deux cent mille manifestants à Paris, un demi-million à l'échelle du pays et plusieurs millions à l'échelle du monde : les manifestations de cette fin de semaine ont montré au moins que, si la guerre contre l'Irak est déclenchée dans les semaines qui viennent, elle ne le sera pas avec l'accord des peuples. Chose significative : en Europe, c'est précisément dans les pays dont les gouvernements sont en pointe dans l'agitation guerrière que les manifestations ont été les plus massives. Le nombre de manifestations aux Etats-Unis même a montré que Bush n'a pas l'accord de la totalité du peuple américain. Malgré le matraquage de la propagande guerrière venant aussi bien d'une caste politique unanime que des médias, des centaines de milliers d'Américains ont tenu à exprimer leur opposition à la guerre qui se prépare.
    La participation massive à ces manifestations a amené certains dirigeants européens va-t-en guerre à tempérer leur langage, ne serait-ce que pour des raisons électorales. Rien ne permet d'affirmer cependant que la guerre ne sera pas déclenchée dans les semaines, voire dans les jours qui viennent.
    Le gouvernement français s'est auto-félicité de son jeu diplomatique. Il a tenté de faire passer sa prise de position devant l'ONU pour à la fois un courageux acte de résistance aux pressions américaines et un garant pour la paix. Mais, non seulement cela n'empêchera pas les Etats-Unis de déclencher une agression mais rien ne garantit que l'opposition du gouvernement français à la politique américaine ira au-delà d'un baroud d'honneur diplomatique.
    Les inspecteurs de l'ONU n'ont certes rien trouvé qui puisse fournir aux Etats-Unis un prétexte à la guerre. Mais Bush n'a cessé de répéter qu'il n'a pas besoin ni de l'ONU, ni de justification pour partir en guerre. Et le nombre de soldats américains autour de l'Irak ne cesse d'augmenter et le matériel de guerre de s'accumuler.
    Les prochains jours montreront si le gouvernement français, souhaitant participer à la curée en Irak, rentre dans le rang pour s'aligner sur les Américains ou si, estimant que les Etats-Unis ne laisseront de toute façon rien ni aux groupes pétroliers français, ni à ceux des travaux publics qui louchent vers les chantiers de reconstruction de l'après-guerre, Chirac choisira de s'abstenir sur le plan militaire.
    Mais, si le gouvernement français entretient le suspense pour ce qui est de sa participation à la guerre, il ne cesse de répéter depuis le début à quel camp il appartient. C'est celui de l'impérialisme agresseur, pas celui du peuple agressé.
    A peine la représentation française à l'ONU s'est-elle illustrée en se démarquant des Etats-Unis que Chirac a éprouvé le besoin de se présenter avec insistance, dans un interview donné à un journal américain, comme un "supporteur de la solidarité transatlantique". Il a apporté son approbation totale à la présence de l'armada américaine autour de l'Irak. Cela sonne déjà comme la fin de l'intermède d'opposition diplomatique aux Etats-Unis.
    Ceux qui sont sincèrement opposés à cette guerre injuste, à cette guerre impérialiste, auraient en tout cas bien tort de voir en Chirac un rempart contre l'intervention militaire. Quand Chirac déclare, dans le même interview, qu'il n'est pas pacifiste, on peut le croire. Comme Bush, comme Blair, comme les autres dirigeants du monde impérialiste, il ne détermine pas sa politique en fonction des sentiments et des aspirations des peuples mais en fonction des intérêts des grands groupes industriels et financiers.
    Et les partis de gauche, le PS comme le PC, qui apportent leur soutien au gouvernement et qui cautionnent sa politique, non seulement propagent des illusions mais reconduisent sur le terrain de la politique extérieure le ralliement honteux à Chirac lors du deuxième tour de l'élection présidentielle.
    Alors oui, il faut s'opposer à l'agression impérialiste contre l'Irak. Mais pas derrière Chirac.
Arlette Laguiller
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Fan_Bizet » 20 Fév 2003, 10:34

Excellent ! =D>
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Message par Screw » 20 Fév 2003, 12:02

A comparer avec un éditorial de "gauche".

