Jean Ferrat est mort

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Dorvek » 14 Mars 2010, 14:15

(pedro @ dimanche 14 mars 2010 à 08:29 a écrit :
Moi, je n'aime "la montagne", chanson que je trouve réac [...]

T'es pas le seul, apparemment :whistling_notes: : "C'est un joli nom, 'camarade'..."
Dorvek
 
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Message par Kéox » 14 Mars 2010, 15:18

Bien d'accord aussi avec satanas. Je suis triste, j'ai réécouté "Nuit et brouillard" et "Potemkine", toujours la même émotion.
Kéox
 
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Message par irène » 14 Mars 2010, 19:18

bah moi j'aimais bien :
"ma môme elle joue pas les starlettes elle met pas des lunettes de soleil, elle pose pas pour les magazines, elle travaille en usine, à Créteil"
irène
 
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Message par iskra » 14 Mars 2010, 21:01

Salut à toutes et tous,

J'ai longtemps écouté cette chanson que m'avaient fait connaitre des militants du pcf du Nord à un moment où je me rapprochais de LO.... Ferrat me donnait l'impression de ressembler à beaucoup de vieux militants PCF que je côtoyais alors, tant par son côté "vielle France" que pour ses allusions au marqueurs judéo-chrétiens (ici dans la chanson : ...Marie-Jésus..." ...
Mais cette chanson me rappelait surtout des coups reçus lors de mes premières manifs à Paris :


En groupe en ligue en procession

En groupe en ligue en procession
En bannière en slip en veston
Il est temps que je le confesse
A pied à cheval et en voiture
Avec des gros des p'tits des durs
Je suis de ceux qui manifestent
Avec leurs gueules de travers
Leurs fins de mois qui sonnent clair
Les uns me trouvent tous les vices
Avec leur teint calamiteux
Leurs fins de mois qui sonnent creux
D'autres trouvent que c'est justice

Je suis de ceux que l'on fait taire
Au nom des libertés dans l'air
Une sorte d'amoraliste
Le fossoyeur de nos affaires
Le Déroulède de l'arrière
Le plus complet des défaitistes
L'empêcheur de tuer en rond
Perdant avec satisfaction
Vingt ans de guerres colonialistes
La petite voix qui dit non
Dès qu'on lui pose une question
Quand elle vient d'un parachutiste

En groupe en ligue en procession
Depuis deux cents générations
Si j'ai souvent commis des fautes
Qu'on me donne tort ou raison
De grèves en révolutions
Je n'ai fait que penser aux autres
Pareil à tous ces compagnons
Qui de Charonne à la Nation
En ont vu défiler parole
Des pèlerines et des bâtons
Sans jamais rater l'occasion
De se faire casser la gueule

En groupe en ligue en procession
Et puis tout seul à l'occasion
J'en ferai la preuve par quatre
S'il m'arrive Marie-Jésus
D'en avoir vraiment plein le cul
Je continuerai de me battre
On peut me dire sans rémission
Qu'en groupe en ligue en procession
On a l'intelligence bête
Je n'ai qu'une consolation
C'est qu'on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste

(on raconte qu'il a écrit ça en réponse à Brassens qui disait qu'à partir du moment où on était plus de deux on était une bande de cons)
iskra
 
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Message par Lao She » 15 Mars 2010, 01:36

(pedro @ dimanche 14 mars 2010 à 08:29 a écrit :Moi, je n'aime "la montagne", chanson que je trouve réac, mais j'adore Potemkine, et certains des textes d'Aragon, qu'il a su magnifiquement mettre en chanson. C'était un grand artiste.

