Puig et Edgar discutent entre eux

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par meichler » 04 Déc 2006, 20:16

(Edgar @ lundi 4 décembre 2006 à 09:50 a écrit :CE que tu ne comprends pas c'est que la classe ouvrière ne s'affronte pas à une droite ou à une gauche, mais à une classe, la bourgeoisie, qui sait s'unir contre son ennemi historique.

Ce que tu ne comprends pas c'est que ... etc... etc...


Notre jeune camarade Edgar quant à lui, croit avoir tout compris une fois qu'il a découvert que la lutte des classes c'était "la classe ouvrière" qui s'affrontait à "la bourgeoisie". Et voilà tout est dit. Le monde selon "Révolution Internationale" c'est "le milieu prolétarien" (RI et ses sympathisants) contre le reste du monde ("la bourgeoisie").

Voilà le dernier mot de la politique selon ces gens.

Mais, cher Edgar, la lutte des classes ce n'est pas un combat entre des concepts, des ectoplasmes idéaux, ou des squelettes idéologiques. C'est un combat vivant, une lutte de chair et de sang. Il n'y a même pas besoin du marxisme pour comprendre cela. Ce n'est pas Marx qui a inventé la lutte des classes.

Les classes sociales ne sont pas des abstractions. Elles ne se présentent généralement pas à nous comme dans toute la "pureté" du blanc et du noir (seules "couleurs" que les sectaires soient capables de distinguer). Ce ne sont jamais des phénomènes chimiquement purs. Ce sont aussi des groupes d'hommes vivants, qui ont chacun leur existence, leur histoire, leur expérience, etc..., toutes choses qui contribuent à déterminer leur comportement (tant en tant que groupes sociaux, qu'en tant qu'individus).

Tout à l'opposé, je voudrais donner quelques morceaux de la pensée vive et vivante de Trotsky, en prise avec le mouvement réel des masses. Voici quelques phrases contre le sectarisme, que je trouve étrangement adaptés à la réalité de "RI" (qui rappelons-le est - entre autres - contre les syndicats, contre toute participation aux élections "par principe", contre toute revendication nationale, même dans les pays dominés et arriérés, et qui considère que les organisations politiques, de LO au FN en passant par le PS et l'UMP, tout ça c'est pareil :"bourgeoisie, bourgeoisie, bourgeoisie", une nuit noire où tous les chats sont gris :

a écrit :Léon Trotsky :

«Trouver le pont entre la réaction et la révolution   c'est notre tâche. C'est l'apport de tout notre programme de revendications de transition. Rien d'étonnant que les sectaires de toutes nuances n'en comprennent pas la signification. Ils opèrent au moyen d'abstractions : une abstraction de l'impérialisme et une abstraction de révolution socialiste. La question de la transition de l'impérialisme réel à la révolution réelle, la question de comment mobiliser les masses dans une situation historique donnée pour prendre le pouvoir, reste pour ces pédants un livre scellé de sept sceaux.» (...)

«Le sectaire est un opportuniste qui se redoute lui-même. Dans le sectarisme, l'opportunisme (centrisme) reste à l'état latent dans la phase initiale, comme un délicat bourgeon. Puis le bourgeon grandit, le tiers, la moitié, parfois plus. On a alors une combinaison particulière de sectarisme et de centrisme (Vereeken), de sectarisme et d'opportunisme de bas étage (Sneevliet). Mais parfois le bourgeon se recroqueville sans se développer (Oehler).»

(L’indépendance de l’Ukraine et les brouillons sectaires, 30 juillet 1939)