Editorial de Politis du 20/02/2003:
a écrit :Les peuples contre l'empire
Denis Sieffert


Il est toujours hasardeux de vouloir prédire ce que retiendra l'histoire. Mais on peut parier sans risque que cette journée du 15 février 2003 marquera pour longtemps les mémoires. Ne serait-ce que par la magie des chiffres. Nous avons été dix millions, dit-on, de Sydney à San Francisco, de Djakarta à New York, de Berlin à Paris, à dire « non » à la guerre. Par leur simultanéité, leur unité quasi planétaire, leur cohérence, les défilés de samedi avaient quelque chose d'une immense communion laïque. De mémoire de pacifiste, on n'avait pas vu pareil mouvement depuis la guerre du Vietnam. Et, naturellement, c'est dans la gueule du loup que la mobilisation fut la plus impressionnante. À Londres, à Barcelone, à Madrid, à Rome, où l'opposition à la guerre se doublait d'un désaveu cinglant infligé par la rue aux petits auxiliaires européens de George W. Bush : Tony Blair en tête (à qui les manifestants conseillaient avec un très britannique sens de l'autodérision de « faire le thé pas la guerre ! »). Dans toutes ces villes, les peuples n'ont pas seulement dit « non » à la guerre, ils ont aussi dit « non » à l'Europe américaine, à la vassalisation de leurs dirigeants qui cachent mal derrière un soutien inconditionnel aux États-Unis leur amour immodéré de la doctrine libérale. Ce n'est donc pas un hasard si tous les records ont été battus précisément là où l'acte d'opposition avait la plus évidente portée politique.

Mais, par-delà les chiffres, c'est la suite qui nous dira ce que fut vraiment cette journée du 15 février. Car nul ne sait aujourd'hui ce qui va sortir de cette gigantesque boîte de Pandore ouverte par le Président américain. Déclenchée pour affirmer le leadership des États-Unis à travers le monde, la crise pourrait paradoxalement l'affaiblir. Une retraite en rase campagne (selon nous hautement improbable), avec rappel des boys à la maison, ferait très mauvaise impression pour l'hyperpuissance. Mais une guerre solitaire, menée comme un défi au reste du monde, suivie d'une longue et aventureuse occupation de l'Irak, pourrait bien, à terme, se révéler plus catastrophique encore. Au point où nous en sommes, il n'y a que deux hommes qui pourraient encore voler au secours de George Bush : Saddam Hussein et... Jacques Chirac. Le premier en tombant dans l'un de ces pièges qu'il a jusqu'ici su déjouer. C'est-à-dire en offrant un prétexte aux inspecteurs des Nations unies pour relégitimer le discours américain. Le second en se ralliant finalement à l'option guerrière. Mais Jacques Chirac n'ignore pas qu'il joue parallèlement une autre partie dont l'enjeu est l'Europe. Un revirement de sa part, qui ne serait pas rendu inévitable par une bourde irakienne, signifierait non seulement une défaite politique du Président français, mais aussi un recul durable de toute ambition européenne. Conforté par les manifestations de samedi, et en grande partie aussi par le rapport des inspecteurs de l'ONU, Jacques Chirac en est plutôt actuellement à pousser son avantage. Il a montré une nouvelle fois sa fermeté dans la réunion européenne de lundi. Et il s'est offert le luxe de proposer une porte de sortie honorable à George Bush dans un habile entretien à Time Magazine. : « Si l'Irak est désarmé pacifiquement [...] les Américains auront gagné », note-t-il magnanime. Comme si le désarmement de l'Irak avait, un seul instant, été le but.

Le rôle joué par la France est évidemment la bonne surprise de la crise irakienne. En empruntant une posture gaullienne, mais dans un contexte européen, Jacques Chirac donne à son aventure personnelle, pour le moins sinueuse, une profondeur de champ inattendue. Mais la limite en est la politique intérieure. Toute résistance européenne à l'Amérique est fragile tant que l'Europe n'est pas porteuse d'une autre vision économique et sociale. Le paradoxe, c'est que Chirac incarne sur la scène internationale une culture sociale française que ses ministres s'appliquent consciencieusement à détruire à l'intérieur. Mais au point où nous en sommes, et fût-ce dans une certaine incohérence, la résistance chiraquienne est bonne à prendre. Elle fait écho jusque dans l'enceinte des Nations unies - où Dominique de Villepin a prononcé un beau discours - à l'opinion publique internationale. La France témoigne de l'incrédulité générale devant les buts de guerre officiels des Américains. Samedi, les manifestants n'ont pas fait autre chose en scandant dans toutes les langues du monde : « Ne versons pas le sang pour du pétrole. » Dans ce mot d'ordre, le pétrole n'est pas uniquement le pétrole ; il est le symbole de la puissance. Le masque est ainsi tombé. Le discours de la droite américaine, fait de messianisme et de cupidité cynique, est démystifié.

Les manifestants du 15 février rejettent, par là même, une lecture diaphane du monde, inconséquente, irresponsable, et qui n'a cure des psychologies collectives. Ils disent « non » au choc des civilisations. Et dans l'expression de ce message universel foncièrement antinationaliste, les manifestants de New York (qui ont eu à subir les assauts de la police), de Los Angeles, ou de San Francisco, occupent une place particulière. Ils sont le meilleur antidote contre Ben Laden.
Screw
 
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Message par Fan_Bizet » 20 Fév 2003, 18:04

Effectivement, les différences sautent aux yeux!
Fan_Bizet
 
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