Avec le recul des années, je pense cela aussi.
Mais en 1964 qu'en cette chanson nous parvient sur les ondes, je n'ai que douze ans et dans le monde rural dans lequel je vis cette chanson est très populaire.
Elle décrivait la transformation de ce monde en train de s'écrouler.
Ceux qui avaient vu un HLM, pour tout vous dire, on comprenait pas trop pourquoi Ferrat critiquait cela, nous on aurait bien aimé y vivre. L'eau courante au robinet, la salle des bains, ça nous faisaient rêvés, nous qui portions deux seaux de 10 l de la fontaine à la maison pour aider nos mères.
Nous aussi on le voulait le progrès !
Mais cette chanson nous faisaient pleurer. Quand elle passait à la radio , les conversations cessaient.
Quand Ferrat est passé à la télé presque tout le village se pressait chez le retraité titi parisien (le seul à avoir une télé) qui ne jurait que par lui.
Il y avait la peur de l'inconnu et de la ville peut-être derrière tout cela.
Car les plus lucides de nos parents savaient que l'agriculture de subsistance et de petites propriétés ça finissait et que nous serions obligés de partir à la ville. En tout cas on nous y préparait. Contrairement aux idées reçues on ne se voyait pas forcément flic ou fonctionnaire.
Il fallait faire des études et apprendre un bon métier.
Lao She
 
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Message par meichler » 15 Mars 2010, 20:33

«La montagne» est une très belle chanson, en particulier la musique. Les paroles sont en effet assez réacs, au sens de «c'était mieux avant», «les vieux avaient raison», «le confort moderne c'est de la merde», et autres «retours à la terre». Mais ce n'est que gentiment réac. Rien d'agressif, ni de haineux. Et pas forcément idiot sur tout («le poulet aux hormones»).

La réflexion de «Lao She» sur les HLM est pleine d'humour et parfaitment juste. Il n'y a pas qu'en milieu rural que l'on pensait ça (et même, qu'on l'a vécu). Moi j'ai connu, gamin, la même chose en milieu ouvrier urbain dans les années 60 : le HLM c'était «le luxe», la salle de bains, la baignoire («sabot» !), les WC individuels dans l'appart., l'ascenseur, l'eau chaude au robinet, le «gaz de ville», et puis ensuite ce fut la machine à laver, la télé et tout le tremblement du «confort moderne».

En bref, cette chanson est une (très) belle contradiction, mais c'était en fait une contradiction de la réalité de ces années-là, où certains nous racontaient que le prolétariat «s'embourgeoisait»... Mai 68 et quelques décennies de chômage massif, et à présent «la crise», se sont chargé de détromper ceux qui avait pu un moment y croire.

Et puis c'était aussi l'époque où le PCF était encore dirigé par Waldeck-Rochet, une sorte de stalinisme rural, dans la lignée de Krouchtchev, d'origine paysanne lui aussi. Le PCF avait même sa propre «organisation de masse» pour les «petits paysans», c'était le MODEF (Non, pas le «MEDEF» ! Rien à voir ! Ni le MODEM - en voie de disparition avancée !), «Mouvement des Exploitations Familiales» que ça voulait dire, et ça faisait la nique à la toute puissante et fort gaulliste «FNSEA», aux mains des gros propriétaires et céréaliers, avides de subventions juteuses et de places au Crédit Agricole.

Toute une époque bien révolue... Mais ne cédons pas, à notre tour, à la vieille nostalgie réac rance.
«Ni rire ni pleurer, comprendre.»

(Baruch SPINOZA)
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Message par llaima » 16 Mars 2010, 00:47

(Lao She @ lundi 15 mars 2010 à 01:36 a écrit :
(pedro @ dimanche 14 mars 2010 à 08:29 a écrit :Moi, je n'aime "la montagne", chanson que je trouve réac, mais j'adore Potemkine, et certains des textes d'Aragon, qu'il a su magnifiquement mettre en chanson. C'était un grand artiste.

Avec le recul des années, je pense cela aussi.
Mais en 1964 qu'en cette chanson nous parvient sur les ondes, je n'ai que douze ans et dans le monde rural dans lequel je vis cette chanson est très populaire.