«La psychologie, les idées, les habitudes sont d'ordinaire très en retard sur les développements des rapports objectifs dans la société et la classe; même dans les organisations révolutionnaires, le mort pèse sur le vif. La période préparatoire de propagande nous a fourni les cadres sans lesquels nous ne pouvions avancer d'un pas, mais nous en avons hérité le fait que puissent s'exprimer à l'intérieur de l'organisation des conceptions tout à fait abstraites de la construction d'un nouveau parti et d'une nouvelle Internationale. Ces conceptions s'expriment de façon chimiquement pure, de la façon la plus achevée dans la secte morte des bordiguistes qui espèrent que l'avant-garde prolétarienne se convaincra elle-même, à la lecture d'une littérature à peine lisible, de la justesse de leurs positions et que tôt ou tard elle se rassemblera à juste titre autour de leur secte. Ces sectaires ajoutent souvent que les événements révolutionnaires poussent inéluctablement les travailleurs vers nous. Cette expectative passive, couverte d'un messianisme idéaliste, n'a rien de commun avec le marxisme. Les événements révolutionnaires passent toujours et inéluctablement par-dessus les têtes de toutes les sectes. On peut, au moyen d'une littérature propagandiste, si elle est bonne, éduquer les premiers cadres, mais on ne peut pas gagner l'avant-garde prolétarienne qui ne vit ni dans un cercle ni dans une salle de classe, mais dans une société de classe, dans une usine, dans les organisations de masses, une avant-garde à laquelle on doit savoir parler dans le langage de ses expériences. Les cadres propagandistes les mieux préparés ne peuvent que se désintégrer s'ils n'entrent pas en contact avec la lutte quotidienne des masses. L'attente des bordiguistes que les événements révolutionnaires poussent d'eux-mêmes les masses vers eux en récompense de leurs idées « justes » est la plus cruelle de leurs illusions. Pendant les événements révolutionnaires, les masses ne cherchent pas l'adresse de telle ou telle secte, mais passent par-dessus. Pour grandir plus vite pendant la période de flux, pendant la période préparatoire, il faut savoir où on trouvera des points de contact dans la conscience de larges cercles de travailleurs. Il faut établir des relations adéquates avec les organisations de masse. Il faut trouver le point de départ juste, correspondant aux conditions concrètes de l'avant-garde prolétarienne dans la personne des divers groupes. Et, pour cela, il faut non seulement ne pas se prendre pour un palliatif en guise du nouveau parti, mais seulement pour l'instrument de sa création. En d'autres termes, tout en préservant intégralement une intransigeance de principe, il faut se libérer radicalement des résidus sectaires qui nous restent comme héritage de la période purement propagandiste.»

(La situation présente dans le mouvement ouvrier et les tâches des bolchéviks-léninistes, octobre 1934)

«Contre le sectarisme

Sous l'influence de la trahison et de la dégénérescence des organisations historiques du prolétariat, naissent ou se régénèrent, à la périphérie de la IV° Internationale, des groupements et des positions sectaires de différents genres. Ils ont à leur base le refus de lutter pour les revendications partielles ou transitoires, c'est-à-dire pour les intérêts et les besoins élémentaires des masses telles qu'elles sont. Se préparer à la révolution signifie, pour les sectaires, se convaincre soi-même des avantages du socialisme. Ils proposent de tourner le dos aux "vieux" syndicats, c'est-à-dire à des dizaines de millions d'ouvriers organisés - comme si les masses pouvaient vivre en dehors des conditions de la lutte de classes réelle !

Ils restent indifférents à la lutte qui se déroule au sein des organisations réformistes - comme si l'on pouvait conquérir les masses sans intervenir dans cette lutte ! Ils se refusent à faire en pratique une différence entre la démocratie bourgeoise et le fascisme - comme si les masses pouvaient ne pas sentir cette différence à chaque pas !

Les sectaires ne sont capables de distinguer que deux couleurs : le blanc et le noir. Pour ne pas s'exposer à la tentation, ils simplifient la réalité. Ils se refusent à faire une différence entre les camps en lutte en Espagne, pour la raison que les deux camps ont un caractère bourgeois. Ils pensent, pour la même raison, qu'il est nécessaire de rester neutre dans la guerre entre le Japon et les pays bourgeois et se refusent, vu la politique réactionnaire de la bureaucratie soviétique, à défendre contre l'impérialisme les formes de propriété créées par la révolution d'Octobre.

Incapables de trouver accès aux masses, ils les accusent volontiers d'être incapables de s'élever jusqu'aux idées révolutionnaires.

Un pont, sous la forme de revendications transitoires, n'est aucunement nécessaire à ces prophètes stériles, car ils ne se disposent nullement à passer sur l'autre rive. Ils piétinent sur place, se contentant de répéter les mêmes abstractions vides. Les événements politiques sont pour eux une occasion de faire des commentaires, mais non d'agir. Comme les sectaires, de même que les confusionnistes et les faiseurs de miracles de toutes sortes, reçoivent à chaque instant des chiquenaudes de la part de la réalité, ils vivent dans un état d'irritation continuelle, se plaignent sans cesse du "régime" et des "méthodes", et s'adonnent aux petites intrigues. Dans leurs propres milieux, ils exercent d'ordinaire un régime de despotisme. La prostration politique du sectarisme ne fait que compléter, comme son ombre, la prostration de l'opportunisme, sans ouvrir de perspectives révolutionnaires. Dans la politique pratique, les sectaires s'unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme.»

(Programme de Transition)
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Message par Edgar » 07 Déc 2006, 10:28

Eh bien oui la lutte de classes c'est dans la société capitaliste le prolétariat contre la bourgeoisie ! Au sein du prolétariat il y a des êtres de chair avec leur histoire, au sein de la bourgeoisie aussi. Au sein du prolétariat il y a des niveaux différents de conscience, il y a une concurrence provenant de l'imprégnation de l'idéologie dominante. Au sein de la bourgeoisie, il y a une concurrence effrénée qui n'est surmontée que quand il faut s'affronter à la classe ouvrière.

