France Info le jeudi 19 mai à 8h15
Le journaliste : la famille trotskiste,elle va voter d’un bloc. Expliquez-nous, le trotskysme au départ c’est quand même l’internationalisme. Pourquoi êtes-vous autant hostile à la construction européenne ? C’est pas nouveau, çà date depuis 50 ans. Même si l’Union n’est pas parfaite, c’est quand même un premier pas vers une union des peuples ?
Daniel Gluckstein : je crois qu’il faut parler des problèmes concrets. Samedi prochain 21 mai, à 11h, nous allons manifester au Mur des Fédérés pour commémorer la Commune de Paris. Quel rapport avec la Constitution européenne ? Et bien parce que la Commune de Paris, il y a un peu plus de 130 ans, a vu le peuple désigner un gouvernement qui était responsable devant elle, des délégués élus, mandatés et révocables, et un gouvernement qui a pris des décisions pour le peuple, qui a restauré la République et qui a pris en quelques 72 jours des mesures essentielles pour rétablir la démocratie. Cette Constitution européenne, c’est la souveraineté confisquée, c’est la démocratie politique confisquée. Que vos auditeurs ouvrent ce texte de la Constitution européenne, ils ne trouveront pas le mot « souveraineté ». Alors, la question qui est posée c’est : est-ce que notre pays a besoin d’un gouvernement qui gouverne ? Je suis chaque jour dans une ville différente dans ce pays. Et on peut le dire, et des millions le savent, ce pays est au bord de la faillite. Est-ce qu’il faut aller le laisser aller jusqu’à la faillite ? Des usines ferment tous les jours, le chômage s’étend, la loi Borloo pour les jeunes les voue à une précarité généralisée, les services publics sont démantelés, les hôpitaux sont vidés de leur substance, la sécurité sociale est disloquée, la paysannerie est dans une situation épouvantable.
Le journaliste : Daniel Gluckstein, on n’est quand même pas au Darfour. Vous parlez d’un pays au bord de la faillite. La construction européenne, c’est pas grand chose, mais vous ne pouvez pas nier que çà a permis à l’Union de vivre en paix, vous ne pouvez pas nier que grâce à elle le niveau de vie globalement a progressé, toutes classes sociales confondues, depuis 50 ans ?
Daniel Gluckstein : Qui, parmi vos auditeurs, considère que son niveau de vie a progressé ?
Le journaliste : Depuis 50 ans…
Daniel Gluckstein : Laissez-moi…
Le journaliste : Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Daniel Gluckstein…
Daniel Gluckstein : Oui mais le Traité de Maastricht, c’est depuis 1992. Qui, depuis 1992, a vu sa situation s’améliorer ? Depuis 1992, il y a eu chez nous la remise en cause de la sécurité sociale, le démantèlement d’industries entières, il y a eu le démantèlement des services publics. Permettez-moi de vous faire remarquer la chose suivante : dans cette « constitution », aucune forme de démocratie politique n’est autorisée. La démocratie, c’est quoi ? C’est le fait qu’un gouvernement puisse demain mettre en œuvre une autre politique que celle que nous connaissons. Et bien, si demain dans ce pays, un gouvernement voulait interdire les délocalisations, il en serait interdit par l’article III-279 à la page 55 qui oblige tout gouvernement à délocaliser. Si un gouvernement voulait empêcher les privatisations, s’il voulait rétablir le monopole de la sécurité sociale…
Le journaliste : Mais il y a un parlement européen qui est élu tout de même !
Daniel Gluckstein : oui, mais cette constitution interdit, permettez-moi de vous citer les articles : obligation de privatiser : page 30 ; interdiction de tout monopole comme la sécurité sociale : page 33…
Le journaliste :Il y a,ily a …
Daniel Gluckstein : tous les services publics doivent être un service d’intérêt économique général : page 27 ; interdiction de nationaliser, comme l’a fait le général de Gaulle avec Renault en 1945 : page 143 ; obligation de déréglementer les droits sociaux : page 55. Alors vous me parlez des autres pays... Permettez-moi de vous dire qu’à la page 134 il nous est demandé de voter pour des dizaines de milliers de suppressions d’emplois en Tchéquie, en Slovaquie, en Pologne… La construction européenne c’est de demander aux travailleurs français de voter les licenciements de leurs collègues de travail à l’Est de l’Europe ? J’appelle cela la déconstruction européenne
Le journaliste : Daniel Gluckstein imaginons que le non l’emporte qu’est-ce que vous espérez le plusaprès le 29 mai ? Que les 25 se remettent autour d’une table pour trouver un nouveau texte ?Ou bien que l’Union décline tout doucement pour ne plus rien représenter ?
Daniel Gluckstein : Si le non l’emporte ce sera un appel d’air pour que tous les peuples d’Europe pour reconquérirleurs droits. Permettez-moi de vous dire qu’il y a plus de deux siècles que dans ce pays on a arraché les droits démocratiques, républicains, sociaux et politiques. Je constate que cette constitutionn’estni républicaine, ni démocratique, ni laïque, ni sociale . Donnez-moi une seule raison pour laquelle il faudrait par un vote le 29 mai, jeter aux oubliettes tout ce qui a été conquis parfois dans des combatstrès acharnés de nos aînés ?
Le journaliste : Mais alors vous voulez un nouveau texte ou vous nevoulez plus rien ?
Daniel Gluckstein : Je veux la reconquête de la démocratie, pour le peuple en France et pour tous les peuples d’Europe, parce que la souveraineté des peuples des 25 pays d’Europe est remise en cause. Ce qui a été conquis dans notre pays : 1789, 1791, 1830, 1848, 1871, 1936, 1945,il faudrait jeter tout ça aux oubliettes ?Pourquoi ?Quel peuple voudrait renoncer à ce qui aété conquis par les générations précédentes ? Personne n’a encore répondu à cette question I.
Le journaliste

Daniel Gluckstein : Moi, ce dont j’ai envieaprès le 29 mai c’est que la politique change dans ce pays. C’est que le peuple puisse reprendre entre les mains les rênes de son avenir. qu’une Assemblée constituante puisse déterminer son avenir et qu’enfin toutes les politiques de destruction qui nous sont imposées depuis 20 ans par les gouvernements successifs, puissent s’arrêter, qu’on puissebloquer les privatisations, bloquer la destruction de la Sécurité sociale, rétablir le droit à un vrai travail, à un vrai salaire dans le respect des conventions collectives et des statuts.
Le journaliste : Daniel Gluckstein merci d’avoir été notre invité ce matin, vous êtes secrétaire national du Parti des travailleurs
Daniel Gluckstein :Je vous en prie
Le journaliste :Restez avec nous on va lire les journaux