Pourquoi on qualifie de quelque-chose de réactionnaire dès qu'il y a un air un peu nostalgique? Franchement c'est simpliste comme réaction alors que personnellement je voie dans cette chanson plutôt une certaine clairevoyance et un certain avant-gardisme dans la manière de penser.
En effet dans ces pseudo "trente glorieuses" une relative amélioration des conditions de vie se produisit, chose qu'on ne peut pas regrettrer et au contraire se réjouir (et dans une interview rediffusé ce soir sur FR3 Ferrat lui même se disait heureux du progrès) mais en parrallèle à ce progrès les gens perdaient beaucoup de choses sans trop s'en rendre compte à l'époque quelque peu aveuglé par la fée du modernisme. Ferrat lui voit ça avant tout le monde et ça il y a près de 40 ans. Car oui regretter une perte de lien social et affective, dire que la vie malgré le confort relatif des villes est humainement difficile à vivre, dire que la qualité de vie par certains coté à diminué ou que certains mode de production agricoles sont nuisibles ce n'est pas "reac", c'est la vérité.
Ferrat a plutôt vu juste sur ce coup là! Et il faudrait à faire attention à différencier le fait d'être réac contre le progrès (ce que je pense pas être bien au contraire) et critiquer la définition du progrès que nous présente le monde capitaliste. Pour moi le progrès c'est améliorer la vie des gens en changeant ce qui pourrait être mieux, en renversant ce qui oppresse mais aussi en gardant ce que l'on aime et ce à quoi on tient. Le progrès ce n'est pas forcément faire et défaire en permanence... Et franchement en tant que revolutionnaire vous n'auriez pas imaginé mieux comme mode de developpement que ce qui s'est produit pour la France ou ailleurs ces dernières décénnies?
Alors pour moi " La Montagne" ça n'est pas une chanson réac anti-progrès mais un hyme à un progrès respectueux des hommes et non de la loi du profit
llaima
 
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Message par jedi69 » 16 Mars 2010, 01:15

Wesh les amis !!!

Bien ou bien ?


Connais pas vraiment ce monsieur ... il y a des classiques, des tubes comme "la vie en rose" pour Edith Piaf, "Les copains d'abords" pour George Brassens ?

Sinon, ça :

(satanas @ dimanche 14 mars 2010 à 00:00 a écrit :En tant que trotskiste ,qu'internationaliste ,on pouvait évidemment détester "Ma France"..
Et il y a encore évidemment plein de raison de penser que ce titre est équivoque .
Mais quand Ferrat dit MA France ,ce n'est pas LA France ..
Celle qu'il chante ,c'est celle des prolétaires ,de 48 ,de la Commune , celle qui hait Thiers et les bourgeois.
C'est celle ou les "étrangers" ont leur place évidente dans la classe et le mouvement ouvriers...
Et puis tout le reste ,sa voix ,son refus des paillettes ,la haine ou le mépris que lui vouaient les réacs ,les chauvins , ceux d'en haut ..
Il chantait notre classe ,ses souffrances ,ses combats ,ses victoires et ses défaites .
C'est un compagnon de route ,pas que du PC ,qui nous quitte...
C'est un communiste (a sa manière) ,reflet de notre histoire compliquée pour laquelle il n'avait pas toujours la boussole, mais qui est resté fidèle à l'idée ,à la classe  (quand ça ne permettait pas des cachets ou des contrats et l'honneur des medias ¨dont il dénonçait la veulerie).


ça me fait penser à un truc que j'ai écris, il y a un petit moment :

a écrit :
UN GÔNE*

Un gône, un Néanderthal
Puis Homo Sapiens, les 2 pètent la dalle
2 gônes au néolithique sont nés
L'un devient exploiteur, l'autre devient exploité
Un Gône, un Celte, un gaulois
Puis un Gallo-Romain, paysan, artisan et soldat
Un gône DE LUGDUNUM, Il a prié le Christ
Puis a prié Allah et encore le Christ
Un gône a fait des autodafés
Brulé des églises, brûlé des mosquées
Un gône devenait franc d'année en année
1789, liberté, égalité, fraternité
Un gône, gringo tue pour du profit
Avait des esclaves, avait des colonies
Un gône est devenu laïque
Devenu athée, devenu capitaliste

Un Gône au sein de l'Humanité
Un gône, c'est son curriculum vitae
Un Gône, biographie, évolution
Histoire, traditions, pleines de contradictions