Cela n'enlève rien au fait que l'opposition entre prolétariat et bourgeoisie est la caractéristique fondamentale de cette société, ce n'est pas moi qui l'invente quand même !

Alors c'est sûr, si "bourgeois et prolétaires" est un chapitre du Manifeste qui invite au sectarisme, si "les prolétaires n'ont pas de Patrie" est une formule mauvaise parce qu'elle empêche les nations arriérées d'accéder à l'arène impérialiste, ... on n'est pas d'accord, c'est certain. ;)

Alors, faut-il développer les armes théoriques de la classe ouvrière, même à contre-courant, même quand elle est embrigadée dans la guerre impérialiste ou moins gravement dans l'idéologie bourgeoise (préfères-tu que je dise "de droite" ???), quitte à être minoritaires voire quasi inexistants, ou faut-il "coller aux masses" en adoptant son point de vue, en intégrant les organisations bourgeoises qui ont son audience ?

La première partie de l'alternative a été largement qualifiée de gauchisme par Lénine, peut-être, mais la deuxième a aussi largement été qualifiée d'opportunisme.
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Message par piter » 07 Déc 2006, 12:39

des fois y faudrait se relire avant de poster...
a écrit :faut-il "coller aux masses" en adoptant son point de vue, en intégrant les organisations bourgeoises qui ont son audience ?

franchement qui propose ici d'intégrer des organisations bourgeoises?
est ce bien sérieux de prétendre que ceux qui discutent sur ce forum "adoptent le point de vue des masses"? si seulement les masses avaient de tels point de vue, si seulement!
si les masses étaient seulement moitié aussi consciente que ça, on en serait pas là ou en en est...
mais bien sur si l'ensemble des opinions émises sur ce forum sont bourgeoises alors les organisations "gauchistes" (sic) comme LO sont effectivement des organisations bourgeoise, cela va de soi...
piter
 
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Message par Edgar » 07 Déc 2006, 13:29

Trotski dit en 1934 :
a écrit :Il faut établir des relations adéquates avec les organisations de masse.


Peux-tu me dire quelles organisations de masse, en 1934, ne sont pas des organisations bourgeoises ?

Alors bien sûr, il y a des éléments d'avant-garde dans les organisations de masse. Après, faut-il entrer en relation avec ces organisations pour en faire sortir ces éléments, ou faut-il dénoncer ces organisations pour opérer une décantation ?
Edgar
 
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Message par Puig Antich » 07 Déc 2006, 16:01

Les deux mon général.
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Message par meichler » 07 Déc 2006, 23:22

Dis-moi Edgar, à part RI et le MPP ("milieu politique prolétarien" dans le vocabulaire RI : c'es-à-dire ceux qui sont admis dans les réunions publiques de RI), quelles autres organisations ne sont pas "bourgeoises" pour toi ?

Et je penses que tu dois bien rigoler aussi d'un des concepts essentiels de Trotsky à savoir la caractérisation des partis "ouvriers-bourgeois"... «Mais voyons c'est impossible, c'est ou l'un ou l'autre» (encore bien du chemin pour atteindre la pensée dialectique...)

Effectivement tu ne fais que nous répéter que tu ne connais que deux "couleurs" le blanc et le noir. Si tu as deux minutes jette quand même un oeil aux citations de Trotsky que j'ai pris la peine de poster plus haut, à propos du sectarisme. Un miroir est toujours révélateur.
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Message par Edgar » 12 Déc 2006, 15:53

Ces citations sont toujours les mêmes, on me les balance à chaque fois et partout, mais à propos du sectarisme je vais quand même rectifier une chose : j'ai déjà vu des gens de LO dans les réunions publiques du CCI et vous savez quoi ? ils ne se sont même pas fait jeter, même pas insulté ! Pourtant ils ont dit d'où ils venaient.

Comme quoi le CCI n'est non seulement pas sectaire, mais même pas rancunier ;)

Sinon, utiliser le terme "dialectique" pour justifier qu'un parti puisse appartenir à la fois à la bourgeoisie et au prolétariat, c'est gonflé. C'est sûrement la dialectique qui fait dire à Puig Antich qu'on peut à la fois avoir des relations avec des organisations et les dénoncer dans le même temps. Non seulement ça ne me semble absolument pas cohérent, mais en plus c'est peut-être limite honnête. Avec des arguments comme ça le problème c'est qu'on peut, dans l'absolu, tout justifier.

Enfin, le miroir est-il révélateur ? N'oublions pas que dans un miroir la droite est à gauche et la gauche est à droite :hinhin:
Edgar
 
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Message par meichler » 12 Déc 2006, 16:43

Imbattable en matière de logique formelle et binaire, Edgar ! :altharion:
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