Un autre gône est un exploité
C'est un canut, c'est un révolté
Un gône lyonnais, / un titi parisien
1848, la révolution revient
Un gône, c'est aussi un communard
1871, les travailleurs au pouvoir
Un gône invente le cinéma
Pour la première séquence : Le prolétariat
Un gône sorti de l'Usine gars
De la haute technologie d'insurgés aux gros bras
Un gône, c'est de la chaire à canon
Pour la bourgeoisie, viens pas me dire : « NON ! »
Un gône a fait Juin 36 
A fait de la résistance mais à tué des communistes
2 gônes, bureaucrates ou bourgeois
L'autre de le classe ouvrière, l'un est en haut, l'autre est en bas

Un Gône au sein de l'Humanité
Un gône, c'est son curriculum vitae
Un Gône, biographie, évolution
Histoire, traditions, pleines de contradictions




Un gône, vivait dans le Châaba
Dans le bidonvilles gars, comment ? tu le savais pas ?
Un gône à fait la guerre d'Algérie
A fait Mai 68, vois tu le sens de sa vie ?

Un gône vie dans les HLM
Comme disent les dépressifs, là où le hash elle aime
Un gône brûle des crèches, des voitures
Un autre fait des grèves, lui, je trouve qu'il assure

Un gône est né à Lyon
Il a grandis en Banlieue dans les environs
Un gône nouvelle version
Héritier de Guignol mais nouvelles missions

Un Gône made in 6.9.
Connexion 6.9., sexuellement 6.9.
Un gône à l'ancienne ou tout neuf
Chimique, pharmaceutique, c'est un produit tout neuf

Un Gône au sein de l'Humanité
Un gône, c'est son curriculum vitae
Un Gône, biographie, évolution
Histoire, traditions pour la révolution


LALY-N 2008 / Janvier 2009

*Gône  = Enfant (patois Lyonnais)

Ecouter & télécharger

Pour la prononciation, pour l'accent voire les vrais lyonnais  :whistling_notes:


A+
jedi69
 
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Message par Ottokar » 16 Mars 2010, 08:09

(llaima @ lundi 15 mars 2010 à 23:47 a écrit : Pourquoi on qualifie de quelque-chose de réactionnaire dès qu'il y a un air un peu nostalgique?
En effet dans ces pseudo "trente glorieuses" une relative amélioration des conditions de vie se produisit, mais en parallèle les gens perdaient beaucoup de choses
" La Montagne" ça n'est pas une chanson réac anti-progrès mais un hyme à un progrès respectueux des hommes et non de la loi du profit
je partage ce que dit Llama, mais la chanson se prête aux deux interprétations. Il y a ceux qui sont conscients des progrès, de ses limites, du coût social et humain, de la perte de relations, de la piètre qualité des produits industriels (manger le poulet aux hormones) ou du travail (ils seront flics ou fonctionnaires). Mais il y a aussi ceux qui l'entendront à la Cabrel, version caricature des Guignols: c'était mieux ââââvant !

Moi ce qui me gêne le plus, c'est son côté irrémédiablement stalinien, en épousant tous les méandres de ce parti en France. Mais je suis capable de chantonner "ma môme", "le point du jour" et de vibrer à Potemkine. Pas trop à "ma Frrrrrrance".
Ottokar
 
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Message par pelon » 16 Mars 2010, 12:19

En bref, toute licence en art. Une chanson ça plait ou non. Qu'elle soit juste politiquement elle sera toujours faiblarde par rapport à un texte fait pour cela. Les chansons françaises post 68 dites contestataires me font presque toutes ch... parce qu'elle me paraissent de circonstance, avec des mélodies nulles et des textes lourds. Elle sont finalement bien caricaturées par le "Misère" de Coluche. On peut se sentir transporté par la beauté d'une cathédrale en étant athée, on peut aimer "La Montagne" de Ferrat et ne pas être passéiste. Pas besoin de tout raccrocher au programme du parti.
pelon
 
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